France-Maroc: Boufal, "le petit Prince de la Roseraie" en demi-finale du Mondial

"Sofiane habitait là avec sa maman. Dans cet immeuble le plus proche du stade. On ne peut pas faire plus proche". Nous sommes à la porte du stade de Salpinte, le stade historique du club de l'Intrépide d'Angers. Echarpe autour du cou et bonnet sur la tête, Gilles Latté se tourne et montre du bras un bâtiment de quatre étages au mur beige situé à 20 mètres à peine de l'entrée du complexe.
Le sexagénaire, responsable à l'époque de l'école de foot de ce club de quartier aux 400 licenciés, se souvient: "C'était un mercredi après-midi. J'ai vu arriver un petit bonhomme depuis la cage d'escalier. Il avait 5 ans à peine. Il venait parfois avec son ballon et il s'intégrait dans le groupe en essayant de taper dans le ballon à chaque fois qu'il pouvait" raconte t-il. "Il voyait jouer les gamins depuis ses fenêtres. Il n'avait pas l'âge pour avoir une licence mais il avait l'air d'avoir tellement envie que je lui ai proposé de venir sur des séances. Ça a commencé comme ça". Boufal raconte même qu'il escaladait parfois les murs pour aller jouer sur le stade, quand il ne jouait pas en bas de son immeuble sur le parking.
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"Il dormait avec son ballon toutes les nuits"
Le foot, le foot, le foot et rien que le foot. Sébastien Hommeau a joué avec Boufal à l'Intrepide des débutants jusqu'à son départ pour le SCO Angers à 12 ans. "Pour lui, c'était inné. Il apprenait tout seul. Il vivait football. Il dormait avec son ballon toutes les nuits et dès le matin il s'entrainait tout seul. C'était impressionnant de facilité et dès les débutants, je me souviens très bien que pour lui c'était évident, il disait qu'il allait être joueur professionnel".
Alors Boufal se donne à fond avec des qualités hors-normes. Gilles Latté: "A 5-6 ans déjà, il maîtrisait tous les gestes de base: la conduite de balle, la passe, la frappe, le contrôle". Et puis bien sûr le dribble. "Il voulait toujours avoir le ballon et le garder" sourit Sébastien Hommeau. "A l'époque, il jouait plus bas plutôt numéro six. Il venait en défense le récupérer et partait dribbler toute l'équipe adverse. Et il marquait généralement. C'était facile pour nous".
"Les gens venaient pour le voir jouer à seulement 8 ans"
Les performances balle au pied du gamin Boufal font rapidement parler dans le quartier. "C'était un régal de le voir jouer" s'enthousiasme Gilles Latté. "Tous les gens du coin connaissait Sofiane, il était tellement au-dessus. C'était un petit gabarit mais il avait trois poumons. Il courait partout". Boufal devient même une mascotte. "Complétement! Il était connu La Roseraie qui est un quartier avec une population très mélangée, avec une colonie marocaine et magrhébine importante. Sofiane c'était la petite vedette. Les gens venaient déjà à cette époque juste pour le voir. Un gamin de 8 ans ah oui!".

Fort logiquement, Boufal va aller voir plus haut et le club voisin du SCO ne laisse pas passer le phénomène. Pourtant, le suite ne sera pas si simple notamment en raison d'un retard de morphologie qui aurait pû lui coûter certainement sa carrière. "Il avait un handicap sérieux de part son gabarit. C'était un petit moineau. Dans les jeunes en dessous de 11 ans, il n'y a pas de conséquences mais à l'adolescence 13-14 ans, il ne pouvait pas rivaliser physiquement avec des joueurs de son âge qui le dépassait de trois têtes donc réussir dans le foot, ce n'était pas gagné" raconte Gilles Latté.
"Il faut saluer le SCO qui a su être patient entre 12 et 18 ans car il ne jouait pas beaucoup dans les équipes mais ils ont su déceler les qualités et attendre que le développement se fasse". C'est Stéphane Moulin, l'emblématique entraîneur angevin, alors en charge de la réserve qui insistera pour garder Boufal, alors que le club angevin réfléchissait sur la suite. Bonne intuition, puisqu'à partir de 18 ans, Boufal rattrape son retard physique et intègre rapidement le groupe professionnel.
Avec la suite que l'on connaît et un nouveau surnom qui apparait: le petit prince de la Roseraie, lui qui est toujours resté attaché à son quartier où il vit à nouveau aujourd'hui depuis son retour dans son club formateur il y a deux ans. "Il n'a pas oublié d'où il vient. Il a la binationalité. Il est né en France mais est fier de ses racines marocaines ce qui lui a fait choisir la sélection" assure Gilles Latté. Notamment pour sa maman dont il est très proche et qu'on a pû voir danser sur la pelouse avec son fils après la qualification face au Portugal.

Depuis le début du Mondial, son quartier de la Roseraie a fêté avec passion les exploits du Maroc et sera à coup sûr à nouveau bouillant demain soir au coup d'envoi de ce France-Maroc. "Je ne sais pas comment il va vivre ça. C'est quand même un moment exceptionnel. J'ai tellement d'affection pour ce gamin C'était mon chouchou c'est sûr" sourit Gilles Latté.
"On est plus trop en contact mais le voir arriver à ce niveau, c'est un vrai plaisir. On a gagné pas mal de tournois ensemble quand on était jeune donc je pense qu'il se rappelle bien de moi. Mes parents l'emmenaient tous les week-ends au match car il n'avait pas de moyen de locomotion" poursuit Sébastien Hommeau. "Pour demain, j'espère qu'il fera un bon match mais je suis quand même pour la France. Allez, il peut marquer un but. On en marquera deux et puis voilà (rires)".
A moins que l'incroyable épopée marocaine ne se poursuive. Avant son retour à Angers dans quelques jours. Au SCO, rien n'est moins sûr. Sous contrat jusqu'en 2024, Boufal a de très fortes chances d'aller voir ailleurs. Invité de RMC dimanche, le Président angevin Saïd Chabane a d'ailleurs ouvert la porte à un départ dès janvier. Mais Boufal lui retournera au moins c'est certain chez lui à la Roseraie et "quand il va débarquer, il va y avoir un attroupement très vite" prédit déjà Gilles Latté. Logique d'avoir un accueil royal pour un prince.