"Un cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire": pourquoi la Coupe du monde 2030 sur trois continents est une aberration écologique

Michaël Ferrisi, est-ce que cette décision d’attribuer le Mondial 2030 à plusieurs pays sur plusieurs continents, est une mauvaise décision?
Ça m'inspire qu'on n'a toujours pas pris en compte les enjeux environnementaux dans la prise de décision, c'est-à-dire qu'on cherche tout le temps à avoir plus de pouvoir politique, à avoir plus d'argent. On oublie très clairement les considérations écologiques dans ce genre de décisions. Chaque année, la planète se réchauffe davantage et la température moyenne mondiale augmente chaque année. On ne prend pas en compte ce qu’il faut changer. Il faut changer le système et le modèle économique. Il faut retrouver un peu de raison et voir un peu plus petit dans ces projets.
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Cela semble aller à l'encontre des réflexions actuelles...
Oui, c’est une prise de décision totalement différente. Il faut réussir à faire adopter ce changement. Il faut régionaliser les compétitions, revenir sur un pays, c'est déjà une priorité. Les instances sportives sont, pour le moment, sur d’autres considérations. Les déplacements sont le plus gros poste d'émissions de CO2 lors d’une compétition. La planète continue de se réchauffer, et le changement climatique va toucher tout le monde. Les footballeurs ne seront pas épargnés.
Il y a encore une vraie différence de perception entre le grand public et la Fifa?
La Fifa est toute seule depuis un petit moment. Depuis l’attribution du Mondial à la Russie, puis au Qatar, il y a un petit encart dans les rapports d’évaluation sur ce thème. Ils sont obligés. Je pense qu'ils ont bien conscience des décisions ridicules par rapport à la situation écologique, mais encore une fois, c'est politique et c'est financier. Et il n'y a que ça qui guide aujourd'hui cette instance, rien d'autre. Il n’y a aucune prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Il y a des questions sur les transports, sur la santé des joueurs, sur les ressources en eau dans les pays... On attribue des Coupes du monde à des pays qui n’ont pas toujours beaucoup de ressources pour les populations locales. Je pense au Maroc par exemple, je pense aussi aux pays d'Amérique du Sud...
Et ce Mondial 2034 en Arabie saoudite, c’est le Qatar 2022 en dix fois plus grand?
C'est une Coupe du monde qui est payée par les pétrodollars, grâce à l'extraction du pétrole. On se paye une Coupe du monde pour essayer de changer l'image de l'Arabie saoudite, c'est du soft power et du sportwashing. Quand on peut voir le projet "The Line" au nord du pays, en plein milieu du désert, on nous dit que c’est un projet écoresponsable, écologique, durable et que ça sera incroyable. C’est surtout la ville qui va finir d’achever le monde dans lequel on vit aujourd’hui. C’est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire.
Il y a une différence entre la gestion de l’UEFA et de la Fifa sur ces sujets?
Dans certains domaines, effectivement, l'UEFA fait un petit peu mieux les choses que la Fifa. Effectivement, l'Euro en Allemagne est un cas d'école de ce qu'il faut faire. Alors que la Fifa enchaîne les cas d'école de ce qu'il ne faut pas faire. La Coupe du monde des clubs qui aura lieu cet été aux États-Unis n’est pas non plus parfaite. Enfin, la nouvelle formule de la Ligue des champions a un peu plus de matchs qu'auparavant. Et avec plus de matchs, on a plus d'émissions de CO2, forcément.