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Deschamps : « Pas là pour éduquer les Bleus »

Didier Deschamps

Didier Deschamps - -

Didier Deschamps était l’invité de Luis Attaque sur RMC ce mardi. Le sélectionneur de l’équipe de France est revenu sur ses premiers mois à la tête des Bleus, le match à venir contre l’Espagne mais aussi sur son départ de l’OM.

Quelle est la différence entre un sélectionneur et un entraîneur de club ? On te sent plus décontracté…
Je n’ai pas les soucis du quotidien (sourire). C’est un métier différent, j’ai des joueurs qui ne sont pas sous contrat. Ce sont des moments intenses sur 3, 4 ou 10 jours donc tout est focalisé sur ce temps-là. Avant et après les matchs, il y a pas mal de temps même si j’ai pas mal d’occupations.

Dans cette fonction, il ne faut surtout pas se tromper sur ses choix car il n’y a pas beaucoup de temps…
Je le savais, on ne peut pas énormément travailler. On va à l’essentiel. On fait en sorte de créer un état d’esprit et un groupe.

C’était aussi ton rêve de devenir sélectionneur des Bleus. Tu l’avais programmé ?
Programmé non mais tout le monde me le prédisait. Notamment avec mon attachement pour ce maillot de l’équipe de France. C’est arrivé à ce moment car les conditions étaient réunies. Je suis très fier d’être le sélectionneur de l’équipe de France.

Es-tu satisfait des trois premières rencontres des Bleus depuis ta nomination ?
Je suis satisfait car il y a 6 points, c’était important de les prendre dans un groupe à 5 avec l’Espagne. On ne construit pas ses succès en défendant mais il faut avoir une base solide. L’animation offensive demande le plus de temps, c’est le plus difficile à améliorer. Mais ce qui est le plus important pour moi, c’est la vie de groupe, l’état d’esprit et sur ces trois rassemblements, j’ai vu des joueurs impliqués, concernés et qui avaient envie de s’impliquer dans ce projet et de se qualifier pour la Coupe du monde.

Tu as mis en place un cadre de vie en équipe de France. Penses-tu qu’il est nécessaire avec les joueurs actuels d’insister sur ces points ?
Ce n’est pas méchant ce que je vais dire mais peut-être qu’on ne leur a jamais vraiment dit ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Les mentalités ont évolué. La grande différence vient de la multiplication des médias. Aujourd’hui, on n’a plus le droit à l’erreur. Le moindre petit dérapage prend des proportions démesurées, il y a une tolérance zéro. Tout se sait. Pour leur majorité, ils ont eu des parcours familiaux très difficiles, il y a des parcours atypiques avec des souffrances. Ce n’est pas facile de se construire en ayant vécu cela. Je ne suis pas là pour les éduquer, ce sont des adultes. Le plus important, c’est qu’ils respectent le groupe et qu’il n’y ait personne qui mette en difficulté l’équilibre du groupe.

« Je ne suis pas inquiet pour Lloris »

Sens-tu que ton projet de jeu est en train de se mettre en place ?
Il a commencé et il est crédibilisé par les résultats obtenus. J’ai fait des choix de joueurs, de systèmes même si je ne suis pas figé. J’ai fait des choix pour avoir un ensemble équilibré et qui nous permette d’être performants dans les deux secteurs. Avoir deux attaquants axiaux à un moment, pourquoi pas. Le résultat reste la priorité mais je ne néglige pas la manière d’y arriver. Je préfère avoir une équipe qui maîtrise et qui impose son jeu à l’adversaire.

Es-tu inquiet pour Hugo Lloris qui n’est pas titulaire à Tottenham ?
Ah bon ? Ne lui faisons pas un procès avant qu’il n’arrive. Il devrait jouer jeudi en Ligue Europa. On ne va pas créer un problème là où il n’y en a pas. Je n’ai pas être inquiet pour lui, je connais ses qualités. Il y a des matchs tous les 3-4 jours. Il jouera de toute façon.

Plus généralement, es-tu inquiet pour les joueurs qui jouent peu dans leurs clubs ?
Il y a une différence entre ne pas jouer du tout et jouer de temps en temps. Varane, lui, il ne joue pas du tout au Real. Si tu ne joues pas pendant trois semaines, un mois, tu n’es pas sélectionnable. En un mois, il faut au moins faire 2-3 matchs. Je ne suis pas du tout inquiet pour Lloris et les autres. Ils sont dans des grands clubs, avec de la concurrence.

On sent que Patrice Evra a toutes les peines du monde à retrouver son niveau depuis 2010…
Il doit vivre avec ce qu’il s’est passé en 2010. Il ne pourra rien y faire. Cela fait partie de lui. On focalise un peu plus sur lui. C’est vrai qu’en Finlande, on n’a pas réussi un seul centre. Contre la Biélorussie, cela a été bien meilleur. Le concernant, on va juger l’homme sur ce qu’il s’est passé en 2010, même s’il fait de bons matchs. Le regard des autres sur lui a changé et lui aussi. Mais on parle quand même d’un joueur qui fait 45 matchs avec Manchester United chaque saison et qui est capitaine de cette équipe.

La situation de Benzema au Real Madrid et son manque de réalisme devant le but peuvent-elle remettre en cause la hiérarchie des attaquants en équipe de France ?
Karim est un joueur à gros potentiel. Il a été très efficace avec le Real la saison dernière, avec la sélection dans les éliminatoires de l’Euro. Je ne me soucie pas pour lui. Il fait d’autres choses importantes pour l’équipe. Il a beaucoup de talent. Il reste un joueur de haut niveau, il ne sera jamais un attaquant d’appui, de fixation. Il aime bouger, il fait des passes décisives. Lui laisser cette liberté de mouvement nécessite que les joueurs de couloir viennent un peu plus dans l’axe et que les milieux d’apporter leur présence dans la surface.

Rio Mavuba peut-il devenir le taulier des Bleus au milieu ?
Il assume le rôle de capitaine à Lille depuis trois saisons. Il est dans un secteur où il est important de parler. C’est un joueur intelligent. A son débit, il manque de sélections et d’expérience internationale. Je vois qu’il a une bonne cote auprès du public et des journalistes. A lu de maintenir ce niveau de performance et d’exigence. Il peut être l’un de mes relais, même sans le brassard.

Et le cas Diaby ?
Il ne faut pas oublier qu’il vient de deux saisons où il a très peu joué. Il a repris les matchs de 90 minutes. Je fais confiance aux joueurs. Si lu ne se sent pas, cela ne sert à rien d’insister. Il a fait un très bon match en Finlande, je n’ai pas pu l’économiser. Il faut qu’il apprenne à se gérer, il ne peut pas enchaîner les matchs tous les 3-4 jours.

« Tout le monde ne tirait pas dans le même sens à l’OM »

Nasri a purgé sa suspension. Est-il sélectionnable ?
Il l’est. Il fera partie de la liste des pré-convoqués qui est très large. Je n’ai pas de joueurs condamnés dans mon esprit. Je ne sais pas tout ce qu’il s’est passé à l’Euro mais j’en sais beaucoup. C’est important. Mais cela appartient au passé aussi.

Quel schéma tactique devra être mis en place pour contrer l’Espagne ?
Je ne vais pas en parler aujourd’hui car Del Bosque est un ami de Luis et il écoute Luis Attaque (rires) ! Ce sera important de limiter l’influence de certains joueurs comme Xavi mais il ne faudra pas se contenter de défendre. Car face à cette équipe, à un moment ou un autre, on encaissera un but. L’endroit où l’on récupérera le ballon peut nous permettre de leur créer des difficultés. On va les jouer avec l’objectif de les battre mais ça reste la référence. Si tu n’arrives pas à les perturber à la création du jeu, cela peut faire mal.

On te sent confiant pour ce match en Espagne…
Leur supériorité, je ne la discute pas. Mais sur un match, je veux que chaque joueur qui rentre sur le terrain pense que l’on peut leur faire mal et obtenir un résultat. Il faudra que l’on soit au maximum, surtout collectivement.

As-tu un message à passer aux supporters de l’OM ?
Je suis très fier de ce que j’ai vécu à l’OM. J’y ai passé trois ans, on a gagné six titres. Ma dernière saison a été très pénible. Aujourd’hui, je ne leur souhaite pas de mauvaises choses, bien au contraire. La page est tournée car pour moi, il n’y avait pas d’autres solutions. Pour moi bien et celui de l’OM, il fallait que je parte. Ce qui se passait dans mon quotidien faisait que c’était injouable pour moi. Aujourd’hui, tout le monde tire dans le même sens ce qui n’était pas le cas l’année dernière. Il y a des spécificités locales auxquelles un entraîneur doit s’adapter, aujourd’hui les résultats sont là. Il y a beaucoup moins de concurrence et il y a une unité.