Equipe de France: les Bleus, Liverpool, Nagelsmann... L'interview intégrale d'Ibrahima Konaté dans Rothen s'enflamme

Jérôme Rothen: Salut Ibrahima, merci d’être là et de participer à l’émission. Comment tu vas ?
Ça va super, j’espère que vous aussi.
JR: Ça fait quoi de retrouver le château de Clairefontaine ?
Ça fait du bien de revenir, de revoir les coéquipiers, les amis. C’est surtout un honneur de reporter ce maillot, ça fait toujours plaisir.
JR: Vous êtes habitués à jouer des matchs de qualification au mois de juin, mais c’est toujours particulier non ?
C’est vrai que c’est un moment compliqué. C’est difficile parce que quand la saison est terminée, on aime bien couper, profiter avec la famille… Mais en fait, non. Tu dois toujours rester focalisé en gardant la forme physique. Ce qui est compliqué, c’est que tu ne coupes pas réellement. C’est un peu difficile mais bon… On est payé pour ça au final (rire).
JR: T’as couru tous les jours ? Car je sens que là t’as pris un peu des joues… (rire)
Non, on avait un petit programme ! Ça va, j’ai pu le suivre tranquillement, il n'était pas dur.
Fabrice Hawkins: Ça fait plaisir de retrouver cette équipe de France dans laquelle tu commences à t’installer avec Dayot Upamecano derrière ?
Ça fait plaisir de retrouver l’équipe de France. Maintenant, "s’installer"... je ne dirai pas le mot (rire). On ne va pas être prétentieux. Non non, on ne s’installe pas. On a fait de bonnes performances ensemble, on espère continuer mais il y a une concurrence incroyable à ce poste. On n’est jamais installés, mais tant mieux pour nous, car ça va nous permettre de rester focalisés, de toujours donner plus et de toujours travailler.
JR: Avec l’arrêt de la carrière de Raphaël Varane, les cartes sont un peu redistribuées. Mais on a vraiment l’impression que tu es l’homme fort de la défense, on a senti la confiance de Didier Deschamps sur les deux matchs du mois de mars. Toi aussi tu le ressens certainement non ?
Bien sûr qu’on le ressent un petit peu. Le coach nous donne cette confiance en nous mettant sur ces deux matchs d’affilée. On a eu la chance de faire de bonnes performances, maintenant on souhaite que ça continue ainsi. Mais comme je l’ai dit, rien n’est joué, il y a encore plein d’années devant nous et les joueurs à notre poste font de très bonnes choses dans leur club, individuellement et collectivement. C’est à moi - et à Dayot aussi - de travailler dur. Si on peut faire de bonnes performances ensemble, et bien on prend !
JR: Est-ce que tu as ce leadership en toi pour t’installer ? Après un mec comme Varane qui était là depuis X années, il faut trouver un patron de défense…
C’est vrai que j’ai ce côté leadership depuis ma jeunesse dans le football et je l’ai toujours eu. Je pense que c’est naturel. C’est aussi quelque chose qui peut s’apprendre mais c’est difficile. Quand ce n’est pas naturel, ça n’a pas le même impact sur les joueurs. J’ai la chance de pouvoir parler français ici (en équipe de France, contrairement à Liverpool). Donner de la voix, c’est naturel et je pense que ça aide toute l’équipe, ça donne une certaine confiance. J’ai la chance d’avoir cette qualité, que ce soit sur le terrain ou en dehors. Je suis aussi un rapprocheur. C’est tout ça qui fait ma force en dehors et sur le terrain.
JR: Et t’apprends certainement aussi à Liverpool avec des mecs qui ont tout gagné, van Dijk et j’en passe… Au quotidien, c’est aussi important d’avoir ces repères-là ?
Bien sûr. J’ai aussi eu la chance d’être avec James Milner, qui nous quitte cette saison. Lui, c’était vraiment le leader, le big boss. Je n’ai jamais vu ça de ma vie, c’était incroyable ! J’ai beaucoup appris de lui. En Angleterre, j’aimerais avoir ce côté leader, mais il y a la barrière de la langue… Parfois, j’ai envie de dire des phrases mais mon anglais n’est pas assez parfait pour sortir certaines phrases au bon moment. Alors que lui (Milner), parfois il te sort des phases, il est à côté de moi et je me dis… (il coupe) bref, je ne vais pas dire le mot ! (rire)
FH: Donc ça passe aussi par le langage corporel pour te faire entendre des autres quand c’est un peu plus difficile avec la barrière de la langue ?
Bien sûr. Après, ça va, je maîtrise quand même un peu la langue donc j’arrive à parler à mes coéquipiers. Mais avoir ce côté leader dans le vestiaire où tu réunis tout le groupe en disant des mots forts, c’est le prochain objectif que j’aimerais atteindre la saison prochaine.
FH: Et ça, c’est ce que tu arrives à faire en équipe de France justement ?
Oui. Un peu moins en Allemagne car je ne maîtrisais pas la langue au début. Mais en équipe de France j’ai toujours su le faire.
JR: En équipe de France, quel est ton système favori derrière ?
Personnellement, je m’en fous. Je n’ai pas de préférence dans le système. Tant que je joue, tant que je performe, c’est le plus important.
JR: J’ai quand même la sensation que quand tu es à trois derrière, tu as cette capacité à faire la bonne première relance. Tu le ressens aussi ?
C’est clair que quand on est à trois, il y a plus d’espaces et ça me permet d’avoir une vision de jeu plus élargie et de trouver des passes plus faciles. Mais, franchement, je n’ai pas de préférence.
FH: Sur quoi tu dois encore progresser selon toi ? Sur quoi tu aimerais encore plus travailler ?
Franchement, il y a beaucoup de choses sur lesquelles j’aimerais travailler. J’aimerais m’améliorer sur mon pied gauche, sur mon jeu de tête - mettre plus de buts - et sur les relances aussi.
JR: Quel bilan fais-tu de cette saison moyenne avec Liverpool ?
On a un début de saison assez compliqué. Après, comme on l’a vu sur les deux derniers mois, on a une certaine pression, on s’est vraiment remobilisés. On s’est dit "Mais notre objectif c’est la Ligue des champions" et quand on regarde nos 10 ou 11 derniers matchs, il y a 10 victoires je crois. C’est nous, c’est les joueurs: à un moment donné, on a merdé sur la saison. Mais ça arrive de faire des saisons comme ça, on a la chance d’avoir nos supporters qui sont toujours derrière nous. La saison est passée, il ne faut plus y repenser. Il faut se rappeler des erreurs qu’on a faites et penser à l'année prochaine. Je suis sûr que ça va être une très bonne saison.
JR: En fait, ils avaient besoin de retrouver leur maillon fort. Depuis que t’es revenu de blessure il n’y a eu que des victoires…
(Rires)
JR: Non mais c’est vrai, Jurgen Klopp te fait une confiance aveugle…
Je ressens cette confiance, encore plus cette saison. Ce n’est pas un hasard, cette confiance est due à mes performances. J’en suis fier mais ce n’est pas une fin en soi, ça me donne encore plus envie de travailler. Je suis très heureux et j’espère que ça va continuer comme ça.
JR: Il y a eu le départ de Roberto Firmino et peut-être qu’il y en aura d’autres. Est-ce qu’il ne faut pas rajeunir ce groupe, qui a été incroyable et qui a tout gagné depuis X années ?
Bien sûr, ça je pense que tout le monde le sait. Je pense que le coach et ceux qui s’occupent du recrutement savent qu’on a besoin de nouveaux joueurs. Je crois qu’on a quatre joueurs qui partent cette saison: Alex Oxlade-Chamberlain, Naby Keita, James Milner et Firmino. On est obligés de les remplacer. Si on ne les remplace pas, on fait comment ? On est en sous-effectif et on manque de qualité ? On ne peut pas jouer avec les jeunes à ce niveau-là.
FH: Au milieu de terrain, il peut y avoir des nouveautés avec Alexis Mac Allister qui va arriver bientôt. On parle aussi d’un autre jeune joueur très performant que tu connais bien, Khéphren Thuram. Est-ce que t’aimerais bien le voir arriver et qu’est-ce que tu penses de lui surtout ?
Khéphren, c’est comme mon petit frère, c’est quelqu’un que j’ai vu grandir. J’étais avec son grand frère au centre de formation mais Khéphren je l’ai vu grandir. Je l’ai vu performer et progresser à un niveau... C’était incroyable. Même quand il est venu en équipe de France pour sa première sélection. Je le voyais à l’entraînement et j’étais vraiment surpris par sa taille et son aisance technique. Je serais très heureux qu’il vienne à Liverpool, je le prendrais sous mon aile et je ferais tout pour qu’il progresse et qu’il devienne le joueur qu’il veut devenir. Maintenant, c’est aussi à lui de travailler. Mais moi je ferais tout pour qu’il devienne un top joueur.
JR: Liverpool peut être un bon tremplin. Mais l’Angleterre c’est difficile non ?
Bien sûr que c’est difficile. C’est très difficile. Il ne faut surtout pas le négliger. Quand je suis à Leipzig et que je signe à Liverpool, beaucoup de personnes disaient que c’était trop tôt, que ce n’était pas le bon choix. Au final, j’ai donné tort à toutes ces personnes donc il ne faut pas écouter les gens. Si Khéphren a la possibilité de venir dans un club comme Liverpool, je pense qu’il va être surpris de l’engouement qui va arriver derrière lui. C’est à lui de travailler. Il est encore très jeune mais il a une marge de progression incroyable donc j’ai confiance.
FH: Tu le disais, en équipe de France il y a une concurrence énorme en défense centrale avec des joueurs qui ont des qualités hors norme. Tu joues à Liverpool, William Saliba, qui n’est pas là, est à Arsenal, Wesley Fofana à Chelsea, il y a Benoît Badiashile aussi qui aurait pu postuler… Est-ce que, quand vous vous retrouvez, vous en parlez ?
Non, on n’en parle pas parce que tout le monde le sait ! En fait, c’est quelque chose qu’on sait mais on ne va pas en parler, on ne va pas en discuter. Mais c’est vrai que quand on se pose et qu’on regarde sur la feuille qui joue où, on se dit: "Ah ouais ! Il y a de la concurrence". En plus, ils jouent tous dans des top clubs, c’est incroyable. Moi, ça me fait plaisir, car toutes ces personnes-là, en dehors du foot, sont des personnes que j’apprécie, le côté humain est présent. Je veux leur bien aussi. Après, quand on est sur le terrain, c’est la guerre. Chacun veut sa part du gâteau.
JR: La concurrence est saine, c’est ce que t’es en train de nous dire ?
Exactement !
JR: Ça permet aussi de progresser et, pour l’équipe de France, d’avoir de bons résultats. Chaque sélection est épiée, on analyse la façon de jouer. Sur ça, tu penses qu’il y a moyen de mieux faire, c’est un souhait de Didier Deschamps ?
Il ne nous en a pas parlé. Si c’est un souhait de sa part ? Peut-être. Nous, ce qu’on voit, c’est que tant que le résultat est là, c’est le plus important. J’ai eu cette discussion avec un taxi il y a quelques jours. Il me parlait du système de jeu. Je lui disais: "Mais tant qu’on gagne, qu’est-ce que tu veux nous reprocher ?" Chacun joue dans des clubs différents, chacun a un système différent… Comment tu veux en une semaine ou deux changer de système ? C’est très compliqué, on ne peut pas. Il y a la victoire, c’est ce qu’on retient. Quand on gagne, il y a les trois points, on rentre chez nous et on est heureux.
JR: On parle beaucoup de Julian Nagelsmann, que tu as eu à Leipzig, au Paris Saint-Germain. Que penses-tu de lui, car moi j’ai entendu beaucoup de critiques sur son passage au Bayern Munich…
C’est un très bon coach, un très très très bon coach. A l’époque, il était encore jeune donc il avait certains défauts par rapport au relationnel avec certains joueurs. Mais je pense qu’en étant passé par le Bayern, il a dû emmagasiner beaucoup d'expérience. Il a une idée de jeu vraiment incroyable, et si les joueurs vont avec, c’est un coach qui peut faire très très mal. Même si ça s’est mal fini avec le Bayern, quand on regarde les résultats en Ligue des champions, c’était pas mal je trouve ! Maintenant, s’il a le souhait de venir au PSG et que le PSG le veut, ça peut être quelque chose de beau peut-être.
FH: C’est un entraîneur qui aime bien promouvoir les jeunes aussi. Quand vous l’avez eu, vous étiez jeunes avec Dayot Upamecano. Comment il était avec vous ?
C’était un coach qui avait son idée de jeu. Après, moi je n’ai jamais été le joueur qui parle beaucoup avec le coach, même aujourd’hui je ne le fais pas à Liverpool. Par rapport à ça, je ne peux pas vraiment dire comment il était parce que je ne vais pas à ce contact-là. Mais quand on était à Leipzig, c’est vrai que c’est très facile de manier une équipe de jeunes. Après, quand t’arrives au Bayern, tu as de grands Monsieurs… Au PSG, c’est à peu près pareil. Avec la mentalité française… (rire)... on peut avoir de très bonnes surprises ! Mais ça fait partie du football, il faut savoir sauter dans le grand bain et prendre tous ces risques-là !
JR: S’il signe, il y aura peut-être une chance de te voir un joueur au PSG…
Olalala… (il éclate de rire)
JR: Je suis obligé de te poser cette question, moi je suis d’ici, ça me fait plaisir de voir des internationaux français au PSG…
FH: Ibrahima aussi est de Paris…
JR: Après, ce n’est pas parce que tu viens de Paris que tu es forcément attaché au PSG…
Après, c’est dans nos gènes un petit peu. Tous mes grands frères sont fans du PSG depuis ma plus tendre enfance. Je m’en rappelle, le premier match que j’ai vu du PSG était le premier match de Jérémy Ménez je crois. C’était il y a longtemps. C’est dans nos gènes, ce sont les gènes parisiens donc c’est logique.
JR: C’était une boutade bien sûr, tu es dans un grand club et continue de profiter et de gagner des titres, même si l’année prochaine il n’y aura malheureusement pas de Ligue des champions. Ça ne va pas être une année de transition pour autant ?
Non, pas du tout. Même s’il n’y a pas la Ligue des champions, ce n’est pas grave. On va jouer l’Europa League et on a la Premier League, qui est le championnat le plus relevé dans le monde.
JR: Surtout qu’il y a Manchester City qui a tout écrasé cette année… Il va falloir les faire tomber maintenant…
Olala… Grave ! Non mais je suis content…
FH: Vous en avez déjà parlé des objectifs de l’année prochaine ou c’est trop tôt ? Vous avez envie d’aller chercher l’Europa League ?
Non, on n’en a pas parlé mais je pense que chaque joueur sait ce qu’on doit faire et ce qu’on a à faire pour la saison prochaine.
JR: Dernière question sur capitaine Mbappé. C’est quel genre de capitaine ?
Il est au milieu des deux générations, les plus anciens et la nouvelle génération. Il arrive à faire le pont entre nous et eux car il a tout vécu avec eux. Il a gagné la Coupe du monde. C’est quelqu’un qui a une très bonne relation avec le coach, si on a des besoins en particulier, c’est plus facile. C’est un très bon capitaine, un rassembleur et on est contents de l’avoir comme capitaine.
JR: Merci Ibrahima, à bientôt !