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Performant, travailleur, plus affirmé: comment Manu Koné est devenu un taulier dans l'entrejeu de l'équipe de France

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Depuis plus d’un an, Manu Koné (24 ans) s’est fondu dans le paysage des Bleus avec aisance, jusqu’à devenir, en dix matchs, un joueur important de l’Equipe de France. A sa façon: en prouvant sa qualité sur le terrain, grâce à une persévérance née de son parcours cahoteux.

Depuis un peu plus d’un an, le public français s’habitue peu à peu à voir ses cheveux au vent se balader un peu partout sur le terrain. Appelé en septembre 2024 par Didier Deschamps, Manu Koné (24 ans, 10 sélections) n’est depuis jamais sorti de la liste du sélectionneur. Il est même devenu un élément important des Bleus dans ce secteur de jeu, à la faveur des blessures (Camavinga), des suspensions (Tchouameni) ou des méformes (Rabiot, Zaïre-Emery…). De ses performances, aussi.

Un joueur "sous-coté", selon Deschamps

En septembre, les observateurs s’accordaient à dire qu’il avait été le meilleur du rassemblement, en tout cas celui qui avait marqué le plus de points. Un joueur très apprécié par Deschamps, qui l’avait qualifié de "sous-coté". "C’est très gentil", avait-il répondu. "Comme j’ai quitté la France très tôt (à 20 ans), ce que je faisais ne s’est peut-être pas vu, et je ne pense pas qu’aujourd’hui tout le monde regarde le Serie A (sourire). Je faisais déjà ça avant, mais là j’ai plus de constance. La Roma m’a fait et donné confiance."

Dans la capitale italienne, après trois ans à Mönchengladbach, Manu Koné a disputé 46 matchs pour sa première saison, où il est devenu un des chouchous des supporters. Son profil énergique entraîne de toute façon les gens derrière lui. "L'une de mes forces c'est mon volume de jeu", sourit l’intéressé. Comme ça l’a toujours été. "C’était un super joueur mais en retard morphologiquement, c’était un porte-clef Manu", rigole aujourd’hui Olivier Alberola, qui l’a entraîné en U15 à l’ACBB (Boulogne-Billancourt). "C’est assez rigolo de le voir maintenant. Il avait besoin d’un peu plus d’espaces et de temps pour exprimer ses qualités. Je lui avais concocté un rôle un peu sur mesure. Et il s’en sortait super bien et on retrouve un peu les mêmes qualités qu’aujourd’hui. Il était capable de terminer, il a toujours eu une bonne frappe."

A l’époque, ses qualités à la récupération ne lui sautent pas forcément aux yeux mais le joueur se donne, sans cesse, pour prouver qu’il peut atteindre ses objectifs. "Il avait des capacités de percussion par rapport aux autres", ajoute Marc Moesta, son éducateur au Paris FC avant qu’il ne signe à l’ACBB. "Il était complémentaire par rapport aux autres. C’était déjà son rôle, box to box, impressionnant par ses prises de décision, ses prises de risque offensives et très bon récupérateur. Qu’il soit à ce niveau-là ne me surprend pas. Ses qualités sont les mêmes qu’il avait en école de foot."

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Il les emmènera ensuite à Toulouse, qui le recrute en 2016 après un passage, aussi, à l’INF Clairefontaine. Dans la ville Rose, "il ne perdait jamais le ballon, il avait une qualité sous pression énorme, il cassait les lignes", se rappelle Jean-Christophe Debu, avec qui il est allé en finale de la Gambardella. "Il se projetait, marquait des buts et faisait marquer. Il était vraiment au-dessus." Et il était vraiment déterminé. Car chacun de ses coachs se souvient de son parcours quelque peu cabossé pour arriver jusqu’aux Bleus. Les trajets seuls, déjà, pour aller de chez lui, à Villeneuve-la-Garenne, jusqu’à ses clubs du PFC ou de l’ACBB. Une heure et demie de transports en commun à douze ans, avant parfois de rentrer faire les devoir le soir.

Longs trajets, blessures et caractère

"On favorisait beaucoup la proximité mais Manu lui faisait beaucoup d’heures de trajet, on essayait d’aménager les entraînements par rapport à lui parce qu’il avait une fatigue mentale à ne pas négliger", souffle Marc Moesta, du PFC. "Il venait avec son sac à dos d’école et rentrait ensuite chez lui. Ça prouve sa détermination." "Ça faisait loin. Ces gars-là, c’est des survivants", ajoute Olivier Alberola, son ancien éducateur à l’ACBB. Son passage à Clairefontaine, aussi, a failli ne pas avoir lieu. "Il rentre de justesse à Clairefontaine, grâce à un désistement. Il n’était dans aucune sélection d’Île-de-France à l’époque", rappelle Alberola.

Et quand Toulouse finit par le repérer et le faire venir, rien ne se passe comme prévu. Cette fois, c’est le corps qui craque. Première saison: fracture du tibia. Koné passera un an sans jouer, en partie en fauteuil roulant. "Je reviens de très loin. Après ça, tu ne peux qu'aller de l'avant", expliquait le joueur après sa première sélection. "C'est une force. Ce sont des choses comme ça qui m'ont forgé un mental d'acier." Il finira par réussir à Toulouse, signer en Allemagne pour près de 10 millions d’euros et effectuer le parcours qu’on lui connaît. En Bleu, il s’est fondu dans le collectif patiemment, aidé par les premières convocations d’autres potes des JO 2024, Loïc Badé et Michael Olise, qu’il a beaucoup accompagné.

Le Romain est aussi proche de Tchouaméni, avec qui il partage le même entourage, comme Mike Maignan et Jules Koundé. "Manu, je le connais depuis qu'on est jeunes où j'étais son capitaine", explique de son côté le défenseur William Saliba. "C'est un très bon joueur et il a eu la chance de jouer dès qu'il est venu. C'est bien de voir qu'il s'impose petit à petit dans cette équipe. J'espère qu'il va continuer." Dès son arrivée, Koné a aussi échangé avec Didier Deschamps, notamment sur les cartons: il en a pris deux en deux matchs, et était suspendu dès le troisième.

Il a revanche changé sur un point, à en croire ses formateurs: Koné s’est affirmé en public. "Il était introverti, timide, agréable à côtoyer, une super mentalité, bien entouré et éduqué par sa famille", expose Jean-Christophe Debu, du TFC. "Il a laissé une très bonne image comme personne. Il était quand même leader par l’exemple." "Il était à l’heure, carré, ponctuel, rien à dire", applaudit Olivier Alberola. "Il est passé sous les radars médiatiques… Que ce soit physiquement ou dans son expression, c’est vraiment une transformation." Autant de qualités qui lui permettent de devenir incontournable dans le groupe France et de rejoindre le château de Clairefontaine depuis plus d’un an, devant lequel il passait envieusement en allant à la cantine lors de ses années à l’INF.

Valentin Jamin