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Riolo : ''Deschamps nous hypnotise"

Daniel Riolo

Daniel Riolo - DR

Retour sur la vie des Bleus de Didier Deschamps et leur succès poussif, vendredi, contre le Portugal (1-0).

« Treize jours pour se retrouver »… « Le grand bond en arrière »… « Match d’une intense médiocrité »… Ces commentaires, c’est entre autres, ce qu’on pouvait lire au lendemain de la victoire du XV de France devant l’Ecosse. Une victoire oui ! Oui, vous ne rêvez pas, on parle bien d’un succès de l’Equipe de France. On a entendu le même genre de commentaires dans la plupart des médias. On peut donc gagner, mais essuyer des critiques pour les moins sévères. Dans le rugby, ça a toujours été comme ça. On peut parler de fond, du jeu, des stratégies, du choix des hommes.

Et si je fais ce long préambule, c’est pour pointer la différence avec notre foot. Avant tout, en foot, c’est le résultat qui fera, au final, office de vérité. On ira à peine au-delà du « oui mais ». Regarder ce qu’il y a derrière le score, à quoi bon ? La différence est culturelle. Le PSG a fait un quadruplé, Blanc est un crack, fin des discussions. Bielsa est 4e, alors que l’OM visait le podium, échec ! On n’en parle plus.

Pour les Bleus, c’est pire. La fameuse « Jurisprudence Jacquet » est devenu une règle écrite du genre : « ne critique pas, on ne sait jamais ». En rugby, ça a failli exister. Souvenez-vous. « Tu m’emmerdes avec ta question ». Marc Lièvremont emmène les Bleus en finale de la Coupe du Monde, contre toute attente. Il fallait donc se taire ? Evidemment non. En plus, il paraît que la critique, ça motive. Si en plus, on peut filer un coup de main, hein !

Imaginez un peu avec tout ce qu’il a pris dans la gueule, si Saint-André gagne la Coupe du Monde !!! Est-ce que ça fera taire ceux qui l’ont taillé ? Je ne crois pas. Les mecs assumeront et il n’y aura pas de chasse aux sorcières comme on a pu le voir en foot après le barrage face à l’Ukraine. Les débats sur le jeu, je le répète, c’est culturel au rugby, pas au foot où c’est d’abord la culture du résultat qui prévaut.

Il va donc falloir se préparer à ça avec les Bleus de Deschamps. Vivre dans cette atmosphère pourrie. Peu importe si les deux pays qui dominent le foot international depuis près de 10 ans, l’Espagne et l’Allemagne, ont axé toute leur réflexion sur le jeu. Quatre grandes compétitions dans lesquelles l’Espagne et l’Allemagne ont été des acteurs majeurs, ça pourrait donner envie de copier non ?

Depuis quand et depuis combien de temps, on n’a pas vibré devant un match des Bleus ? Depuis 2006 et les adieux de Zidane. Allez, sortons deux exceptions, le France-Ukraine (3-0), et le Suisse-France (2-5). Deux matches en presque dix ans. A part ça ? Rien, de l’ennui à revendre et du marketing à gogo pour promouvoir les Bleus, renouer sans cesse le lien avec un public qui dort ou ne regarde que d’un œil.

Avec Deschamps, la France a opté pour le coach qui gagne. Le chef de la secte du résultat avant tout. Pourtant, les Bleus gagnent encore moins qu’avant. Si on combine intérêt des matches et résultats, on frôle la pire période de l’histoire des Bleus. Un constat terrible. Mais il y a ce quart de finale de Mondial gonflé, surgonflé pour entretenir la flamme. Et arrive bientôt l’Euro à la maison. Celui qu’on doit gagner ! Comment, avec qui ? On ne sait pas. Il faut avancer et faire confiance à Deschamps. « Il faut continuer sur cette dynamique » a précisé Lloris après l’extraordinaire victoire au Portugal ! Et le pire c’est qu’il est sérieux. En même temps, on n’a jamais vu Lloris sourire.

Ce week-end, les Espoirs français ont été battus par les jeunes Islandais. Il paraît qu’il y a une excuse, l’arbitrage. Forcément. Si on compare les moyens de ce petit pays, le nombre de licenciés, son passé récent, sa culture de ce sport, c’est évidemment honteux. Les grands Islandais vont, eux, disputer l’Euro. Une première. Un aboutissement après 10 ans de travail, de programme, de développement.

Pendant ce temps, nous, on n’a rien fait. Rien n’a bougé. On joue toujours aussi mal et on nage en plein délire. Une preuve ? La blessure du pauvre Fekir. Un joueur dont c’était la première sélection, mais dont l’absence est annoncée comme dramatique. Benzema, lui, en est à 79 sélections et il faut faire un gros travail de recherche pour trouver une poignée de matches réussis en Bleu. Le mec joue au Real Madrid et plutôt très bien, mais on n’a jamais réussi à le voir bon en équipe de France.

N’allons pas plus loin, évitons d’évoquer la défense, les latéraux, l’animation… Rien ne change. Il faut faire confiance à Deschamps ! En foot, tout est possible. Sa réussite plongerait ses critiques en enfer ! On connaît la rengaine, de zéro à héros, il n’y a qu’un pas. Continuons à nous emmerder devant cette équipe au jeu déplorable. « Aie confiance, crois en moi, fais un somme, sans méfiance, je suis là, aie confiance »… Deschamps nous hypnotise.

Daniel Riolo