Riolo : "Le cas Benzema…"

Daniel Riolo - @RMC Sport
Il y avait longtemps que je n’avais pas abordé le sujet Benzema. Le délicat sujet, le sensible, presque impossible sujet. Le sujet qui divise. Le sujet qui rend le mot « nuance » impossible. A chaque remarque, critique, demi-critique, ses avocats, ses fans, sa « communauté », sortent les couteaux. Pour eux, Benzema est intouchable. Pour certains, c’est même un pêché de remettre en cause ses performances. Le pire, c’est que pour ses avocats, le racisme n’est pas loin.
Benzema est le meilleur joueur français en activité. Il joue au Real. Ses stats, ses matches, ses prestations, tout plaide pour lui. Seul Ribéry peut lui contester cette place de n°1. Mais les blessures et une année difficile ont fait reculer le joueur du Bayern dans la hiérarchie. Quant à Pogba, il est encore jeune et la Juventus n’est pas actuellement un grand d’Europe.
Si on parlait tennis, on pourrait donc dire que sans contestation, Benzema est le n°1 français.
Pourtant, cela continue de ne pas se voir en équipe de France. Depuis qu’il fréquente cette équipe, combien de bons matches a-t-il fait ? Si on relève les équipes affrontées, les performances d’ensemble, le leadership lié à son talent, si on mélange tout ça, on ressort combien de matches ? Je ne sais même pas si on arrive à 5. Lors de la dernière Coupe du monde, il est bon face au … Honduras. Ça compte ? Il est excellent contre la Suisse, mais il ne joue pas en 9. Après ? Rien.
Pendant sa période sans but, la question de savoir si c’est lui ou Giroud qui devait jouer en pointe, a animé les débats foot. Et comme je disais dans mon livre « L’Explication »[1][1], jamais le débat n’aurait dû exister. Benzema est intrinsèquement bien supérieur à Giroud. Et pourtant, je reviens dessus, mais à la Coupe du monde, dans le match référence face à la Suisse, Giroud est 9, Benzema est à côté de lui.
« A côté », c’est finalement peut-être la meilleure place de Benzema. En effet, et si être un lieutenant, un adjoint, était la place idéale pour lui ? C’est dans cette position qu’il est au top au Real. Il est même devenu indispensable, ce qui n’a pas toujours été le cas. Doit-on rappeler ce que disait de lui Mourinho ? Difficile de ne pas être obligé de constater que Benzema n’est pas un leader. Le n°1 de l’équipe, ça n’est pas lui. Ça ne peut pas être lui. Etre le n°1, c’est une faculté mentale qu’il n’a visiblement pas. Etre l’homme qui guide, celui dont on attend la solution, il n’a pas ça en lui.
Son épanouissement au Real, il le doit à ce merveilleux rôle qu’a trouvé pour lui Ancelotti. Il y a les stars, les gros transferts et il y a Benzema. Une importance différente. Dans la hiérarchie du vestiaire, il vient après une longue liste de joueurs. Je ne parle pas de niveau de jeu, mais de caractère, de place, d’ego : Casillas, Ramos, Pepe, Ronaldo… Pas la peine d’aller plus loin, c’est simple à comprendre. Et il est tout aussi simple de comprendre que changer de rôle pour être le boss des Bleus, c’est impossible. Ribéry avait eu le même problème avant lui. Evoluer au Bayern, au Real, être derrière, presque « caché » de très grands joueurs, puis venir en Bleu et devenir le leader, c’est compliqué, impossible.
Pas aussi bien entouré qu’au Real, Benzema devient un joueur ordinaire en Equipe de France. Il n’a que son statut de joueur du Real pour défendre des prestations bien ternes. Je disais récemment qu’on pouvait comparer son rôle à celui de Pippen à côté de Jordan. Personne n’ira affirmer que Pippen n’était pas essentiel aux Bulls.
Benzema est donc souvent sans saveur en Bleu et sa position est peut-être en cause. Au Real, c’est un faux 9, pas le buteur principal. Il décroche, organise même parfois. En EDF, on attend de lui qu’il fasse la différence dans une position qu’il n’occupe pas au Real. Lui pourtant ne veut pas entendre parler d’un éventuel changement de position en EDF. Il veut être le 9. C’est une question d’honneur, de principe. Il a une humilité au Real qu’il n’a pas en Equipe de France.
Faut-il envisager de le mettre derrière un 9 en 4231 ? Pourquoi pas. Après tout, les Bleus n’ont pas de 10. Il faut en tout cas repenser le cas Benzema car ses prestations ne s’améliorent pas. Il faut chercher à le mettre dans les meilleures dispositions. On doit savoir ce qu’il veut vraiment. Avec un Benzema à ce niveau, englué dans ce rôle de 9 banal et bancal, les Bleus n’iront nulle part. Si la France veut être un prétendant sérieux à l’Euro 2016, ce sera avec un Benzema capable de réellement exprimer son talent.
[1][1] « L’Explication, Clash Football Club ». Daniel Riolo et Pierre Menes. Ed. Hugo et Cie