Kiev-Rennes: le Dynamo, un exil forcé et anonyme à Cracovie

En passant devant le stade Jozef-Pilsudski de Cracovie, difficile de savoir que va se jouer ce jeudi soir un match de Coupe d'Europe. A l'intérieur, les couleurs rouge et blanche et les blasons du KS Cracovia, le club résident, s'affichent fièrement partout sur les murs. Aucune trace de bleu et de blanc, les couleurs du Dynamo Kiev. C'est dans cette ambiance anonyme que le club ukrainien va jouer son deuxième match de Ligue Europa du groupe "à domicile" face à Rennes ce jeudi soir.
"On joue sur le terrain d'un autre pas à la maison", corrige Mircea Lucescu, l'entraîneur du Dynamo. "Jouer à domicile, cela suppose de sentir la chaleur de nos supporteurs. Ce n'est pas le cas mais on joue comme ça depuis le début", soupire encore le technicien.
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En Coupe d'Europe, il y a au moins du public alors que les matchs du championnat ukrainien se jouent à huis clos total. Ce soir face à Rennes, 5000 spectateurs sont attendus. Parmi eux, la famille de certains joueurs et membres du staff qui ont fui le pays pour se mettre à l'abri et ont les moyens de faire le déplacement. C'est le seul moment où tous peuvent se retrouver.
"Certaines familles sont parties un peu partout en Europe, en Roumanie notamment, et ici en Pologne, énumère Lucescu. Bien sûr c'est difficile au quotidien pour les joueurs. On discute entre nous de la situation, de comment vont les enfants. C'est important et ils sont toujours au téléphone, avec skype. Ils ont un contact journalier et c'est bien."
Des entraînements le soir sur un terrain sans lumière
Depuis des mois, le Dynamo est un club itinérant qui vit dans les hôtels et passe l'essentiel de son temps sur la route, le car du club faisant quasi office de maison. L'équipe n'a pu retourner à Kiev que dix jours sur les six derniers mois. Alors qu'il faut 7 heures au minimum pour rallier Lviv où se joue les rencontres de championnat à Cracovie, entre les matchs et les voyages, l'équipe se prépare comme elle peut et dans des conditions impensables pour une équipe professionnelle.
"Pour préparer Rennes, on était sur la route jusqu'à tard mardi soir, détaille Mircea Lucescu. On s'est entrainé sans lumière car on n'a pas trouvé de terrains d'entraînement avec de la lumière. Cela arrive souvent mais on s'entraîne quand même. Il le faut. Cela développe la concentration, la tension et la collaboration car on doit se parler. Dans ces conditions, les joueurs çà va mais çà ferait du bien à tout le monde que l'on fasse un bon match."
Des bombardements proches du stade dimanche quelques heures après le match
Dimanche dernier, le match entre Kiev et le Rukh Lviv (3-0) a été interrompu par une alerte aérienne pendant 1h30. Les joueurs se sont réfugiés dans les sous-sols du stade. Quelques heures plus tard, les bombardements russes ont touché pour la première fois cette ville de l'Ouest du pays jusque-là plutôt épargnée.
Un intendant du club qui était encore sur place raconte: "J'ai vu les bombes tomber depuis le stade. Toutes proches". Il imite le son des missiles. "Elles ont détruit des centrales électriques pas très loin. Ce n'est pas la première fois que je vois ça. La première fois, on est terrifié. Maintenant, je n'ai plus vraiment peur." Terrible force de l'habitude.
Les joueurs eux ont été marqués d'être passés si près de ce bombardement. Après le match de ce jeudi soir face à Rennes (dès 18h45 sur RMC Sport 2), le Dynamo doit normalement reprendre à nouveau la route vers l'Ukraine pour y jouer le choc face au Shakhtar Donetsk dimanche mais à trois jours du match, personne ne sait si le match va avoir lieu et surtout où.
"Retourner à Lviv tout de suite, c'est difficile, prévient encore Mircea Lucescu. Cela veut dire retourner sur la route de l'enfer pendant 7 heures. Les joueurs sont choqués par les tirs de roquettes et ce qu'ils ont vécu là-bas". Le match se jouera peut-être à Cracovie ou à Varsovie, là où le Shakhtar joue ses matchs de Ligue des champions. La décision sera prise comme souvent à la dernière minute. Le Dynamo lui s'adaptera comme toujours. Comme il s'adapte à tout.