Euro féminin 2025: mais pourquoi c'est autant le bordel en équipe d'Espagne malgré des résultats impressionnants?

Les Espagnoles vont arriver en Suisse avec un appétit d’ogre. Si l’Euro 2025 est le dernier tournoi organisé par l’UEFA, femmes ou hommes, seniors ou jeunes, football ou futsal, que la Roja n'a pas remporté, l’équipe de Montse Tomé part à la conquête d’un nouveau trophée, après avoir glané la Coupe du monde en 2023 et la Ligue des nations en 2024 face à l’équipe de France. Mais surtout, l’objectif est de parler football, uniquement football. Car ces dernières années, beaucoup d’encre a coulé dans la presse à propos des rébellions au sein de l’effectif.
En 2015, les joueuses ont poussé pour le départ du sélectionneur Ignacio Quereda, en poste depuis 1988. Vivement critiqué par plusieurs générations pour son incapacité à atteindre les objectifs mais surtout pour les humiliations infligées aux joueuses, l’ancien sélectionneur a été accusé d’abus et d’homophobie. “Tu ne peux pas intégrer l'équipe nationale comme ça, grosse. Perds du poids. Tu ne peux même pas courir. Il te faut un piment dans le cul”, a affirmé Mar Prieto, internationale espagnole de 1985 à 1999, dans le documentaire Selección F, de clandestinas a campeonas (équipe féminine, de clandestines à championnes).
Quereda voulait “éradiquer” l’homosexualité
Les langues se sont finalement déliées en 2021 lors de la sortie du documentaire Romper el silencio (Rompre le silence), diffusé sur Movistar Plus. Vicky Losada et Vero Boquete ont déclaré que Quereda “voulait éradiquer” l'homosexualité, qu'il qualifiait de maladie. Poussé vers la sortie par les 23 joueuses retenues pour le Mondial 2015 - qui avaient annoncé qu’elles ne rejoueraient pas en sélection tant qu’Ignacio Quereda resterait en poste - le sélectionneur a finalement été remplacé par Jorge Vilda en juillet 2015. Sauf qu’avec l’actuel sélectionneur des féminines du Maroc, tout n’a pas non plus été simple.
En 2022, à quelques mois de la Coupe du monde, quinze joueuses ont dénoncé les méthodes de travail de Jorge Vilda, qui aurait influé sur leur “état émotionnel” et leur “santé”. Surnommées “Las 15”, elles se sont mises en retrait de la sélection après avoir envoyé une lettre à la Fédération espagnole. Mais l’entraîneur a toujours été soutenu par la RFEF. À quelques mois du Mondial 2023, trois joueuses ont rétropédalé (Bonmati, Batlle, Caldentey) et ont pris l’avion pour l’Océanie, où elles sont reparties avec la Coupe sous le bras.
Le baiser de la discorde
Ce sacre à la Coupe du monde aurait pu faire oublier toutes les galères connues par la sélection. Sauf que l’affaire Luis Rubiales a une nouvelle fois éclipsé le football au second plan. Auteur d’un comportement scandaleux lors de la finale face à l’Angleterre (geste obscène devant la Reine Letizia et l’infante Sofia et baiser sur la bouche de Jennifer Hermoso lors de la cérémonie protocolaire), le président de la Fédération espagnole de l’époque a toujours affirmé que ce baiser était consenti, tout en invitant l’attaquante de Pachuca à apparaître dans une vidéo d’excuses, ce que la joueuse n’a pas fait. En parallèle, l’affaire a pris une tournure politique en Espagne. Hermoso a indiqué être victime d’une agression sexuelle de la part de Rubiales.
Malgré le scandale, le dirigeant a refusé dans un premier temps de démissionner, affirmant être victime d'un “faux féminisme” qui “ne cherche pas la vérité”. En soutien à Jenni Hermoso, 81 joueuses, dont les 23 championnes du monde, ont publié une déclaration commune indiquant qu’elles refusaient de jouer tant qu'il n'aurait pas été sanctionné. Hermoso a porté plainte le 6 septembre, et Rubiales a démissionné quatre jours plus tard.
Les gestes de soutien pour l'attaquante se sont multipliés avec le message “Se Acabo” pour dire stop. Cette affaire est même allée devant la justice, puisque Rubiales a été condamné à 10.000 euros d’amende pour agression sexuelle. Lors de son procès en première instance, qui avait eu lieu en février près de Madrid, la procureure avait requis deux ans et demi de prison à son encontre pour agression sexuelle et pour les pressions ensuite exercées sur la joueuse pour atténuer le scandale. Condamné pour agression sexuelle, Luis Rubiales avait alors en revanche été relaxé de ces faits de coercition, comme trois autres anciens responsables de la RFEF, dont le sélectionneur de l'époque Jorge Vilda.
“Une autocritique forcée”
La médiatisation de l’affaire Luis Rubiales “est un mal pour un bien” pour le football féminin espagnol, selon Laia Cervello Herrero, journaliste pour The Athletic. “Cela a profité au football féminin espagnol parce que les responsables n'ont pas pu éviter d'être remis en question par tout le monde et ont dû se battre pour ne pas nuire à leur image. Si cela s'était produit dans un tournoi national, il n'y aurait pas eu autant d'attention de la part des médias. Cela a été un processus très épuisant de l'intérieur, mais cela a provoqué une autocritique forcée.”
Depuis la médiatisation de cette affaire, Jenni Hermoso n’a plus été convoquée par la nouvelle sélectionneure Montse Tomé, ancienne adjointe de Jorge Vilda, qui a été licencié après un nouvel été chaotique. La coach a toujours mis en avant que cette décision n’était en aucun cas liée au “motif extra sportif”, alors que la porte “reste toujours ouverte” pour la joueuse des Tigres de Monterrey. Une justification moyennement appréciée par la principale intéressée, pas convoquée depuis presque deux ans en sélection.
“Qu’elle se concentre à faire de l’Espagne un champion d’Europe, bien que seules (les joueuses) le feraient aussi, et probablement beaucoup mieux”, a-t-elle fustigé sur ses réseaux sociaux il y a quelques jours. Bien que l’ambiance soit toujours tendue en coulisse, les résultats restent très bons sur le terrain, et la Roja peut légitimement prétendre à la victoire dans cet Euro. Premiers éléments de réponse ce jeudi face au Portugal (21h), avant d'affronter la Belgique (7 juillet à 18h) et l'Italie (11 juillet à 21h). L'objectif est clair: faire mieux qu'une demi-finale, le meilleur résultat de la sélection à l'Euro (1997).