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Les joueurs adeptes de la chicha? "Un moyen totalement stupide de se polluer à haute dose"

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La chicha, en vogue chez les footballeurs, provoque l’inquiétude des clubs professionnels. Est-elle si répandue qu’on le pense ? À quel point est-elle handicapante pour la pratique du sport à haut niveau ? Quelles mesures prennent les clubs pour l’endiguer ? RMC Sport a posé la question aux principaux concernés, joueurs, entraîneurs et spécialistes.

Est-ce une pratique courante ? 

Serge Aurier l’a popularisée dans une vidéo restée tristement célèbre sur les réseaux sociaux. D’autres, comme ses anciens coéquipiers du PSG Layvin Kurzawa, Adrien Rabiot ou Lucas, lui ont emboîté le pas. En vogue chez les footballeurs, la chicha provoque l’inquiétude des clubs professionnels, qui y voient un danger pour la santé de joueurs n'hésitant pas à s'afficher sur les réseaux sociaux, narguilé au bec (l'autre nom de la chicha). 

"Moi, à titre personnel c’est occasionnellement un petit plaisir on va dire, admet Bouna Sarr, arrière droit à l’OM. Je ne m’en cache pas, je ne vais pas vous mentir. Comme certaines personnes peuvent avoir des péchés mignons pour les gâteaux, pour les bonbons ou autres. Je ne pense pas être un gros consommateur loin de là."

"Il y a quand même des joueurs de foot qui ont des carrières longues, brillantes, estime Pascal Dupraz, l'entraîneur de Toulouse. À mon avis, ils ne sont pas trop dans ces chemins-là. Ce sont les petits joueurs qui se comportent comme ça."

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Quelles sont les conséquences pour la santé ? 

Bertrand Dautzenberg, auteur du livre "Tout ce que vous ne savez pas sur la chicha", paru en 2007, est catégorique. "C’est un moyen totalement stupide de se polluer à haute dose, expose le médecin, interrogé dans l’émission 60 Minutes Sport, sur BFM Sport. Quand vous prenez une bouffée d’une chicha, vous avez autant de pollution qu’en restant une semaine dans la pollution de Paris 24h/24. Quand vous prenez 40 bouffées, c’est la pollution de Pékin les plus mauvais jours."

"Je ne pense pas que ça joue sur mes performances athlétiques, soutient Sarr. Vous pouvez le voir, je n’ai aucun mal à courir, à répéter les efforts sur le terrain. Donc chacun fait ce qu’il veut de sa vie privée."

Emmanuel Orhant, directeur médical de la Fédération française de football, pointe lui aussi du doigt les dangers de la chicha: "Les effets nocifs liés à la combustion longue font qu’on a des dérivés très toxiques d’hydrocarbures, qui sont très nocifs et cancérigènes. Notre rôle est de leur dire (aux footballeurs) qu’il y a des risques pour leurs carrières et qu’on doit les aider à sa débarrasser de ça."

"C’est énormément de pollution par les particules, par le monoxyde de carbone, un poison qu’on trouve dans le pot d’échappement des voitures, détaille le professeur Dautzenberg. Quand il y en a trop, on vous met un PV anti-pollution. Là, vous le prenez et le mettez dans votre corps. Il se fixe sur l’hémoglobine du sang et fait le contraire de l’EPO. L’EPO, c’est pour transporter plus d’oxygène, pour être plus performant. La chicha, elle, se fixe sur l’hémoglobine, ensuite sur les muscles, dont le muscle cardiaque. Dans les 24 ou 36 heures qui suivent une prise de chicha, on est moins bon en sport." Et de préciser au passage: "Quelqu’un qui va dans un bar à chicha sans consommer, s’il reste une heure, c’est comme s’il avait pris six cigarettes."

Comment les clubs font-ils face au problème ? 

À Monaco, une affichette de prévention sur les dangers de la chicha a été aperçue ce dimanche lors du sommet de Ligue 1 entre l’ASM et le PSG. Avec un rappel factuel pour alerter: "50 bouffées de shisha (sic) en 1h = 2 paquets de cigarettes". La prévention plutôt que la répression, voilà le chemin choisi par la Ligue 1 pour endiguer le problème.

"On a fait intervenir les médecins qui expliquaient justement le côté nocif de la chicha, révèle Bruno Genesio, l’entraîneur de l’OL. On sait que c’est un phénomène de mode chez les jeunes et notre devoir, c’est de les mettre en garde, d’avoir ce côté préventif. C’est aussi de leur responsabilité, de la même manière que pour la diététique, la récupération, le sommeil, la cigarette, l’alcool. C’est aussi leur responsabilité de savoir ce qu’ils ont envie de faire de leur carrière."

Même son de cloche chez Rudi Garcia, son homologue de l’OM: "Vous me donnerez le nom du toubib, on leur fera passer l’avis du toubib que vous avez interrogé. Moi, je ne vais rien interdire. Quand vous interdisez, généralement.... Transgresser les interdits, c’est plutôt parfois kiffant. Ce qu’il faut, c’est expliquer ce qui est bon et ce qui n’est pas bon. Parce qu'ne carrière de footballeur, ça ne dure pas longtemps donc je pense qu’il faut en profiter au maximum."

Pascal Dupraz prône la responsabilisation individuelle: "Si un sportif de haut niveau considère qu’il est joueur de haut niveau en fumant la chicha, en buvant des canons, en se torchant la gueule tous les jours, en ne respectant pas des règles élémentaires de sommeil ou d’alimentation, il ne fait croire qu’à lui-même qu’il est joueur de haut niveau. Et à mon sens, ça s’arrêta vite pour lui."