Daniel Riolo: la "chienlit" lilloise

Daniel Riolo - RMC Sport
Combien de temps on va encore débattre, parler de Bielsa? Combien de conversations inutiles pour savoir s’il est bien ou pas bien? Bon coach ou mauvais? Combien de fois vais-je devoir répéter mes arguments comme un automate, c’est le modèle des plus grands, il est respecté partout sauf en France…
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C’est le coach au monde dont on sait le plus de choses et pourtant on continue de discuter de ce qu’il est. On sait que c’est surtout un théoricien qui a connu quelques sublimes aventures éphémères. On sait que c’est un dogmatique à la limite de la folie. On sait qu’il a une capacité de management proche du néant. Et je sais que, et même si je suis un admirateur déclaré, je ne le prendrais pas comme coach si j’étais président ou directeur sportif dans mon club.
Riolo: "Comment Bielsa a-t-il pu se retrouver au coeur de cette histoire folle?"
Et on sait surtout qu’il n’est pas adapté au foot moderne! Et c’est là le paradoxe incroyable de cette histoire. Comment a-t-il pu se retrouver au cœur de cette histoire folle. Que fait-il dans ce LOSC, symbole de ce que peut devenir, de ce qu’est déjà le foot moderne.
On se fait avoir à chaque fois. Moi le premier. Et pourtant je baigne dedans depuis des années. Naïf. Un écolier à qui il faut mettre un coup de règle de temps en temps. C’est comme avec Neymar. Je crie à l’exagération absolue sur les éventuelles 200 millions en juin. Et puis en août, la réalité débarque et m’ouvre les yeux. Bientôt le romantisme va devenir un fléau dans le foot.
"Bielsa, c’est vendu comme la belle histoire"
Mais revenons à Lille. Si on s’arrête au débat sur Bielsa, on n’a rien compris. On passe à côté de tout.
Gérard Lopez voulait l’OM. Marseille n’a pas voulu de lui. Il avait également promis Bielsa. Lopez veut reprendre un club, peu importe lequel. Et c’est là que c’est vicieux. Il met en place un business des plus froids en racontant une belle histoire. Il se sert du romantisme pour faire passer la pilule des affaires. Bielsa, c’est vendu comme la belle histoire. Et Lopez amoureux de foot cède aussi à la "passion". Sa tête, il la confie à Luis Campos. Marc Ingla développe le business du club, marketing and co.
Lopez n’a pas assez d’oseille, il emprunte. On lui donne parce que l’histoire a l’air de tenir debout. On prend plein de joueurs. On dépense, on investit. On demande à Bielsa de venir. Pourquoi accepte-t-il, c’est un mystère. C’est tellement en dehors de son mode de penser, de voir le foot que c’est à se demander s’il a tout compris. Le coach valorise les joueurs en les faisant bien jouer et Campos revend dès que leur valeur monte. N’en déplaise aux détracteurs, mais Bielsa, même en étant 19e, on vient voir jouer ses équipes. Il a d’ailleurs déjà valorisé Malcuit (qui a des offres) et Bissouma (alors qu’il ne joue pas toujours). Une offre de 15 millions a été refusée pour ce dernier.
"Pourtant j'y ai cru!"
Il ne faut pas se tromper, Lopez a pris un risque énorme dans cette affaire. Au poker, on dirait qu’il a fait All In. Je pousse les jetons et ça doit être rentable très vite. Sinon quoi? Et bien sinon, ceux qui ont prêté l’oseille vont demander des comptes. Eux, le débat sur Bielsa, ils s’en foutent! Savent-ils même qui il est? Eux ils voient une situation au classement terrible et un environnement négatif. Personne ne voit que finalement Lille n’est qu’à 6 points du 7e! A 7 du 6e! On a vu des remontées au classement plus compliquées. Qui pouvait réellement croire qu’un tel puzzle de joueurs avec un coach aussi rigide pouvait prendre forme en peu de temps ? En L1? Avec la façon de jouer de la plupart des équipes? Soyons sérieux. Ça n’avait aucun sens de croire à ça. Pourtant j’y ai cru. Mais oui. Dans le panneau évidemment!
Les résultats ont plongé le club en panique. Campos a une réputation et du blé à faire. Les tergiversations de Bielsa et ses envolées lyriques, il s’en fout! Lui a bossé avec Jardim. Et Jardim, il fait ce qu’on lui dit, et bien en plus! Bielsa, lui, fait ce qu’il veut. Et en plus il est nul en management. Tout était bancal dès le départ. Bielsa accepte un contrat de 2 ans. Fait rare! Il a cru qu’on le laisserait bosser? Mais dès janvier des ventes étaient prévues.
Le mouvement de panique a isolé le coach et autour il faut sauver les meubles. Lopez ne joue pas seulement avec son blé et on lui demande des comptes. D’abord, il défend Bielsa autant qu’il peut. Enfin tant que c’est possible. Mais à un moment, on est obligé de penser à ses miches. La situation financière est inquiétante et agir, ça redonne confiance aux investisseurs. Alors on fait le truc simple et basique. On vire le coach. Ça coûte cher? On va trouver une faute grave.
"Le débat Bielsa, un écran de fumée"
En fait tout pue dans cette histoire. C’est comme Monaco. On a encore les yeux qui brillent rapport à la saison dernière, mais on est également là face à un fonctionnement de club qu’on a le droit de pas aimer.
Regardez Milan, l’Inter en Italie. Des clubs historiques. Rien à voir avec nos clubs en bois de L1. Ils sont allés se mettre dans les mains d’investisseurs qui ne savent rien du foot. On achète, on vend, on investit. A la fin de son mandat à l’OM, Vincent Labrune s’est pris de passion pour le trading de joueurs. C’est aujourd’hui l’une de ses principales activités. Cette façon de voir le foot est en train de devenir la norme. Tout le monde croque au passage. Quand j’aurai le temps, j’aimerais faire une liste des clubs qui aujourd’hui mettent vraiment le sportif en première priorité.
Continuons les débats pour savoir si Bielsa est bon ou pas. Tout cela est inutile. Un écran de fumée….