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En tribunes plutôt que sur le banc... et si la Ligue 1 suivait Luis Enrique ?

Luis Enrique lors de PSG-Lens, le 14 septembre 2025 au Parc des Princes

Luis Enrique lors de PSG-Lens, le 14 septembre 2025 au Parc des Princes - Icon

Préférant s'assoir en tribunes plutôt que sur son banc depuis deux matchs, le coach parisien Luis Enrique va t-il faire des émules ? Les entraineurs de Ligue 1 interrogés s'accordent tous sur l'apport indéniable de prendre de la hauteur pour l'analyse des matchs et du jeu. De là à passer le cap ? Pas si simple.

"C'est une évidence que dès qu'on voit un match de là-haut, ça n'a rien à voir avec ce qu'on voit du banc de touche. C'est sûr et certain" clame d'emblée l'entraineur niçois Franck Haise. "C'est clair que quand tu regardes le match d'en haut, tu vois les choses bien mieux qu'en bas" abonde le Nantais Luis Castro. Suspendu lors de la 1ère journée à la Beaujoire entre Nantes et le PSG, le Portugais en a fait l'expérience il y a peu. D'ailleurs, rare sont les coachs de Ligue 1 qui ne sont pas retrouvés au moins une fois en tribune dans leur carrière pour cause de suspension. Luis Enrique a décidé lui d'y aller de son propre chef. Le Parisien n'a rien inventé pour autant. "Le premier que j'ai vu faire ça, c'était Sam Allardyce" se souvient Habib Beye. "En 2007, lorsque j'ai signé à Newcastle, il faisait la première mi-temps dans la tribune et il descendait nous voir sur la deuxième mi-temps".

Une première période pour prendre de la hauteur, une autre pour être au contact de ses troupes. C'est également le choix fait par l'Espagnol notamment mardi soir au Parc des Princes en Ligue des champions. "La première mi-temps dans la tribune est toujours intéressante. Ta vision est meilleure sur l'identité et la manière de presser de l'adversaire. Les joueurs et l'équipe ont d'ailleurs surmonté ce pressing d'une manière brillante" débriefait-il après la rencontre.

Visibilité sur la largeur, les couloirs, les mouvements des 22 joueurs...

Mais que voit-on de plus concrètement vu d'en haut ? "Depuis la pelouse, on n'a pas de visibilité sur la largeur, les couloirs et les espaces de jeu. On a un plan écrasé. Avoir une position plus dominante vous donne tous ces éléments-là" décrypte Habib Beye. "Pour l'avoir vécu pendant plus de 10 ans en tant que consultant, quand vous avez ce regard sur un match, voir la périphérie d'un terrain et voir les 22 joueurs se mouvoir ensemble, je pense qu'on est beaucoup plus précis dans l'analyse".

Pour Bruno Genesio, "outre la vision qui est beaucoup plus large, je pense que l'aspect émotionnel est moins présent lorsque vous êtes en tribune que lorsque vous êtes sur le bord du terrain. Ce qui permet certainement de mieux analyser les situations. Par contre, je pensais que le règlement nous obligeait à être sur le banc de touche. J'ai découvert que ce n'était pas le cas" sourit le coach du LOSC.

Le rugby a expérimenté ce coaching des tribunes depuis déjà de longues années et cette position haute a fait ses preuves. "Ca n'a rien à voir. Le coaching est beaucoup plus facile quand tu es en haut" assure Joan Caudullo le manager de Montpellier. "En bas tu ressens les choses, les impacts. Tu es capable de dire si on y est ou pas dans l'état d'esprit. Mais après sur les déplacements... En hauteur, tu vois beaucoup plus de choses". "Nous, le manager est en tribune au Stade Français" poursuit le deuxième ligne Paul Gabrillagues. Avec sa vision plus haute, il va aussi être plus lucide dans certaines situations. On a des entraîneurs également en bas. Ils sont en contact permanent au micro ou avec un talkie-walkie. Le message est tout de suite relayé."

Les réserves de Pierre Sage qui restera en bas

L'entraineur principal en haut, les adjoints en bas. Si en Ligue 1, Luis Enrique a peut-être ouvert la voie, les clubs font pour le moment le choix inverse avec un adjoint placé en tribunes et en liaison avec le banc de touche. Les choses peuvent-elles s'inverser ? Une voix dissonante, Pierre Sage met l'accent sur les autres effets essentiels selon lui qui découlent de rester sur le bord de touche comme "la relation qu'on a l'arbitre, aux joueurs et au staff". Pour le coach lensois, "ce serait dommage se fermer à çà. Alors oui une mi-temps en haut et l'autre sur le banc. Pour ma part, je resterai en bas".

Chez le reste des entraineurs, la réflexion existe notamment car "quand vous êtes sur le bord du terrain, la plupart du temps, les mecs ne vous entendent même pas. Il vaut mieux avoir bien géré, bien travaillé avant" avoue Franck Haise qui pose quand même une limite. "A la mi-temps vous avez encore un impact possible. Et sur une deuxième période, c'est bien je pense d'être aussi un peu plus proche du jeu pour être le plus réactif possible quand il y a besoin de changements".

Habib Beye lui se souvient d'un match avec le Red Star où suspendu il avait été encore plus loin. "J'avais dit à mes joueurs pendant la causerie le matin du match "je ne vais pas descendre ni avant le match ni à la mi-temps. Tout ce qui se passe à partir de maintenant depuis l'hôtel, vous n'allez plus me voir. En fait, je ne voulais pas être là sans l'être réellement. Les joueurs savaient ce qu'ils avaient à faire. C'est Sébastien Bichard qui était en bas". Son équipe ce jour-là avait gagné 2-0.

"Je pense qu'on y arrivera dans le temps" poursuit-il "parce qu'on se rend compte que notre impact sur une rencontre est minime lorsque les joueurs sont lancés dans un match. Ce sont eux les moteurs du projet de jeu même s'il y a la gestuelle. Il y a tout ce que vous renvoyez à votre équipe en termes d'énergie". Qu'est-ce qui empêche alors les entraineurs de Ligue 1 de passer le cap ? "Il va falloir peut-être que quelques autres s'y mettent" reconnait Franck Haise. "On se rassure sans doute en étant en bas. Et après, si ça tourne mal on va dire que c'est parce-que le coach était là-haut" poursuit Habib Beye. "ll faudrait savoir se détacher de çà comme le fait Luis Enrique en ce moment". Plus facile certainement quand son équipe ne perd jamais.

Xavier Grimault