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Lille: "Hatem ne sait pas faire semblant", le caractère (ingérable) de Ben Arfa par ceux qui l’ont connu

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La mise à l’écart de Hatem Ben Arfa (35 ans) à Lille est un nouvel épisode de la carrière chaotique de l’ancien enfant star, décrit comme "trop honnête", "égoïste" ou désireux d’être la pierre angulaire d’une équipe par ceux qui l’ont côtoyé.

Hatem Ben Arfa (35 ans) est un joueur de paradoxes. Il fait autant l’unanimité pour son talent inné qu’il divise pour son comportement qui lui vaut aujourd’hui d’être mis à l’écart de Lille pour une brouille avec son coéquipier Tiago Djalo et des propos offensants contre son entraîneur Jocelyn Gourvennec. "Ce n’est pas Guingamp ici", lui a-t-il lancé en tançant la timidité du Losc dans le jeu, dans une référence à l’ancien club de l’entraîneur. Hasard ou coïncidence, c’est déjà après un match contre Guingamp qu’il avait scellé son aventure d’une saison à Rennes en 2019, en fustigeant le jeu de son équipe face à la presse.

Bodmer le défend, son ancien agent le fracasse

A 35 ans, l’international français (15 sélections, deux buts) n’a rien perdu de son franc parler. Le joueur froisse, quitte à se moquer de son image, sérieusement écornée par un parcours chaotique. "Hatem ne sait pas faire semblant, explique Mathieu Bodmer qui l’a côtoyé à Lyon (2007-2008) et Nice (2015-2016). Moi je trouve que c’est une qualité mais ça peut être perçu par certains comme un défaut ou une difficulté dans un groupe. Quand quelque chose ne va pas, il le dit, il ne le garde pas pour lui, il s’exprime. Ça ne va pas toujours dans bon sens et c’est parfois mal pris par les coachs ou ses partenaires. Ça part toujours d’une volonté, c’est d’aider l’équipe."

Son ancien agent, Frédéric Guerra, est beaucoup moins adepte de son ancien client qu’il qualifie du plus gros "gâchis du football au XXIe siècle". Il fustige son caractère individualiste. "C’est quelqu’un qui ne tourne qu’autour de lui, et qui donne l’impression de sympathie, d’empathie, énonce-t-il sur RMC Sport. Mais c’est totalement faux. C’est un garçon qui est complètement faux, entre l’image qu’il essaie de donner en public et ce qu’il est réellement. Il reste un garçon très attachant. Mais qui a un fonctionnement très individualiste, qu’on retrouve d’ailleurs sur le terrain. J’ai des mots un peu durs avec lui, parce que malgré qu’il m’ait fait chier durant quatre ans, c’est un garçon auquel je m’étais très attaché. Vraiment."

Ce n’est pas nouveau, Ben Arfa n’a pas de filtre. Il s’est fait mettre au placard au PSG pour une blague avec l’émir du Qatar, il a refusé d’entrée en jeu en 2008 lors d’un match de Marseille où il s’est aussi accroché avec Didier Deschamps. Ses expériences à l’étranger se sont aussi achevées dans le fracas (Newcastle) ou l’indifférence (Hull City, Valladolid). Alan Pardew, son ancien entraîneur chez les Magpies, l’avait qualifié de "joueur impossible à gérer".

Certains y sont tout de même parvenus à l’instar de Claude Puel pendant sa saison à Nice, certainement la plus accomplie et régulière de sa carrière (17 buts, 6 passes décisives en 34 matchs de Ligue 1). Elle lui avait même rouvert les portes de l’équipe de France en 2015 (réserviste pour l’Euro 2016).

"Il faut un groupe qui joue pour lui"

"Ça (son craquage à Lille, ndlr) ne m’étonne pas plus que ça parce qu’Hatem a besoin d’un environnement qui le comprenne, explique Yoan Cardinale (28 ans), ancien gardien du Gym. Il faut un groupe qui joue pour lui. C’est ce qu’on a très bien fait et c’est pour ça qu’il a explosé à Nice. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui il a du mal dans ses derniers clubs. Lille est un grand club, champion en titre qui jouait la Ligue des champions. Peut-être que le vestiaire ne comprend pas totalement ce que Hatem recherche. Je pense que c’est pour ça qu’il y a eu des complications avec la direction et le coach."

Ses remarques ont quelques raisons d’agacer à Lille alors qu'il n’a rejoint l’effectif que depuis deux mois et demi. Starifié depuis son enfance, Ben Arfa conserve une image de "sale gosse" que son entourage refuse de contredire, selon Guerra. Il ne s’embarrasse pas des codes, surtout quand il s’agit de prendre du plaisir dans le jeu, son leitmotiv. "La phrase qu’il a dite, ça se voit qu’il n’est pas venu à Lille juste pour prendre un peu d’argent, il a une vraie ambition, souligne Bodmer. Il y a des façons de le dire. Il y a des choses à dire et à ne pas dire. Je le répète: il ne sait pas faire semblant, c’est quelqu’un d’honnête. C’est pour ça que je l’appréciais beaucoup parce qu’il a toujours été droit et franc. Et dans le football, ce n’est pas toujours bon."

Un avenir dans le foot? "A chaque fois qu’il y a un problème, il arrive à renaître"

"Lorsqu’il dit que son équipe joue trop bas: c’est une analyse de footballeur qui n’est peut-être pas fausse à l’instant T, consent Frédéric Guerra, beaucoup moins tendre avec son ancien protégé. Par contre, rajouter: "On n’est pas à Guingamp ici", c’est forcément vouloir faire mal à son entraineur qui est passé par Guingamp. Et c’est intolérable pour un vestiaire, un président, une institution. Encore, s’il faisait des différences comme Mbappé au Paris Saint-Germain… mais on n’en est pas là à Lille, et on n’en sera pas là chez le prochain. Parce qu’il y aura un prochain. Il y aura toujours quelqu’un pour croire qu’Hatem est quelqu’un de gérable et pour relever le défi."

Bodmer croit aussi sa capacité de rebond. "C’est Hatem, à chaque fois qu’il y a un problème, il arrive à renaître, constate le consultant pour RMC Sport. Mais ce serait dommage que ça se termine comme ça pour lui." Jusqu’ici, le joueur a toujours retrouvé un challenge. Mais ses performances sans relief à Valladolid, Bordeaux et Lille dilapident son crédit. Autant que son incapacité à garder ses pensées pour lui.

NC avec AP, EJ et CB