"On espère tous que la fusée est lancée", Georges Mikautadze a-t-il enfin pris son envol à l'OL?

D’un jeudi bluffant de titulaire face à Bucarest (2 buts et 2 passes décisives) à la rencontre d’après, débutée sur le banc mais en étant tout aussi décisif face au Havre (1 but et 2 passes décisives)... Un enchaînement récent qui dit tout de Georges Mikautadze, désormais pleinement à sa place à l'OL, sans états d’âme ni perte d’efficacité.
Le Géorgien de 24 ans aurait pu faire la tête après avoir perdu son statut d’un match à l’autre, surtout après le récital européen livré dans le premier. Mais en zone d’interview, où il passera devant micros et caméras, l'attaquant assure à chaque fois avec la même fraîcheur et envie. Ce qui fait dire à Ludowic Clément, un supporter de l’OL: "Oui, nous étions inquiets, mais je vois qu’il commence à prendre conscience qu’il est le digne successeur de Lacazette (le "Général" a marqué 13 buts cette saison, contre 14 pour le Géorgien, ndlr). Nous avons une bonne pioche avec un gars que l’on sent investi d’une mission. Il a eu un déclic lors de ce match européen."
Enfin donc, Mikautadze prend sa place. Allégé du poids d’un retour finalement pesant, dans "sa" ville, son club formateur et avec ses amis. Amaury Barlet, son formateur à l’Académie où il passa sept ans entre 2008 et 2015, témoigne: "J'essaie de me mettre à sa place. Il a une volonté de rendre fière toute sa famille autour de lui, après avoir été fier d’y signer professionnel, son rêve de gosse. Ça a été quelque chose de très important pour lui, pour ses proches." Il a fallu aussi digérer ce penalty manqué face à Rennes, en ouverture de la saison: "Ce poids, c’était cette volonté de marquer ce but, de fêter ce but avec ses supporters à Lyon", estime Barlet. "Et ce poids-là, effectivement, il était lourd. Il l'a enlevé maintenant".
Barré par un certain Amine Gouiri
Car le lien a eu du mal à se refaire depuis son retour en juillet 2024, neuf ans après avoir quitté l’Académie de Gerland. "Inconsciemment, il y a une pression qui s'est installée par rapport aux attentes de ce club", prolonge le technicien lyonnais. "C'est vraiment un gros club par rapport à ce qu'il a connu à présent, entre ses prêts à Seraing puis à l’Ajax, où il a très peu joué. Il est dans un club dans lequel il y a peut-être des attentes. Des attentes avec un public qui n'est pas forcément très patient, comme dans tous les grands clubs. Mais aujourd'hui, il montre qu'il est capable d'être décisif."
Repéré au FC Gerland dans le VIIe arrondissement de Lyon – lieu du centre d’entraînement des professionnels et de l’Académie à Tola Vologe, juste à côté du stade –, Georges Mikautadze passera un septennat chez les jeunes lyonnais avant d’être écarté des effectifs. La faute à meilleur que lui à l’époque: un certain Amine Gouiri, huit mois plus vieux.
"Aujourd’hui, forcément, on peut se dire que la décision n’était pas la bonne, mais il faut remettre dans le contexte de l’époque", se souvient Jean-François Vulliez, aujourd’hui entraîneur-adjoint à l'AC Horsens (D2 danoise) et à l’époque directeur du centre. "Georges avait déjà des qualités techniques, mais était encore un peu immature dans son jeu et il était derrière Amine. Il y avait aussi clairement un déficit morphologique. Heureusement pour lui, il s’est développé et a prouvé qu’il pouvait jouer au plus haut niveau."
"Après avoir vécu ce parcours-là, il me semble qu'il ne peut aller que vers le haut"
A l’image de Nabil Fékir, lui aussi en son temps non-retenu par les formateurs lyonnais, Mikautadze atterrit à Saint-Priest, le club phare pour la formation des jeunes dans l’agglomération lyonnaise. Au bout de deux ans, le président Patrick Gonzalez l’emmène faire un essai à Metz. Il y signe son premier contrat professionnel en 2019, et disputera son premier match professionnel le 7 décembre de la même année.
Le Franco-géorgien parfait sa formation par un prêt au RFC Seraing en Belgique, avant de rechausser les crampons pour le FC Metz, où il enchaîne deux bonnes saisons dont celle de 2022-23, où il finit meilleur buteur de Ligue 2 avec 23 buts. Après un aller-retour à l’Ajax, Mikautadze revient en Lorraine avant de choisir, parmi plusieurs propositions (Lens, Monaco et d’autres clubs européens), de faire son retour chez lui. "Le joueur qu'il est aujourd'hui vient aussi de ce mental forgé par ce parcours", assure Vulliez. "Cela a été difficile pour lui, puisqu'il a quitté le club, finalement, quand on était à Gerland. En plus, lui qui est de Gerland... C'est quelque chose qu'il a su digérer."
Il y a aussi de la résilience dans le parcours de l'un des trois Géorgiens du Championnat de France: "C'est un garçon que j'ai toujours connu très, très compétiteur et, en fait, très passionné par le jeu, par le foot", dit encore Amaury Barlet. "C'est pour ça que je dis, peu importe le niveau auquel il joue, c'est un garçon qui veut jouer, qui veut s'imposer, qui veut être titulaire, qui veut marquer des buts. C'est un garçon qui ne s'est pas posé dix mille questions par rapport au niveau auquel il jouait, et ça a été sa force. Aujourd'hui, c'est ce qui l'a construit sur le plan mental aussi. Après avoir vécu ce parcours-là, il me semble qu'il ne peut aller que vers le haut."
"On espère tous que la fusée est lancée"
Le haut, c’est désormais l’OL, où il revient pour s’imposer peu à peu à la fin de l’hiver. Georges Mikautadze se fraie un chemin, en douceur mais en serial buteur. Paulo Fonseca y voit une évolution notable: "Je ne demande rien de différent à Georges. Sa progression reflète celle de l’équipe: l’équipe crée des occasions pour que l’attaquant marque", posait jeudi son entraîneur. "Quand je suis arrivé, il était plus instinctif, sauvage, et il voulait toujours toucher le ballon. Nous avons travaillé sur sa patience, sur le fait d’attendre le bon moment pour toucher le ballon. Il a les capacités pour évoluer dans différents espaces."
Le dernier mot revient à Amaury Barlet: "On espère tous que la fusée est lancée. Personnellement, c'est une satisfaction, une fierté de se dire Tiens, je l'ai connu plus petit et quelque part, il s'impose dans mon club. C'est sûr que, quand on a des jeunes qu'on a eu la chance de côtoyer réussissent, c'est une fierté. Il y a cette part d'affect quand ces jeunes rentrent sur la pelouse, que soit à l'époque Gerland, ou aujourd'hui au Groupama. La particularité de Georges, c'est qu'il a fallu qu'il parte voir d'autres choses pour qu'il puisse revenir s'éclater sur la pelouse du grand stade."