Saint-Etienne: la Ligue des champions, ça changerait tout (et les Verts y croient)

Depuis la victoire à Reims le 21 avril dernier (0-2), Roland Romeyer a sur son bureau trois ébauches de budget pour la saison 2019-2020. Une pour une saison sans coupe d’Europe, une pour une saison avec la Ligue Europa et une pour une saison où les Verts joueraient la Ligue des champions. Et depuis ce dimanche et la victoire de l’ASSE à Monaco (2-3), conjuguée aux nuls de Montpellier contre Amiens (1-1) et de Marseille à Strasbourg (1-1), le feuillet prévisionnel d’une saison sans Europe est probablement passé en-dessous des deux autres dans la pile.
En effet, avec 7 points d’avance et un goal-average favorable par rapport à l’OM et au MHSC, l’ASSE a probablement sécurisé sa quatrième place. Et vu qu’ils ne regardent plus derrière, les Verts regardent devant et fondent sur la troisième place avec gourmandise. Avec 19 points de pris sur les sept dernières journées, Saint-Etienne en a repris 10 à l’Olympique lyonnais, qui n’a plus qu’une petite longueur d’avance. Au profit d’un calendrier favorable (deux réceptions et un déplacement, et l’inverse pour l’OL), l’ASSE se prend à croire à une qualification pour la Ligue des champions.
Le discours sur l’Europe a changé
Pendant des années, au sein de l’ASSE, le refrain "la Ligue des champions ne serait pas forcément un cadeau pour les Verts" faisait office de mantra à chaque fin de saison. Mais aujourd’hui, l’esprit a passablement changé: après avoir disputé la Ligue Europa cinq fois sur les dix dernières saisons (une élimination en barrage, une élimination en phase de groupes, deux 16es de finale et un 8e de finale), les Verts se sentent prêt à aller goûter à la Ligue des champions.
Les joueurs, d’abord, ont arrêté de faire des complexes. Avec l’effectif le plus expérimenté de la Ligue 1, l’ASSE ne se cache plus derrière un discours tiède et assume son envie de C1, à l’image d’un Yann M’Vila qui, dès la mi- saison, assumait ses rêves de Champions League. Le groupe, emmené par un Jean-Louis Gasset volontariste, s’est depuis mis en chasse de la troisième place de la Ligue 1 et ne craque plus, contrairement aux exercices précédents.
Jean-Louis Gasset, qui a pris des décisions fortes en choisissant un groupe resserré, aimerait aussi que sa politique soit validée par une qualification dans la plus belle des compétitions. Si le coach n’est pas homme à vouloir se mettre en avant, il n’en reste pas moins un compétiteur qui apprécierait de prouver à ceux qui voient en lui "l’adjoint de Laurent Blanc" qu’il est surtout un n°1 à succès.
Encore très ambitieux, des joueurs comme Wahbi Khazri, Rémy Cabella ou Yann MVila savent aussi que la Ligue des champions serait la plus belle des expositions pour la fin de leur carrière. Un cadre du club nous a ainsi expliqué que contrairement aux autres années, le calendrier, les points à prendre et ceux que pourraient perdre Lyon sont au centre des conversations chaque jour de la semaine à l’Etrat. La preuve que ce groupe est piqué et rêve de C1 !
La Ligue des champions: un bol d’air financier
Pour un club comme Saint-Etienne, une qualification en phase de groupes de la Ligue des champions représentera 28 millions d’euros de rentrée financière avant même les recettes billetterie ou l’impact potentiel de la C1 sur les abonnements ou le merchandising. Les Verts, qui ont contracté deux lignes d’emprunt auprès de deux banques étrangères, pourraient d’abord rembourser ces dettes s’élevant à 20 millions d’euros mais qui ont permis à l’ASSE de couvrir les masses salariales élevées de joueurs comme Neven Subotic, Mathieu Debuchy, Yann M’Vila ou encore d’acheter Wahbi Khazri. Mais ils pourraient aussi étoffer leur effectif avec des joueurs de couloir désirés par Jean-Louis Gasset depuis les blessures de Gabriel Silva et Kévin Monnet-Paquet ou encore aussi trouver un remplaçant à Ole Selnaes, parti en janvier vers la Chine (Valentin Vada et Youssef Ait Benasser ne sont, eux, que prêtés).
Avec la Ligue des champions, Saint-Etienne pourrait enfin s’offrir un ou deux joueurs à une dizaine de millions d’euros, un cap symbolique en terme d’ambition jamais atteint jusqu’alors. Cette qualification serait aussi la preuve que les risques pris et les investissements consentis ont été payants.
Vivre l’expérience pleinement
L’ASSE a longtemps voulu se contenter de la C3 pour apprendre le niveau européen. Après cinq qualifications en dix ans, l’ASSE aimerait donc offrir à ses supporters le frisson de la C1. Quitte à jouer une compétition qui ne semble pas gagnable, autant jouer la plus belle des deux: c’est le sentiment général qui plane à Saint-Etienne. Les Verts sont conscients de leurs limites et du fait qu’une victoire finale en Ligue des champions comme en Ligue Europa semble illusoire. Ils rêvent aujourd’hui de se frotter à la crème des compétitions européennes pour entendre résonner son hymne à Geoffroy-Guichard, pour mettre les joueurs dans la plus belle vitrine du monde. Pour "kiffer" tout simplement, sans se prendre pour un autre.