RMC Sport

Yannick Cahuzac : "J’ai commis beaucoup d’erreurs"

placeholder video
Pour la première fois de sa carrière, l’ancien capitaine de Bastia Yannick Cahuzac a quitté son île l’été dernier, afin de rejoindre Toulouse. Six mois plus tard, pour RMC Sport, le discret milieu de terrain fait le bilan de sa nouvelle aventure : son intégration, son faible temps de jeu, la situation difficile du TFC, sans oublier le SC Bastia, qu’il continue à suivre assidument, et son image de joueur sanguin.

Il s’est passé beaucoup de choses la saison passée avec Bastia, sur le terrain et dans l’extra-sportif. Et on t’a peu entendu sur la question. Comment finalement, avec un peu de recul, tu as vécu tout ça ?

Ça a été très difficile. Personnellement et collectivement. On a subi beaucoup de problèmes, sportifs ou extra-sportifs. Ça a été compliqué, mais nous, avec le groupe, on avait essayé d’être dans notre bulle, de se concentrer vraiment sur le sportif. Mais on n’a pas réussi à atteindre notre objectif.

Tu regrettes certaines choses ?

L’accumulation de beaucoup de petits problèmes est devenue boule de neige. Je regrette cet envahissement contre Lyon, car sportivement, on était encore là. Il y avait zéro à zéro à la mi-temps et on ne sait jamais… Si on avait gagné ce match, mathématiquement on aurait pu se sauver. Après, c’est la conséquence de plein de petits problèmes qu’il y a eu par le passé, qu’on a payé sur cette saison je pense.

Le dernier match de Ligue 1, c’était le 20 mai dernier face à Marseille. Tu signes à Toulouse le 25 juillet. Que se passe-t-il entre temps ? Tu attendais de voir l’évolution de la situation du Sporting ?

Oui. Pour être honnête, je pense que si Bastia était resté en Ligue 2, je serais resté. J’avais vraiment à cœur de rester à Bastia pour essayer de faire remonter le club. Mais très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait des problèmes extra-sportifs très importants. Même au niveau économique. Aucun joueur ne se doutait de l’ampleur de ces problèmes. On a été très surpris. Et à partir du moment où le club a perdu son statut professionnel, que j’avais cette possibilité de pouvoir venir à Toulouse et d’exercer mon métier dans un club comme ça, j’ai pris ma décision et je suis venu.

Ça a été dur quand même ?

Oui, ça a été dur, parce que je ne peux pas nier que Bastia, c’est mon club. Mon club de cœur. Quitter ce club dans ces conditions, ce n’est pas ce que je souhaitais et ce dont je rêvais. A mon âge, j’étais persuadé de finir ma carrière là-bas. Voilà, c’est la vie. Maintenant, je suis persuadé que le club va rebondir, parce qu’il est entre de bonnes mains. C’est ce que je souhaite en tous cas. Et j’essaye de m’épanouir dans mon nouveau club.

Tu suis les résultats de Bastia en Nationale 3 ?

(Il sourit) Je suis les résultats et je regarde les matchs ! Sur la page Facebook du club, on peut suivre ça, donc je les regarde. Ils sont en Nationale 3, mais ils jouent devant 7 000 personnes, sont suivis par 2 000 personnes sur les réseaux sociaux au moment des matchs. Le Sporting est un club très populaire. En Corse, c’est vraiment une institution, un grand club.

Toute ta carrière en Corse et au mois de juillet, tu décides de rejoindre Toulouse. Comment s’est passé le départ ?

Déjà, j’ai été très fier quand j’ai su que Toulouse était intéressé par moi. Parce que pour moi, Toulouse est un grand club en France. Les premiers échanges avec le coach se sont très bien passés. On a eu une discussion franche. Ça a pris un peu de temps, parce que j’attendais de voir ce qui allait se passer à Bastia. D’ailleurs je les remercie, car ils ne m’ont pas mis la pression. Mais ensuite, j’ai donné mon accord et deux jours après, je suis passé au club pour dire au revoir à tous ceux que je connaissais et puis j’ai pris l’avion pour me rendre sur Toulouse.

A voir aussi >> PSG-Toulouse: Cahuzac peiné par le "fake" à propos de Neymar

"Je ne suis pas là pour contester les choix du coach"

C’était une décision familiale ?

Oui j’en ai beaucoup discuté avec ma femme. Je lui ai dit que je ne me voyais pas évoluer en niveau amateur, que j’avais fait beaucoup de sacrifices dans ma vie pour pouvoir en arriver là, pour pouvoir jouer chez les professionnels et que pour moi, c’était une chance, à mon âge, de continuer à ce niveau-là. Le choix était vraiment réfléchi.

Six mois plus tard, comment on se sent ?

Humainement, bien. Sportivement, un peu moins bien. Humainement, bien, parce que c’est vrai que ça a été un changement pour moi, mais le plus important, c’était pour ma famille. Et j’avais beaucoup d’appréhension pour mes enfants. Quitter mon île avec eux, c’était quelque chose qui me faisait un peu peur. Mais ils se sont très, très bien adaptés. On est dans une belle région, avec un bon climat, mes enfants sont épanouis. A partir du moment où ma famille va bien, je vais bien. Après, sportivement, je ne m’attendais pas à vivre une saison compliquée. Parce qu’on a un gros potentiel, on a une très, très belle équipe. J’espère qu’on va pouvoir remonter au classement pour atteindre nos objectifs.

Comment expliquer cette 19e place ?

C’est compliqué. On a eu un bon début de championnat, puis un coup de moins bien. C’est vrai qu’on a du mal à relever la tête. Nos performances sont en dents de scie, on alterne le bon et le mauvais sur un même match. C’est ce qui est frustrant. Là, on sort de plusieurs matchs où dans le contenu, ce n’est pas mal, mais au niveau du résultat, ce n’est pas ça. Et après, par expérience, quand on commence à être dans le doute et dans cette position, on a beaucoup moins de confiance et on se lâche un peu moins. Mais j’ai vraiment confiance en ce groupe, parce que, comme je disais, il y a de la qualité. Et je pense vraiment que l’on n’est pas à notre place et qu’on va réussir à remonter.

Dans ce contexte, tu as joué huit matchs de Ligue 1 (deux de Coupe de la Ligue et un de Coupe de France), dont seulement six titularisations. Comment l’expliquer ?

Ce sont les choix du coach. Moi, je ne suis pas là pour les contester, je suis là pour le collectif, pour le club. L’important, c’est de rentrer dans le projet du club. Moi, je veux être présent quand on fait appel à moi, être le plus performant pour mes coéquipiers, pour mon équipe. Après, si je dois jouer huit ou trente matchs, je dois être le plus performant possible quand on fait appel à moi. Quand il m’a recruté, le coach a toujours été très correct. Il m’a dit : "Je te prends pour encadrer, tu ne vas pas faire quarante matchs". J’ai envie de te dire que je ne suis pas là pour mon intérêt personnel. Je suis là pour une superbe expérience, pour le collectif. Et j’espère vraiment qu’on va se sortir de là parce que ce groupe mérite beaucoup mieux.

C’est dur à vivre ?

Il y a de la concurrence, des joueurs qui sont performants. C’est à moi de travailler au quotidien, de gagner ma place, avoir du temps de jeu. Ça fait partie de la vie du footballeur. C’est vrai que c’est quelque chose de nouveau pour moi, parce que dans mon ancien club, j’étais capitaine et je jouais très souvent. Mais voilà, je le prends comme une expérience. Je ne vais pas te dire que c’est facile non plus. Ce n’est pas facile tous les jours… Mais je prends sur moi et je me réfugie dans le travail. Pour être plus performant à l’entraînement, pour apporter à mon équipe et d’essayer de montrer que je peux jouer.

Il faut se faire violence pour jouer ce rôle de cadre dans le vestiaire ? Surtout quand on est nouveau et vraisemblablement plutôt introverti comme toi ?

C’est vrai que dans la vie, je suis plutôt introverti. Et j’avais beaucoup d’appréhension quand j’ai signé à Toulouse. Je ne savais pas comment le vestiaire allait m’accepter. Mais j’ai une bonne relation avec tout le monde, ça me permet d’avoir un mot pour chacun avant chaque match. J’essaye de mettre en confiance certains joueurs par des paroles, par des gestes. Après, je sais que quand un joueur est concentré avant un match, ça ne sert à rien d’en faire des tonnes. Mais quand j’estime que je peux apporter par un geste ou une parole, je le fais.

"Mon image ? Pas de fumée sans feu"

Malgré ton âge (33 ans) et ton expérience, tu avais de l’appréhension avant de rentrer dans le vestiaire toulousain ?

Ah complètement. Déjà, c’était la première fois que je changeais de club. Et en plus, je sortais de deux matchs avec Toulouse où j’avais été expulsé deux fois (les deux fois au Stadium, le 11 février 2017 et le 9 avril 2016, ndlr), à cause "d’embrouilles" avec certains joueurs. Donc par rapport à ça, j’appréhendais beaucoup. Mais ils ont été exceptionnels avec moi et ça m’a beaucoup touché. Ça m’a mis de suite à l’aise et dans le bain.

A voir aussi >> Toulouse: Dupraz chambre Cahuzac sur son intégration

Justement, on te ramène toujours à cette image de joueur sanguin. N’est-ce pas pénible alors que tu sembles être quelqu’un de calme et posé dans la vie ?

Pénible, oui et non. J’ai envie de dire qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Cette image n’est pas apparue du jour au lendemain. J’ai commis beaucoup d’erreurs, je pense, qui ont fait que maintenant j’ai cette image. Je pense aussi que les médias ont accentué la chose et je traîne cette image. Mais je n’en veux pas aux médias, car je le répète, j’ai commis des erreurs. Après, quand je prenais certains rouges mérités, on le soulignait. Et quand c’était l’inverse, on parlait juste de mon record d’expulsions et pas que ce rouge-là n’était pas mérité du tout (il a reçu 111 cartons jaunes et 15 cartons rouges en 13 saisons chez les pros, ndlr). Mais bon, c’est la vie, c’est comme ça, je relativise complètement. L’important, c’est que les gens avec qui je travaille, que je côtoie, ma famille, sachent la personne que je suis réellement dans la vie. Après, le foot, ça passe au second plan.

Tu viens d’avoir 33 ans et tu as encore une année de contrat à Toulouse. Comment imagines-tu la suite ?

Je vis le moment présent, sans anticiper. C’est une chance pour moi de pouvoir évoluer à mon âge au plus haut niveau, parce que quand je vois la situation de beaucoup de mes anciens coéquipiers, qui ont eu beaucoup de mal à trouver des clubs, je relativise beaucoup. Et je suis conscient de la chance que j’ai de pouvoir évoluer au plus haut niveau. Donc je ne me projette pas. Je me concentre sur mon travail. Après, si je suis performant, pourquoi pas rester à Toulouse. Sinon, on rentrera sur "notre île" (large sourire).

Finir avec Bastia ?

C’est quelque chose qui me plairait. Boucler la boucle. Après, je pense qu’aujourd’hui, j’ai encore les capacités et l’envie d’évoluer au plus haut niveau. Si je peux jouer encore quelques années en Ligue 1 et à Toulouse, ça me plairait aussi. Et ensuite, si j’ai l’opportunité, si tout est réuni pour rentrer à Bastia, pourquoi pas. Mais je ne me projette pas. Je pense au club et au maintien.

Allez, pour conclure, qu’est-ce qui te manque de la Corse à Toulouse ?

Pfff… (il sourit) Beaucoup de choses ! La famille, parce que je suis quelqu’un de très famille. La charcuterie (il rigole), la nature… Beaucoup de choses en fait, car quand tu as vécu toute ta vie au même endroit, tu as beaucoup d’attaches. Il y a beaucoup de choses qui me manquent, mais ce n’est pas un problème car je sais qu’un jour je retournerai sur mon île et je profiterai de tout ce qui me plaît.

Et qu’as-tu découvert ici ?

Avec ma femme, on a fait quelques restos. On profite aussi des cinémas, qui sont beaucoup plus grands qu’à Bastia (rires) ! Ça fait un peu paysan de dire ça ! Mais sinon, on est très nature, on se fait des balades sur les bords du Canal du Midi, à vélo ou en trottinettes avec les enfants. On est des gens très simples.

Wilfried Templier