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"Le PSG de la Ligue 2": comment Saint-Etienne a vraiment lancé son projet après la descente en Ligue 2

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Après une saison 2024-2025 d’apprentissage à gérer le rachat avec une remontée "malgré eux" en Ligue 1 puis la chronique d’une descente annoncée qu’ils ont tenté de stopper en procédant à des ajustements, les nouveaux patrons de Saint-Etienne, "Kilmers Sports", semblent idéalement partis. Beaucoup d’adversaires, qui surnomment l’ASSE comme "le PSG de la Ligue 2", ne laissent guère de doutes sur l’issue finale en mai prochain: les Verts seront de retour et de façon express dans l’élite du football français. Et derrière la partie visible et sportive, les dirigeants se sont donnés le temps (sur les 15 derniers mois) et les moyens (financiers et humains) de poser des bases solides. Un travail de l’ombre, propre à remettre les Verts dans le peloton de tête du football professionnel avec un message clairement envoyé: "Nous ne sommes pas là pour du court terme." Décryptage.

Quand ils commencent à négocier avec les vendeurs – Roland Romeyer et Bernard Caiazzo – au début de l’année civile 2024, l’ASSE patine dans le championnat de France de Ligue 2, où le club est retombé un soir de KO à Geoffroy Guichard le 29 mai 2022, à la suite d’un barrage manqué face à Auxerre. Les dirigeants du potentiel acquéreur, "Kilmers Group", la société canadienne spécialisée dans les placements privés, l’immobilier et le secteur des sports et des médias, s’avancent donc sereinement dans un projet "Ligue 2", fort d’un actionnaire solide: Larry Tanenbaum, impliqué dans différents sports au Canada comme les Maple Leafs de Toronto (Hockey sur glace), les Raptors de Toronto (basket), le Toronto FC (MLS) et les Argonauts de Toronto (Ligue canadienne de football), mais aussi propriétaires des chaînes de télévisions sportives canadiennes (Leafts TV ou NBA TV Canada). Mais quand ils signent la vente à l’Etrat, au siège du club, le 3 juin 2024, les Verts sortent d’une nuit d’ivresse avec leurs supporters: cette fois-ci, le barrage leur sourit face à Metz et ils retrouvent l’élite du championnat.

Ce changement d’étage, s’il ne gêne véritablement et officiellement personne, il amende quelque peu le plan de route d’Ivan Gazidis, le nouveau président du club. Là où l’idée initiale est d’installer "sa patte sportive" d’entrée, il doit composer avec les prolongations de contrat "automatiques" - dans le staff ou le groupe de joueurs - générées par la montée. Et reporter à l’hiver suivant, la "révolution" avec l’arrivée de l’entraîneur souhaité depuis le début, Erik Horneland.

Aux résultats sportifs qui déclinent et entraînent les Verts dans la lutte pour le maintien, les dirigeants répondent qu’ils œuvrent en coulisses et dans la discrétion, avec, dans un premier temps, une phase d’observation afin, dans un second, de mieux "reconstruire" l’institution. Or, le scepticisme reste vivace chez les supporters, qui voient un actionnaire fort et riche, "subir" une accession "malgré lui" en juin 2024 avant de … subir de nouveau la chronique d’une descente annoncée, avec même le "fusible" du changement d’entraîneur (Erik Horneland remplace Olivier Dall’Oglio) qui ne stoppe pas la spirale. D’autant que l’idée de dirigeants plus intéressés par le "trading" joueurs fait flores dans le Forez …

En mai 2025, l’ASSE retrouve la Ligue 2 en ne gagnant que 8 matchs sur 34 et en encaissant plus de deux buts par match. Difficile dans ces conditions de bien comprendre le projet énoncé lors d’une courte annonce médiatique le 3 juin 2024: "Notre projet, c’est de poser les bases d’une ASSE qui retrouve sa place européenne dans la hiérarchie du foot français avec un projet club global (sportif institutionnel) sur le long terme."

Mais à rembobiner les différentes actions faites dans la discrétion qui sied à ce type d’opérations, force est de constater que les dirigeants canadiens, s’ils ont pris leur temps, tiennent leurs promesses. Ainsi, les deux augmentations de capital du premier semestre 2025 affirment la solidité financière du club: passé de 2,3 millions d’euros à la fin 2024 à un peu plus de 33 millions en janvier 2025, il a encore bondi de 36,5 millions au début de l’été. Ainsi, le capital social est désormais établi à 70 millions d’euros.

De plus, dans la volonté de bénéficier plus directement de ses revenus, l’actionnaire du club a investi dix millions d’euros dans le rachat de la régie commerciale "Sportfive", avec l’idée d’un retour sur investissement pas avant 2030, preuve dit-on à l’Etrat qu’ils "pensent sur le long terme". Dans les structures même du club, où travaillent toujours, les dirigeants "historiques" Loïc Perrin en directeur sportif et Jean-François Soucasse, le secteur administratif s’est renforcé avec la création de postes tels que "Directeur de la marque et directeur financier".

Travaux, staff étoffé et recrues

Les bâtiments au centre d’entraînement font l’objet de travaux, qui seront amplifiés à l’été 2026 et le secteur sportif bénéficie de cette volonté de "structurer sur le long terme", comme le définira dans l’interview qu’il nous a accordée, Huss Fahmy, l’un des hommes forts du projet aux côtés d’Ivan Gazidis, président du club et de Jason Rosenfeld.

Des ressources humaines enrichissent par ailleurs le staff: "Ils allient compétence et expérience", résume-t-on dans l’entourage du club. Ils s’appellent Donough Holohan à la direction de la performance: il occupait le même poste à Manchester City avec 18 titres en 13 ans sur son CV; Calum Daley à la préparation physique avec des expériences en premier League tout comme Foivos Papastaikoudis (Préparateur mental de Chelsea) ou Paulo Gaudino (Expert en réathlétisation en provenance de Manchester United).

Quant à la cellule de de recrutement, Alexandre Lousberg (Belge) la coordonne, sous la houlette de Loïc Perrin (DS). Cette celllule s’étoffe depuis quelques semaines avec l’arrivée de quatre scouts réputés pour superviser les joueurs ciblés et les championnats: Guillaume Leleu (Concarneau), les Portugais Freddy Ferreira et Pedro Ferreirinha et l’Allemand Uli Schier.

Et si le premier mercato de l’ère Kilmers Sports à l’été 2024 a manqué de lisibilité avec la plus grosse recrue du club (Lucas Stassin, 19 ans, 10 millions d’euros pour une enveloppe totale de 23 millions dépenses) sur fond de prolongations obligées de cadres de la montée, le suivant a plus épousé les contours du projet, avec la création d’une équipe forte, sans vente avec gains immédiats des joueurs majeurs: le refus des dirigeants de céder, même pour 25 millions d’euros, l’attaquant belge l’a prouvé.

Les féminines aussi

Erik Horneland a ainsi conservé ses talents à fort potentiels (Stassin, Davitashvili, Boakye, Old), ses éléments d’expérience (Larsonneur, Cardona, Bernauer) et locaux (Moueffek, Nadé). Le technicien norvégien fonctionne désormais avec un groupe léger, afin de laisser la place aux jeunes formés au club comme N’Guessan, Gadegbeku ou El Jamali. Quant à l’opération dégraissage, elle a concerné de nombreux joueurs que ne souhaitaient plus le coach (Briançon, Petrot, Mouton, Wadji, Cornud, Fomba, Sissoko, Bouchouari), un entraîneur qui incarne "une philosophie de jeu tournée vers l’avant avec une volonté de créer un style de jeu propre à l’ASSE devant entrer en résonnance avec l’enthousiasme de Geoffroy Guichard", résume une source au club.

Propriétaire nord-américain oblige, la partie féminine du club n’est pas oubliée: un nouveau coach, Sébastien Joseph connu pour performer avec des clubs habitués à lutter contre la relégation (Rodez, Soyaux, Dijon) dirige le groupe avec la volonté d’installer la place de l’ASSE dans "le sillon d’équipes intouchables en Première Ligue". Ainsi, la professionnalisation du staff technique est en cours et l’encadrement va s’étoffer, notamment pour améliorer les conditions de vie autour des joueuses.

Edward Jay