Bâtisseur, philosophe et engagé: qui est Kasper Hjulmand, le coach de Leverkusen qui va défier le PSG après avoir déjà battu les Bleus?

Les amateurs de foot français vont peut-être se souvenir de son visage rasé de près et de ses yeux clairs. Kasper Hjulmand, l’entraîneur du Bayer Leverkusen qui va défier le PSG ce mardi lors de la troisième journée de la Ligue des champions (21h), est l’ancien sélectionneur du Danemark, qui avait croisé la route de la France en juin et septembre 2022, en Ligue des nations. Résultat: deux succès des Danois face aux Bleus, qui avaient pris leur revanche en novembre. Les choses se sont gâtées ensuite pour lui et l’élimination en phase de poule de la Coupe du Monde 2022 au Qatar lui a été fatale. Mais Hjulmand a rebondi à Leverkusen, en remplaçant Erik Ten Hag, entraîneur du club pendant à peine deux mois, parti après un conflit avec la direction.
Posé et réfléchi, Hjulmand a écouté la proposition du champion de Bundesliga 2024 avant d'accepter de relever le défi. "Je ne m’y attendais pas, c’était trépident. C’était le seul club qui pouvait me faire ressentir ça", justifie-t-il à son arrivée. "Ici, j’ai la sensation que je peux être moi-même, pas besoin expliquer comment je vois le foot. Important c’est la philosophie de jeu." Car le Danois est un bâtisseur, dans tous les sens du terme. Avant de rejoindre Leverkusen, il était engagé dans un vaste projet, dans son pays, pour créer un grand centre du football pour la fédération, une sorte de "Clairefontaine danois".
"Une intelligence émotionnelle extrêmement élevée"
Kasper Hjulmand a des convictions et des idées. Intelligent, calme, un peu professeur, proche de ses joueurs. A son départ de la sélection, plusieurs d’entre eux avaient loué son humanisme. "Ce qui fait de vous un entraîneur de football unique, c’est que vous voyez la personne avant le joueur de football, et en même temps, vous êtes incroyablement ambitieux", disait le défenseur central danois Simon Kjaer, dans des propos rapportés par la Bundesliga. "Vous nous avez sauvés de la tempête et nous avez donné le sentiment qu’il n’y avait pas de mal à jouer au football." Le gardien Kasper Schmeichel parle lui "d’intelligence émotionnelle extrêmement élevée".
Sportivement, le coach danois avait mené son équipe aux demi-finales de l’Euro en 2021 et battu la France en Ligue des nations, avant l’échec qatari au Mondial 2022. "Je ne fais pas ce métier pour prouver, je le fais parce que j’aime le jeu et la passion qui l’accompagne", dit Hjulmand. Pour lui, le foot n’est pas qu’un sport. Il peut-être (et doit être, si possible) le reflet d’une société, d’un peuple, d’une culture. Le technicien scandinave voyage, parfois, pour s’approprier un environnement avant d’entamer sa mission. Et il aime que le style de son équipe reflète la ville ou le pays qu’elle représente. "Le directeur du football de la fédération, Peter Møller, m’a dit d’aider à écrire une vision", explique-t-il sur le site The Player’s Tribune en référence à sa nomination à la tête de la sélection. "Pourquoi avons-nous une équipe nationale? Pour trouver des réponses, j’ai rencontré 25 à 30 personnes: musiciens, acteurs, Premiers ministres, entraîneurs de l’équipe nationale, PDG... Et tout a commencé avec l’identité. Qui sommes-nous?"
Lecteur de Jean-Paul Sartre et Albert Camus
Hjulmand veut tout comprendre, l’esprit ouvert. Au journal L'Équipe, l’entraîneur confiait avoir lu Albert Camus et Jean-Paul Sartre. "J’ai aimé l’existentialisme ", souriait-il. Il apprécie aussi beaucoup le théologien danois Sören Kierkegaard, qui a augmenté en lui cette quête de l’identité. Un état d’esprit lié, peut-être à son passé: une carrière de joueur brisée à 26 ans après sept opérations au genou droit. De quoi prendre un peu de hauteur et se questionner sur le sport… Son oncle est mort d’un arrêt cardiaque sur un terrain de football. Alors quand il a vu Christian Eriksen s’effondrer sur la pelouse lors de l'Euro 2021, son calme a guidé les siens. Un relationnel très apprécié, développé au fil de ses expériences: entraîneur des jeunes à Lyngby, adjoint à Nordsjaelland avant d’être n°1 et champion, avec entre-temps un passage raté à Mayence (24 matchs). Pas du genre à crier publiquement sur ses joueurs, Kasper Hjulmand est invaincu depuis son arrivée en Allemagne l'été dernier en remplacement de Xabi Alonso (4 victoires, 3 nuls), dans le Top 5 en Bundesliga.
Il s'est positionné contre le Mondial au Qatar
Pas sûr, par ailleurs, qu’il apprécie le mode de fonctionnement du PSG, financé directement par le Qatar. Car lorsqu’il était sélectionneur, tiraillé entre le respect des droits de l’Homme et la volonté de performer, il avait longuement détaillé sa pensée sur le Mondial 2022 dans l’émirat sur le site The Player’s Tribune. "Certaines choses sont très claires. Nous savons tous que la façon dont cette Coupe du monde a été attribuée était erronée. C’est fou que les joueurs et les entraîneurs ne soient pas entendus dans ces grandes décisions. Je ne crois pas vraiment que les gens au sommet prennent les bonnes décisions. Suis-je d’accord avec la décision de faire du Qatar l’hôte de ce tournoi? Non. Absolument pas. Notre équipe prône la diversité, la tolérance et le respect de toutes les personnes. Nous connaissons les problèmes avec le Qatar autour de ces valeurs."
Sa sélection avait poussé pour porter un brassard arc-en-ciel et peut-être un peu perdu en énergie dans cette bataille. Mais Hjulmand n’aime pas déroger à ses valeurs. Il s’intéresse au monde qui change. En 2015, les Nations unies ont publié dix-sept objectifs de développement durable. Chez lui, Kasper Hjulmand a un ballon sur lequel chacun d’entre eux est inscrit.