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Juventus: les raisons d’un déclassement européen spectaculaire

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La Juventus a rendez-vous dans l’antre de Villarreal, ce mardi, en 8e de finale aller de la Ligue des champions (21h). Avec un statut de grand d’Europe sur le déclin. Seulement quatrième de Serie A, l’équipe de Massimiliano Allegri enchaîne les sorties décevantes et ennuyeuses cette saison, malgré un effectif de qualité.

Son armoire à trophées parle d’elle-même. Et son maillot rayé continue de fasciner à travers le monde. Avec ses 36 titres de champion, ses 14 Coupes d’Italie et ses 2 Ligues des champions (entre autres), la Juventus reste un monument du football européen. Mais ces derniers temps, la peinture commence à s’écailler. Depuis la finale perdue face au Real Madrid en 2017 (4-1), la Vieille Dame enchaîne les désillusions en C1. Lors des trois dernières éditions, les Bianconeri sont tombés face à l’Ajax Amsterdam en quarts de finale, puis l’OL et Porto en 8es. Trois équipes au standing nettement moins élevé.

Le passage de Cristiano Ronaldo (2018-2021), venu pour gagner une nouvelle coupe aux grandes oreilles, a de ce point de vue-là viré au fiasco. Et la situation se dégrade désormais en Serie A, après le départ de la star portugaise. A l’heure de défier Villarreal sur sa pelouse, ce mardi en 8e de finale aller de Ligue des champions (21h), la Juve occupe la 4e place de son championnat. Sous la menace de l’Atalanta Bergame, qui compte 3 points de retard et un match en moins. En affichant un visage particulièrement décevant…

Un projet de jeu trop frileux

C’est le principal problème de la Juventus cette saison. Malgré un effectif haut de gamme, l’équipe du Piémont ne parvient pas à se montrer séduisante. La faute à un manque d’ambition assez flagrant. De retour sur le banc depuis l’été dernier, Massimilano Allegri (déjà aux manettes entre 2014 et 2019) propose un football frileux et passif. Ses joueurs évoluent très bas et sortent rarement chercher leurs adversaires dans leur moitié de terrain. Ils se contentent d’attendre au niveau de la ligne médiane. Résultat: la Vielle Dame n’impose pas son rythme et subit régulièrement les assauts d’équipes moins bien armées.

Un visage en décalage avec la qualité de son vestiaire, certainement le mieux fourni d’Italie. Les cadors du pays adoptent une attitude nettement plus conquérante, à l’image de Naples, de l’Atalanta ou des deux Milan. Même certaines formations de seconde zone, comme Empoli, Sassuolo ou l’Hellas Vérone, pratiquent un jeu plus attrayant. Lors du derby face au Torino, vendredi dernier (1-1), la Juventus s’est d’ailleurs fait bousculer par les troupes d’Ivan Juric, adepte d’un football offensif. De manière un peu gênante.

Une attaque en berne

C’est l’un des conséquences du manque d’ambition d’Allegri. A force de ne pas attaquer, son équipe a du mal à se montrer dangereuse. Et elle marque peu, au final. Aux deux tiers du championnat, la Juventus possède seulement la 10e attaque de Serie A, avec 38 buts en 26 journées. Très loin derrière les 55 buts de l’Inter ou les 53 de la Lazio. Même Sassuolo, pourtant 11e du classement, fait mieux avec 43 réalisations.

La Vieille Dame ne manque pourtant pas de talent devant avec Alvaro Morata, Paulo Dybala, Federico Chiesa, Moise Kean, Federico Bernardeschi et Kaio Jorge. Mais en évoluant aussi loin du but adverse, c’est plus compliqué de se montrer dangereux. Même pour des joueurs de ce calibre. Dans ce contexte, le géant italien a sorti son chéquier cet hiver afin s’offrir Dusan Vlahovic, recruté à la Fiorentina pour près de 80 millions d’euros (bonus compris).

Les absences répétées de Dybala

Depuis le départ de Cristiano Ronaldo l’été dernier, il est censé être le leader d’attaque. Mais Paulo Dybala est trop souvent à l’infirmerie pour assumer ce rôle. Depuis le début de saison, l’attaquant de 28 ans a déjà passé quatre séjours loin des terrains. En manquant une dizaine de matchs. Depuis 2020-2021, il n'a disputé que 41% des minutes jouées par la Juve (toutes compétitions confondues). Et le bilan ne va pas s’arranger puisque l’international argentin (32 sélections, 2 buts) s’est à nouveau blessé à la cuisse contre le Torino. Un souci majeur pour Allegri, obligé de compenser les absences répétées de son n°10.

D’autant qu’avec son profil atypique, à mi-chemin entre l’avant-centre, l’ailier et le meneur de jeu, Dybala n’est pas facile à inclure dans un système. Ces derniers mois, c’est d’ailleurs Federico Chiesea, plus fiable et plus combatif, qui a pris le leadership. Mais l’attaquant italien s’est gravement blessé au genou début janvier et sera privé de compétition durant plusieurs mois. De quoi compliquer un peu plus les affaires de la Juve, même si l’arrivée de Vlahovic est censée régler une partie du problème.

Des joueurs mal exploités

La philosophie de jeu prônée par Massimilano Allegri ne met pas vraiment en valeur ses joueurs. Plusieurs d’entre eux sont clairement en sous-régime cette saison. C’est le cas notamment de Manuel Locatelli. L’ancien milieu de terrain de Sassuolo, arrivé à l’intersaison, se retrouve bridé au sein d’une équipe attentiste. Loin du visage rayonnant que le joueur de 24 ans a montré lors du sacre de la Squadra Azzura à l’Euro 2021. Autre exemple: le cas d’Adrien Rabiot. Même s’il affiches certaines limites, sur le plan mental notamment, l’ancien joueur du PSG reste un élément intéressant. A condition de bien exploiter ses qualités. En début de saison, Allegri l’a régulièrement aligné comme milieu gauche. Un poste qui ne correspond pas à son profil. Résultat: l’international français, souvent convaincant avec les Bleus, a enchaîné les sorties pénibles et sans saveur. Au point de se faire siffler par ses propres supporters.

Allegri pas forcément menacé

Malgré un triste spectacle et des résultats médiocres, Massimiliano Allegri n’a pas encore à s’en faire pour son poste. Le coach italien, relativement épargné par la presse locale jusqu'à présent, bénéficie d’un gros contrat dans le Piémont. Engagé jusqu’en 2025, il touche près de 7 millions d’euros net par an. Si la Vieille Dame voulait le licencier avec son staff, l’addition avoisinerait les 40 millions d’euros.

Sans parler du message envoyé après avoir déjà changé deux fois d’entraîneur lors des deux années précédentes (Maurizio Sarri et Andrea Pirlo). Allegri semble donc parti pour conserver les rênes, même en cas de contre-performance face à Villarreal. A moins d’un cataclysme dans les semaines à venir. En attendant, il peut aussi décider de revoir sa copie, même si le technicien de 54 ans a toujours plus ou moins appliqué les mêmes idées depuis le début de sa carrière. Pas de quoi rassuer la Juve.

Alexandre Jaquin avec Johann Crochet