Ligue des champions: le PSG fait-il encore peur à l'Europe?

Dans le film Men in Black, Tommy Lee Jones et Will Smith ont à leur disposition un merveilleux outil appelé "neurolaser", sorte de petit stylo qui, d’un flash lumineux, efface les souvenirs traumatisants de la personne en face, lui permettant ainsi de reprendre le cours de sa paisible existence. A Paris, cet outil s’appelle le mercato estival, mais le principe est le même: après chaque désillusion européenne au printemps, alors que le moral est au plus bas parmi les troupes, le club de la capitale réussit en une intersaison à faire oublier son douloureux échec pour aborder la Ligue des champions suivante plein d’espoir et d’ambition.
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Cette année n’a pas dérogé à la règle. Alors que la plus prestigieuse des compétitions reprend ce mardi soir (à suivre sur RMC Sport), joueurs, supporters et dirigeants parisiens vont pénétrer la scène aux étoiles avec la ferme intention de l’illuminer, persuadés que cette saison 2019-2020 sera la bonne, celle qui permettra au PSG d’enfin s’asseoir sur le toit de l’Europe. Mais qu’en pensent ses concurrents? Quelle image le plus puissant des clubs français dégage-t-il en dehors de nos frontières, où les échecs cuisants contre Chelsea (2014), le Barça (2017) ou Manchester United (2019) ne sont pas passés inaperçus? En clair, le PSG fait-il toujours peur à l’Europe du football?
Une équipe redoutée, et surtout, une attaque redoutée
Pour répondre à cette question, nous avons sollicité des observateurs dans les différents grands championnats étrangers. Et globalement, personne ne veut s’amuser à prendre le PSG de haut à l'heure de la rentrée européenne. "Depuis l’Italie, le PSG demeure toujours l’un des favoris pour remporter la Champions League, explique Nicolò Schira, journaliste à la Gazzetta dello Sport. Malgré la déception de l’année dernière contre Manchester, Paris reste une grande équipe avec une multitude de grands joueurs. L’arrivée de Mauro Icardi est un fait important, avec lui plus Cavani, Mbappé et Neymar, c’est clairement une des meilleures attaques au monde. Ces dernières années, le PSG a souvent été malchanceux au tirage une fois sorti des poules. Si pour une fois il a un peu plus de réussite, il pourrait tout à fait remporter la compétition."
L’attaque parisienne, voilà ce qui fait principalement frissonner l’étranger. Même outre-Manche, où la victoire du faible Manchester United de Solskjaer au Parc des Princes (3-1, en mars) avait provoqué quelques sarcasmes. "Il y a toujours en Angleterre un grand respect pour les joueurs du PSG, qui figurent parmi les meilleurs de la planète. La qualité de l’attaque parisienne fait que le PSG est toujours considéré comme un adversaire excitant et redoutable pour les clubs de Premier League, assure Sam Dean, reporter au Telegraph. Les journaux britanniques n’ont pas tari d’éloges sur le 'merveilleux' Kylian Mbappé, par exemple, après le match aller à Old Trafford." Et le match retour, une fois les moqueries passées, n'a finalement pas changé grand-chose. "Ici personne ne nie le fait que le PSG était meilleur que Manchester United, précise Dean. S’ils affrontaient dix fois United, les Parisiens gagneraient probablement neuf fois. C’est la magie du football, et peut-être les échecs précédents du PSG en Ligue des champions qui ont joué un rôle psychologique ce soir-là…"

Marc Schmidt, rédacteur en chef à Sport Bild, estime lui que les éliminations passées du PSG ne comptent plus au moment d’aborder une nouvelle édition. "Paris est assurément une équipe très forte aux yeux des clubs de Bundesliga, observe le spécialiste allemand. Surtout que le niveau général ici n’a pas vraiment augmenté depuis trois, quatre ou cinq ans, les clubs allemands ont semblé prendre du retard sur les meilleures équipes européennes." Parmi lesquelles, selon lui, le PSG. "Je considère Paris comme un club qui a une chance de remporter la C1 chaque saison, poursuit-il. Bien sûr, ils ont sous-performé jusqu’à présent. Mais ils ont un énorme potentiel et un bon coach. Alors, oui, pour répondre à la question, les clubs allemands sont toujours effrayés."
"Je placerais le PSG un cran en-dessous du Barça, du Real ou du Bayern"
Si notre confrère allemand n’émet aucune réserve quant à la force du PSG, les autres sont toutefois un peu plus nuancés. Si Paris fait peur, il n’est pas l’épouvantail de la compétition pour autant. "Pour le dire vulgairement, parce que le foot n’est pas une science exacte, je crois que le PSG est perçu comme un adversaire intimidant pour les clubs anglais, mais pas dans la même mesure que le Barça, le Real Madrid ou le Bayern Munich, confie ainsi Sam Dean. Je les placerais un cran en-dessous, au même niveau que Manchester City."
De l’autre côté des Alpes, Cristiano Ronaldo et ses compagnons sont également vus comme des candidats plus crédibles pour le titre. "A titre personnel, je considère le PSG comme l’un des favoris à la victoire finale avec le Barça, Liverpool et City, mais en Italie, beaucoup de médias considèrent la Juventus comme supérieure à Paris", reconnaît Nicolò Schira.
Pour des raisons évidentes de palmarès mais également… d’homogénéité. "La ligne d’attaque parisienne est saluée, mais à mon avis, Paris manque encore d’équilibre d’un point de vue défensif", estime Philipp Kessler, lui aussi journaliste à Sport Bild, et suiveur du Bayern. José David Palacio, qui travaille à la radio Cadena Ser, tente de résumer l’opinion générale espagnole: "Le PSG est toujours respecté en Europe, mais il est clair que l’impression de puissance dégagée il y a deux ans lors des signatures de Neymar et Mbappé s’est nettement atténuée, note-t-il. Ils ont toujours un onze de départ très compétitif, avec beaucoup de stars, mais il n’a échappé à personne que l’équipe a souffert d’un problème de milieu défensif, qui lui a beaucoup coûté sur la scène européenne. Mais leurs mauvaises expériences passées vont peut-être leur servir cette saison..."

Un déficit d’image toujours réel
Pour gagner, éventuellement. Mais pour changer l’image de fond, la tâche s’annonce plus compliquée. Car même huit ans après l’arrivée du Qatar à sa tête, le Paris Saint-Germain semble avoir du mal à susciter de l’émotion. Ou plutôt, de l’affection. "Le PSG n’est pas vu comme une équipe romantique au Royaume-Uni, souffle Sam Dean. Bien sûr que les gens apprécient ses qualités offensives, mais la nature de sa progression, soudaine, récente, fait que le club n’a pas le même lustre que des équipes 'historiques'. Encore une fois, c’est pour cela que sa situation est comparable à celle de City."
Et puis il y a la question de "l’institution": là où certaines écuries dégagent une vraie force collective, ou donnent du moins l’impression de clubs où aucune individualité ne peut dépasser du groupe, Paris a régulièrement vu son image écornée par les sorties de ses joueurs et les velléités de départ des uns et des autres. Il y a eu par exemple l’épisode Mbappé en mai, lorsque l’attaquant demandait "plus de responsabilités", et il y a bien sûr eu le feuilleton estival autour de Neymar, allègrement relayé à l’étranger. "La vraie question, c’est de savoir s’il sera apte à jouer les matches décisifs en Ligue des champions, s’interroge José David Palacio. Parce que ses absences passées ont fait beaucoup de mal à Paris."
En clair, le PSG aurait intérêt à bien cadrer ses vedettes. "Le plus important pour le PSG, c’est que ses stars doivent impérativement mettre leur ego de côté, confirme Philipp Kessler. Si elles y parviennent, alors là, on pourra dire que Paris est une équipe terrifiante aux yeux du monde entier."