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Petit : "Wenger a toujours été un visionnaire"

Emmanuel Petit

Emmanuel Petit - AFP

Invité de Luis Attaque sur RMC, Emmanuel Petit, l’ancien milieu de terrain des Bleus, se projette sur le 8e de finale retour de Ligue des champions entre Monaco et Arsenal, ce mardi à Louis-II (20h45). Un choc entre deux clubs dont il a porté le maillot durant sa carrière. Sous les ordres d’un certain Arsène Wenger.

Pensez-vous qu’Arsenal est capable de se qualifier à Monaco après sa défaite 3-1 à domicile lors du match aller ?

Dans le foot, tout est possible. Les Gunners ont dû regarder attentivement l’exploit du PSG à Chelsea. Mais il va falloir quand même qu’ils changent considérablement leur copie s’ils veulent espérer quelque chose. Parce qu’au match aller, ils n’étaient pas du tout présents. Ça risque d’être compliqué, mais pourquoi pas ?

Que vous inspire cette équipe d’Arsenal ?

J’aime cet Arsenal, oui, quand ils sont capables de pratiquer le football qu’on connait. Un jeu flamboyant, avec une maîtrise technique, des joueurs créatifs, entreprenants, qui jouent dans le bon tempo. Malheureusement, c’est souvent une équipe qui est scindée en deux. Avec une défense qui se retrouve souvent aux abois. Ils n’ont pas réellement trouvé la bonne équation entre l’attaque et la défense.

Et quel regard portez-vous sur Monaco, dont le jeu est souvent décrit comme ennuyeux ?

On a tous envie de voir du football champagne avec des buts, du spectacle et des émotions. C’est clair que Monaco n’est pas le meilleur élève dans ce cas. Malgré tout, quand je vois comment ils ont été pillés dans le domaine offensif en début de saison, ils ont réussi à s’adapter et à se renouveler de très belle manière. Ils font partie des meilleures défenses d’Europe. Aucune équipe du haut tableau de Ligue 1 n’a gagné à Monaco cette saison. C’est dire la difficulté de la tâche qui attend les Gunners. C’est une équipe extrêmement réaliste, qui arrive à se projeter rapidement en attaque. Ils ont des garçons qui sont dans la percussion, qui amènent une maîtrise technique. Ce n’est pas qu’une équipe défensive. Je suis d’accord quand beaucoup de gens critiquent le jeu de l’AS Monaco. Mais le football, c’est aussi ne pas prendre de but. Et dans ce domaine-là, on peut aussi pointer les qualités de Monaco. 

Pensez-vous que les critiques sont trop sévères avec l’ASM ?

Oui, surtout quand on considère qu’ils ont perdu Falcao, James Rodriguez et Rivière. C’est comme si on enlevait les trois meilleurs défenseurs du PSG et qu’on les critiquait parce qu’ils prenaient trop de buts. Il faut aussi louer l’état d’esprit de ce groupe qui a fait corps derrière son entraîneur. C’est une équipe qui passe son temps à faire déjouer son adversaire. Donc c’est compliqué de s’adapter face à Monaco.

Pensez-vous qu’Arsène Wenger dispute sa dernière saison à Arsenal ?

Non, je ne pense pas. L’avenir d’Arsène est vraiment lié à Arsenal. Même si demain il n’est plus l’entraîneur, il sera toujours dans les instances. Il tirera toujours un peu les ficelles au niveau du club. Parce que c’est un visionnaire. Il bénéficie d’une cote extrêmement importante au niveau des actionnaires. Mais depuis plusieurs années, les supporters commencent à gronder parce qu’ils veulent des titres. Ils veulent pouvoir lutter en Premier League et en Ligue des champions. C’est vrai que c’est une déception année après année. Le choix cornélien qu’aura à faire Arsène, c’est de voir s’il faut continuer à faire plaisir aux actionnaires en se qualifiant pour la Ligue des champions ou essayer de faire le forcing pour avoir une équipe compétitive afin d’y jouer les premiers rôles. 

Comment décririez-vous Arsène Wenger, avec qui vous avez travaillé à Monaco et Arsenal durant votre carrière ?

J’ai beaucoup de respect pour Arsène. Sur l’homme qu’il est. Pour moi, ça a toujours été un visionnaire, un précurseur. Il est arrivé presque par défaut dans le monde du football parce que ça n’était pas sa vocation première. C’est quelqu’un de très pragmatique. Il ne laisse rien au hasard, il analyse tout. Mais en plus de son esprit synthétique, il a une densité humaine extrêmement importante. Il sait mieux que quiconque que pour manager une équipe, il faut savoir adapter son discours en fonction des gens. Ça veut dire s’intéresser à l’individu, à l’homme qui se cache derrière le joueur. Ça permet de tirer le meilleur d’un joueur sur le terrain.

Thierry Henry peut-il prendre sa succession ?

C’est beaucoup trop tôt pour le dire. On vit dans une société fast-food où on consomme très vite et on jette aussi rapidement ce qu’on a consommé. Pour Henry, comme pour Zizou, il faut laisser du temps. On ne devient pas entraîneur en passant ses diplômes. C’est comme quand on devient parent. On le devient en fonction de ses enfants, on s’adapte, on apprend sur soi-même. Donc passer des diplômes c’est une chose. Devenir entraîneur semaine après semaine, c’est autre chose.

la rédaction avec Luis Attaque