PSG-Inter: de "Gifi" à "génie", comment Luis Enrique a gardé le cap malgré les critiques

Il y a quinze mois, Luis Enrique était sûr de son fait: "Si tout se passe bien, la saison prochaine, on aura une équipe bien meilleure que cette année, à tous points de vue. Offensivement, défensivement, tactiquement... Je n'ai aucun doute là-dessus". Le jeu aujourd'hui pratiqué par le Paris Saint-Germain et la qualification pour la finale de la Ligue des champions contre l'Inter lui donnent raison. Mais en début de saison, le club de la capitale semblait se diriger tout droit vers une élimination dès la phase de ligue. Pour autant, l'entraîneur espagnol n'a pas bousculé ses principes.
Fin novembre, le PSG n'est que 25e après cinq journées de la phase de ligue de C1 avec quatre petits points. La seule victoire est celle de l'entrée en lice contre Gérone, avec un but contre son camp à la 90e minute. La suite: défaite 0-2 contre Arsenal, nul 1-1 contre le PSV, défaite 1-2 contre l'Atlético. Au même moment, Liverpool fait la course en tête avec déjà 15 points. L'Inter est deuxième avec 13 points.
"Le jour où j’échouerai dans le football, ce sera avec mes idées"
Le problème n'est pas seulement comptable. Malgré une possession de balle monstre, symbole du football maîtrisé prôné par Luis Enrique, le contenu est bien souvent soporifique avec en prime une difficulté à se créer des occasions nettes et une incroyable incapacité à les finir. Sur les cinq premiers matchs européens, aucun attaquant ne trouve le chemin des filets. Sans compter le contre-son-camp de Paulo Gazzaniga, les buteurs s'appellent Achraf Hakimi et Warren Zaïre-Emery. En championnat, les 10 buts sur les 11 premières journées de Bradley Barcola sont l'arbre qui cache la fôret.
Forcément, les critiques pleuvent. Daniel Riolo, dans l'After Foot sur RMC, se montre d'ailleurs très sévère, le surnommant "Gifi", en référence au slogan de la marque de distribution qui promet "des idées de génie". "Il n'y a rien! Il n'y a rien! Donc qu'on me dise ce que gars-là a apporté depuis qu'il est au club à part cette touche un peu de folie, d'invention, de conférences de presse délirantes".
Si Luis Enrique reconnaît un "blocage dans la finition" pour l'ensemble de l'équipe, pas question pour lui de céder aux sirènes qui réclament plus de temps de jeu pour le joker Gonçalo Ramos. À l'époque, Marco Asensio et Kang-In Lee se partagent le rôle de faux numéro neuf. Sans convaincre. Mais à défaut de disposer d'un profil de la trempe d'Erling Haaland, le technicien espagnol fait bien savoir qu'il n'envisage absolument pas son onze avec un pur avant-centre. Même en pleine période de frustration.
"Le jour où j’échouerai dans le football, ce sera avec mes idées, pas avec celles d’un journaliste, d’un autre entraîneur ou d’une autre personne", rappelle-t-il début novembre.
Ce qui est aussi valable pour sa façon de penser le football, qui rappelle plus le début des années 2010 que le style des derniers vainqueurs de la Ligue des champions.
La réunion post-Nantes, point de bascule?
Sauf que la situation devient particulièrement inquiétante après le nul 1-1 concédé contre le FC Nantes le 30 novembre. Même Luis Enrique s'alarme quelque peu. "C'est inexplicable. Je me dis que ça va changer, c'est sûr, c'est impossible qu'une série si négative puisse continuer. (...) C'est frustrant pour les joueurs, pour moi, pour tout le monde. Mais nous avons un chemin: insister, insister, insister, insister, insister... Jusqu'au bout. On me demande toujours pour le faux 9, le faux 9... Maintenant il y a un 9, et donc? S'il y a un 9 pendant quatre matchs et qu'on ne marque pas, qu'est-ce qu'il faudra faire? La solution n'est pas un joueur, dans cette équipe. C'est un sport collectif".
Un tournant dans la saison est pourtant en train de se jouer. Dans la semaine qui suit, RMC Sport fait écho de crispations en interne. Certains joueurs sont remontés, ne comprennent pas les choix par rapport à ce qui est travaillé à l'entraînement, trouvent des décisions injustes.
"C'est triste parce que c'est faux", dira Luis Enrique.
Mais trois jours après, RMC Sport apprend qu'une réunion dans le vestiaire a permis de désamorcer les tensions. Et qu'elle a surtout débouché sur une promesse de l'entraîneur de desserrer la vis. D'aucuns y voient une petite révolution dans le football parisien. Notamment parce que Gonçalo Ramos est titularisé lors des deux matchs suivants. Ou parce que Nuno Mendes apparaît un peu plus haut sur le terrain et moins cantonné à un rôle de troisième défenseur central.
Mais la réalité est que cette mise au point n'a pas empêché Luis Enrique de maintenir ses fondamentaux. Au contraire. Le repositionnement d'Ousmane Dembélé dans l'axe à partir de la mi-décembre et de la victoire 3-1 contre l'Olympique Lyonnais en est la démonstration. Un coup tactique payant avec celui qu'il n'avait pas hésité à écarter pour le rendez-vous d'octobre face à Arsenal. Et qui renvoie Gonçalo Ramos sur le banc, en plus d'entériner le départ de Randal Kolo Muani.
"Je ne sais plus à quel moment exactement, mais j'ai fait une causerie avec mes joueurs, quand les résultats en Ligue des champions étaient catastrophiques et que c'était injuste, se souviendra Luis Enrique après les demi-finales. On a fait une réunion avec les joueurs et le staff pour dire que nous étions une des meilleures équipes d'Europe. L'efficacité n'était pas là mais j'ai dit 'tranquille, on va continuer'". Et c'est donc bien avec sa vision du football, et notamment la troisième possession moyenne de la saison en Ligue des champions, que le PSG est à 90 minutes d'un premier sacre.