Pourquoi ce mercato sera celui de tous les records

Ousmane Dembélé - AFP
Après les 2,15 milliards d’euros dépensés en 2014, les 3,09 claqués en 2015 et les 3,285 de 2016, le "Big Five" du football européen. Angleterre, Italie, Allemagne, Espagne, France, dans l’ordre des sommes engagées l’été dernier. Va-t-il encore faire tomber un record du genre sur le marché estival?
S’il est difficile de lire dans le marc de chéquier du marché des transferts, qui s’ouvre ce vendredi en France et prendra fin le 31 août au soir, on peut a priori répondre par la positive. Avec des droits télé en augmentation partout en Europe ces dernières années, et des recettes de marketing de mieux en mieux maîtrisées par les grosses écuries, la tendance à la hausse du marché des transferts ne devrait pas s’arrêter.
Symbole ultime de cette situation et de ce mercato de tous les records: Kylian Mbappé, la pépite monégasque, quasi inconnu il y a un an mais qui devrait battre le record du joueur le plus cher de l’histoire s’il venait à quitter l’ASM. Il avait fallu huit ans, de 2001 à 2009, pour voir Cristiano Ronaldo battre celui de Zinédine Zidane. Puis quatre ans de plus, de 2009 à 2013, pour que Gareth Bale dépasse son coéquipier madrilène dans cette hiérarchie. Et encore trois pour que Manchester United chipe la place au Real avec l’arrivée de Pogba. En cas de départ de Mbappé, il n’aura fallu qu’une année au jeune international tricolore pour dépasser son coéquipier en sélection. Ce ne sera d’ailleurs peut-être pas tout. A en croire le quotidien portugais A Bola, c’est en effet une offre de 180 millions d’euros qui se préparerait pour Cristiano Ronaldo, en provenance d’un club encore inconnu (United? Chine? PSG?). Si on doute que CR7 quitte son cocon du Real, où il vient de remporter trois Ligue des champions en cinq ans, le fait que cette rumeur ne soit pas balayée par le bon sens prouve une nouvelle fois combien la tendance globale va à l’emballement du marché.
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Mais alors, qui va enflammer ce mercato qui s’annonce fou? A tout seigneur tout honneur, il faut d’abord citer l’Angleterre. Championnat le plus dépensier depuis plus de dix ans, la Premier League n’en a pas fini avec sa folie des grandeurs. Entré en vigueur la saison dernière, le nouveau contrat XXL des droits télé domestiques fait couler l’argent à flot sur la PL. Dernier du classement et relégué en Championship, Sunderland a ainsi touché une prime – droits télé fixes, place finale et exposition télé – de 106 millions d'euros, soit autant que… le champion Leicester la saison précédente. Pour Chelsea, sacré avec Antonio Conte aux commandes, c’est 172 millions. Bref, il y a de quoi se faire plaisir, l’obligation de dépenser autant que l’on gagne du fairplay financier de l’UEFA ne changeant pas grand-chose quand on bénéficie d’une telle manne.
Après 1,17 milliard d’euros dépensés à l’été 2015 et 1,38 l’an dernier, la Premier League devrait faire encore plus fort. Un transfert a déjà symbolisé cette « folie » ces derniers jours : Asmir Begovic, simple doublure de Thibaut Courtois dans les buts de Chelsea, qui quitte les Blues pour Bournemouth contre 11,5 millions d'euros. Mais c’est surtout chez les « gros » que cela va encore se passer. Comme en 2015 (204,5 millions d’euros) et 2016 (213 millions), Manchester City s’annonce comme le club le plus dépensier outre-Manche. Cela a déjà commencé avec Bernardo Silva (Monaco) et Ederson (Benfica), les deux premières recrues pour 88 millions et la volonté de Pep Guardiola de remodeler son équipe à son image pour éviter une deuxième saison sans titre ne va pas calmer les ardeurs des Citizens avec une enveloppe supplémentaire de 230 millions évoquée par la presse anglaise et des cibles à toutes les lignes.
Il y a peu à se déplacer pour trouver l’autre acteur principal de la frénésie : l’autre Manchester, United, où José Mourinho compte bien se renforcer pour tenter de retrouver le titre et jouer les premiers rôles en Ligue des champions. Les Red Devils avaient dépensé 182 millions d'euros puis 185 millions lors des deux derniers étés, ce qui permettait aux deux Manchester de représenter respectivement 30 et 33% des dépenses de la PL sur ces deux mercatos, et ne sont pas partis pour faire moins. On n’oublie pas Liverpool, où Jürgen Klopp a conscience que garder de l’ambition en championnat comme en Europe passera par sortir des sous. Sa volonté (abandonnée depuis vu la réaction de Southampton) d’attirer Virgil van Dijk, le défenseur central des Saints, contre un chèque de près de 70 millions, ce qui aurait fait du Néerlandais le défenseur le plus cher de l’histoire du football (ce qu’il pourrait toujours devenir à Man City ou Chelsea, deux autres clubs intéressés), prouve que le technicien allemand ne comptera pas à la dépense s’il en ressent la nécessité.
Les petits se défendent
Mais les déclarations de Southampton, qui a confirmé n’avoir pas besoin de vendre son joueur et sa volonté de le garder, montrent également combien la nouvelle richesse des "petits" clubs anglais leur permet de mieux répondre aux assauts des "grands". Pas du genre à se reposer sur ses lauriers, Antonio Conte devrait également chercher à recruter du lourd (on parle de Romelu Lukaka, Alvaro Morata, mais aussi de Marco Verratti, entre autres) pour aborder au mieux la défense de son titre et le rythme plus soutenu dû à la participation en C1. Seul Tottenham, où Mauricio Pochettino a su créer un collectif au top, ne paraît pas afficher l’envie de dépenser à tout-va. Mais pourra effectuer les retouches nécessaires, même si elles coûtent, pour franchir le dernier palier menant au titre.
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Avec Harry Kane, Dele Alli ou Christian Eriksen, les Spurs auront surtout besoin de garder leur colonne vertébrale intacte et d’offrir à leurs stars les arguments pour les retenir. Au-delà du top 6 de la Premier League, c’est toute l’Angleterre qui va encore montrer les muscles. Les équipes du ventre mou de la PL ou ses promus affichent des moyens comme seul le PSG peut espérer en présenter en France. Même le Championship, l’antichambre de l’élite outre-Manche, est capable de ridiculiser notre Ligue 1 sur ce plan : la D2 anglaise a quintuplé ses dépenses estivales entre 2013 et 2016, de 41 millions d'euros à 243 millions, et devrait encore claquer plus cet été. De quoi sans doute confirmer sa cinquième place du genre dans les championnats européens, derrière la Premier League, la Serie A, la Bundesliga et la Liga mais devant… notre L1 (192 millions d'euros).
En France, on se défend
Après une baisse énorme entre 2015 et 2016 (de 403 millions à 192 millions), les clubs de l’élite vont sans doute plus se lâcher cet été entre un PSG qui a besoin de sang neuf pour retrouver le sommet du championnat, un OM qui continue d’installer son nouveau projet, un Lyon qui pourrait faire quelques efforts pour éviter de vivre une deuxième saison de suite sans qualification en Ligue des champions et un Monaco qui va perdre des joueurs et va donc devoir refaire quelques coups, à l’image de celui déjà réalisé avec la pépite belge Youri Tielemans. Et qui pourrait avoir beaucoup, beaucoup d’argent disponible en cas de vente hyper lucrative de Mbappé. Le reste de l’Europe? Rien de très étonnant à prévoir.
L’Italie, dauphine de la Premier League depuis deux ans, pourrait garder son statut si la Juventus Turin continue de se montrer aussi dépensière (109,5 millions et 162 millions ces deux derniers été). La troisième place, que la Bundesliga avait récupéré l’an dernier alors qu’elle était sixième trois ans auparavant, se jouera encore entre les clubs allemands – le montant des investissements du Bayern Munich et du Borussia Dortmund sera essentiel, le dernier ayant par exemple lâché 109 millions l’été dernier – et les équipes espagnoles.
Grosses dépenses en Espagne?
A priori, on pencherait sur un avantage côté Liga. Si l’interdiction de recrutement de l’Atlético de Madrid va empêcher les Colchoneros de se lâcher, et leur permettre de garder un certain Antoine Griezmann, la volonté du Barça d’oublier sa saison sans en Liga et C1 va sans doute booster les choses.
Sans oublier le Real Madrid, interdit de recrutement l’hiver dernier et qui n’avait dépensé que 30 millions à l’été 2016, et dont la politique de stars et le besoin de se renouveler après deux titres européens afin de se maintenir au top devraient entraîner quelques belles dépenses. Comment, enfin, évoquer ce mercato fou sans citer la Chine ? Nouvel eldorado financier du football ces dernières années, la Chinese Super League va connaître un marché des transferts limité dans le temps – 19 juin-14 juillet – mais qui devrait encore se révéler actif, à l’image du recrutement déjà acté de l’attaquant colombien Adrian Ramos au Chingqing Dangdai Lifan en provenance du Borussia Dortmund (il était prêté à Grenade cette saison) contre 12 millions.
Avec tout de même une nuance : limitation du nombre de joueurs étrangers et volonté de développer les talents locaux obligent, les folies financières chinoises seront sans doute moins nombreuses mais plus ciblées. En gros, les clubs de la Chinese Super League recruteront moins en Europe mais seront encore capables de lâcher un énorme chèque pour attirer un profil très précis. On pense par exemple à Diego Costa, qui souhaite rester en Europe mais qui sait si une proposition de contrat à hauteur de plus de 40 millions de salaire annuel (ce qui en ferait le footballeur le mieux payé de la planète) restera dans les cartons du Tianjin Quanjian?