PSG-OM: la folle histoire de la bâche volée réapparue au Parc des Princes, 21 ans après

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Les ultras parisiens se sont fait plaisir dimanche au Parc des Princes. Pendant que leur équipe mettait l'OM au supplice sur le terrain (4-0), ils ont été particulièrement actifs en tribunes. Avec d'abord un grand tifo représentant un dragon à l'écharpe rouge et bleue et sept boules de cristal posées sur le stade, en référence au manga Dragon Ball. Sur chacune d'entre elles, la date d'un titre de champion. Sauf celui de 2019 puisque cette fresque avait été préparée l'an passé et que le clin d’œil ne marchait plus avec huit boules de cristal.
Durant toute la rencontre, pliée en une mi-temps après les doublés de Mauro Icardi et Kylian Mbappé, les habitués du Virage Auteuil ont ensuite déployé de nombreuses banderoles. Toutes adressées à leur rivaux marseillais, qu'ils surnomment "les rats". Mais l'une d'entre elles a particulièrement retenu l'attention. Et pour cause, il s'agit d'une bâche du Commando Ultra 84, l'un des principaux groupes de supporters de l'OM. Déployée à l'envers en bas du virage, elle est apparue quelques minutes derrière les buts de Keylor Navas. Avant d'être rangée. De quoi intriguer de nombreuses personnes.
Le vol d'une bâche, un affront terrible
Dans le milieu ultra, la bannière d'un groupe ennemi représente un véritable trophée de guerre. Le fait de s'en emparer et de l'afficher publiquement constitue un affront terrible pour l'association lésée. Encore plus lorsqu'il s'agit du plus grand rival. Mais alors comment cette bâche du CU84 (le plus vieux groupe ultra de France) s'est-elle retrouvée à Auteuil ce week-end? Pour le comprendre, il faut faire un bond de vingt-et-un ans en arrière...
Été 1998. L'OM s'apprête à disputer un match amical d'avant-saison face à Montpellier. La rencontre est programmée à Avignon, dans le Vaucluse, à une centaine de kilomètres de Marseille. La plupart des groupes ultras ont fait le court déplacement pour encourager les joueurs de Rolland Courbis. Mais à cette période de l'année, il y a aussi des Parisiens dans la région. Et notamment des membres des Tigris Mystic 93, l'une des principales associations d'Auteuil (qui annoncera sa dissolution en 2006).
Le coffre d'une voiture forcé
Au moins deux d'entre eux viennent rôder dans le secteur. Ils parviennent à repérer une voiture appartenant à l'un des leaders du Commando Ultra 84. Et pas n'importe laquelle puisque du matériel de l'association phocéenne se trouve à l'intérieur. Les Tigris attendent que le véhicule soit laissé sans surveillance pour forcer le coffre. Ils s'emparent de la fameuse bâche CU84. Avant de rentrer dans la capitale avec leur butin.
Selon le livre de Daniel Riolo et Jean-François Peres sur la rivalité PSG-OM, l'incident crée à l'époque des tensions entre journalistes de La Provence et du Parisien, les premiers reprochant aux seconds de donner un écho à ce qu'ils considèrent être "un appel à la haine". Des membres des deux rédactions en viennent presque aux mains à ce sujet.
Quelques semaines plus tard, le 22 août 1998, la bâche volée ressort au stade de la Meineau lors de Strasbourg-PSG (0-1). Les ultras de la capitale l'affichent dans leur parcage visiteurs durant ce match de championnat en Alsace. Histoire de provoquer à distance leurs homologues marseillais.
Dans la foulée, le 4 septembre 1998, ils accrochent la bannière du CU84 au deuxième étage de la Tour Eiffel, qui a lancé son grand décompte avant l'an 2000. La photo fait le tour du monde ultra.
Les représailles au Parc des Princes
De quoi agacer les Marseillais. Au printemps suivant, le 4 mai 1999, c'est donc avec un sérieux contentieux à régler qu'ils débarquent au Parc des Princes. Dans l'antre de leurs rivaux. A l'époque, la tribune visiteurs est collée à la gauche du Virage Auteuil (elle a depuis été déplacée de l'autre côté du stade). Autant dire que l'ambiance est particulièrement tendue entre les supporters des deux camps. Sur le terrain, Paris s'impose dans les dernières minutes grâce à Marco Simone et Bruno Rodriguez (2-1). Et joue un très mauvais tour à l'OM, qui est à la lutte pour le titre avec Bordeaux.
En marge de cette rencontre, des dizaines de supporters phocéens, appartenant à différents groupes, enjambent la fosse qui les sépare du terrain et pénètrent sur la pelouse devant Auteuil. Plusieurs d'entre eux tentent d'arracher les bâches qui se trouvent au pied du virage parisien. Une action menée en représailles du vol d'Avignon. Des stadiers parviennent difficilement à les contenir tandis que certains ultras du PSG descendent pour défendre leur territoire. Des coups sont échangés près des panneaux publicitaires. Sous les insultes nourries des fans des deux équipes restés dans les gradins. Le chaos dure de longues minutes, durant lesquelles un morceau de bannière appartenant à une section des TM93 est arraché.
Vingt ans de flou autour de la bâche
Après ce contact direct et viril, l'histoire de la bâche dérobée au CU84 se tasse peu à peu. Elle ne réapparaît d'ailleurs plus lors des vingt années qui suivent. Une période durant laquelle il est difficile d'affirmer qui la détient vraiment. Certains expliquent que la Casual Firm du Kop de Boulogne, réputée pour son influence et sa violence, met rapidement la main dessus en faisant pression sur les Tigris. Les Kar Sud, un autre groupe casual situé à Auteuil mais proche du KOB, la récupère peut-être aussi à un moment. Sans qu'elle ne soit jamais affichée publiquement. Une chose est sûre, certains membres du Collectif Ultras Paris (créé en 2016) finissent par reprendre assez récemment la précieuse bannière à la tête de mort.
Avant de la ressortir, 21 ans après son vol, lors du dernier PSG-OM. Comme une piqûre de rappel. Une manière de faire reparler de cette histoire méconnue des plus jeunes. Et d'énerver du même coup leurs homologues marseillais, qui étaient interdits de déplacement ce week-end à Paris. Dans le milieu des supporters, il se murmurait que la bâche du CU84 referait son apparition un de ces jours, puisqu'elle n'avait pas été brûlée, comme c'est parfois le cas. Un murmure devenu concret, qui est parvenu aux oreilles du Commando Ultra 84.
La fuite qui agace le CUP
Alerté par l'intention des ultras parisiens, le groupe marseillais a anticipé la provocation en déployant un message devant le Vélodrome, dimanche, quelques heures avant le match: "Beaucoup trop de mains depuis Avignon, pour vous inventer une histoire sans aucun mérite. Dans la maison (écrit en rouge, la couleur de Paris, ndlr)... y'a des rats".
Un message moqueur qui sous-entend que le Collectif Ultras Paris n'a rien à voir avec le vol de la bâche qu'il a ressortie. Et qui accrédite la thèse selon laquelle plusieurs groupes parisiens l'ont eue entre leurs mains depuis 1998. La fuite a d'ailleurs agacé les responsables du CUP, qui enquêtent en interne afin de savoir comment l'info a pu parvenir jusqu'à Marseille. En attendant, le fameux étendard reste précieusement conservé dans la capitale. Jusqu'au prochain épisode.