Hand: Le spleen post-olympique des handballeuses françaises

On les a quittés en larmes sur le parquet du Yoyogi Stadium à Tokyo, ivres de bonheur après avoir décroché l’or olympique. Le premier titre du hand féminin français. La consécration pour une génération qui a tout gagné depuis le mondial en 2017. Malgré cette performance XXL et la médiatisation qui en découle, les Bleues n’ont toujours pas digéré cet exploit. Usées par une reprise en club seulement 9 jours après la finale olympique, éreintées par un calendrier qui ne laisse pas la place à un repos qui aurait dû être mérité. "Ça a été très dur psychologiquement d’enchainer en si peu de temps, souffle Alisson Pineau plus de 260 sélections en équipe de France. On n’a pas eu le temps d’évacuer, de s’oxygéner, de recharger les batteries pour repartir à bloc. On n’a pas eu ce temps-là." Une fatigue physique présente et mentale qui préoccupe particulièrement le staff français. "Il y a toujours un spleen post-olympique, analyse le sélectionneur Olivier Krumbholz. On ne sait pas pourquoi. C’est un mélange de vide, de décompression, de fatigue. Le staff a eu la chance de récupérer pas les joueuses."
Krumbholz: "Les filles sont dans le dur"
"Elles sont vraiment dans le dur. J’ai peur qu’elle soit dans le dur jusqu’à l’été prochain où il va falloir qu’elles prennent de belles vacances. J’ai peur de la fatigue. Elles ont été extrêmement sollicitées depuis le titre olympique par leurs clubs, les partenaires. Elles sont dans un programme démentiel mais je sais qu’elles ont envie, qu’elles vont se battre. On devrait pouvoir bien s’exprimer." Une charge de travail intense depuis la saison dernière qui a eu du mal à être digérée par les joueuses les plus expérimentées. "Dans le hand on n’a pas le temps d’encaisser, explique la pivot Béatrice Edwige. On est dans des "fast-compétitions". Tu enchaines, tu enchaines… On a disputé l’Euro 2020 en décembre, les JO à l’été 2021 et maintenant le mondial. Trois compétitions en un an plus les matchs en club, c’est notre frustration dans le hand mais on l’accepte."
Difficile de retrouver le quotidien du club quand on a vécu une aventure comme celle des Jeux, marquée par un isolement du groupe pendant près de 40 jours à vivre ensemble, dans une bulle sanitaire. "Ça donne beaucoup d’énergie de revoir les copines, confie la gardienne Cléopâtre Darleux. Personne ne sait ce qu’on a vraiment vécu à part les joueuses qui sont là. C’est le début d’une nouvelle ère. On attaque ça avec de la fatigue, de nouvelles joueuses et plein d’enthousiasme. On a envie de surfer sur les Jeux, c’est important qu’on parle de nous, du hand féminin et qu’on soit exposées sur le devant de la scène le plus longtemps possible."
Foppa: "Le hand féminin commence à marquer les esprits"
Il a également fallu apprendre à gérer les sollicitations médiatiques et extra sportives beaucoup plus importantes depuis août dernier. "Mais je trouvais ça cool quand on me reconnaissait dans la rue, plaisante Pauletta Foppa 20 ans et meilleure buteuse de la France au Japon. Quand on prenait le métro, on voyait notre affiche avec nos têtes et je trouvais ça cool. Je me dis que le hand féminin commence à marquer les esprits. Je trouve ça gratifiant." En Espagne le staff technique va devoir redoubler de vigilance dans la gestion de ses joueuses même si l’appétit de la France reste intact. "On a toujours envie de gagner, lâche Pineau. Plus on gagne, plus on en veut." Après Tokyo la France mise sur la continuité malgré les départs des cadres Amandine Leynaud, Siraba Dembélé-Pavlovic et Alexandra Lacrabère qui ont pris leur retraite internationale. "On est aujourd’hui l’équipe qui a le plus gagné sur les dernières années, poursuit le sélectionneur. Ce n’est pas un hasard. Si on est à notre niveau, bien dans la tête, relâchés et agressifs, on devrait pouvoir faire un excellent mondial." A Granollers, le menu s’annonce copieux. La France est dans la même partie de tableau que tous les cadors du hand mondial avec la perspective de retrouver la Norvège en quarts de finale. Il faudra réaliser un nouvel exploit malgré la fatigue pour se parer d’or.