Aux championnats du monde de breakdance, les danseurs français veulent faire fructifier leur préparation minutieuse

Dans le bâtiment A de l’INSEP (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance), la salle de danse, depuis près d’un an, est utilisée par les bboys et les bgirls, noms donnés aux danseurs de breakdance. Sur le parquet, face à de grands miroirs, ils améliorent ou testent des mouvements dans des conditions idéales. "Deux heures de préparation physique le matin, deux heures d’entrainement breaking l’après-midi…" Gaëtan Alin, alias bboy Lagaet, dévoile son planning. "J’ai toujours une semaine par mois avec le crew (son groupe de danseur, ndlr). Et dans tout ça viennent se caler la préparation mentale, la récupération…" Autant d’outils dont ne disposaient pas les danseurs avant d’intégrer l’INSEP il y a un an. Ils sont cinq actuellement (Bgirls Carlota et Sarah Bee, Bboy Lagaet, Khalil et Dany Dann) à s’y entraîner fréquemment. "On a beaucoup de choses à disposition. Les kinés, le pôle médical, les préparateurs mentaux, la balnéothérapie, la salle de danse." Généralement, la préparation physique est à la carte et les séances de breakdance peuvent être communes. Ces danseurs urbains sont considérés comme des sportifs de haut niveau depuis que le breakdance a été annoncé comme nouveau sport pour Paris 2024.
"On pousse la performance au maximum"
Cette saison, les bboys et les bgirls ont entamé un parcours de qualification entre championnats nationaux, continentaux ou épreuves pour marquer des points au classement mondial. "J’ai progressé dans l’organisation de mon entrainement, au niveau de la nutrition… Depuis une dizaine d’année j’ai toujours fait attention à ce que je mange, je fais des entrainements, mais ici c’est différent, développe bboy Lagaet. On est vraiment accompagnés par des pros. Il n’y a pas de marge d’erreur, on pousse la performance au maximum."
Il a fait le choix d’être interne à l’INSEP pour préparer ces Mondiaux. Et croise des athlètes d’autres disciplines. "Je ne fais qu’apprendre depuis que je suis ici. On se rencontre souvent au self, la balnéothérapie, la salle de sport… Ce sont de très bons moments pour échanger, parler de nos expériences, j’apprends beaucoup de ceux qui sont déjà allés aux Jeux. Sur les préparations, comment ils sont accompagnés par leurs partenaires. Ça fait grandir. C’est bénéfique pour moi." Bboy Lagaet, qui a obtenu la seconde place lors de la dernière épreuve comptant pour le classement en vue des JO, à Porto, vise un podium à Louvain. Il est déjà assuré de participer au Tournoi de qualification olympique au printemps prochain.
Un quota olympique à aller chercher pour les bgirls
Parmi les athlètes en route pour Paris 2024, tous ne sont pas aussi souvent à l’INSEP. "Ça a apporté la dimension médicale, de récupération, ce sont des choses qu’on n’avait pas, avoir un lieu dédié à Paris, explique Yann-Salim Abidi, l’un des trois entraineurs des Bleus. Mais on a quand même des structures de break développées dans nos régions. L’INSEP apporte cette dimension du haut niveau, du prestige."
Bgirl Syssy, médaille de bronze européenne et très prometteuse, a par exemple fait le choix de passer plus de temps chez elle, à Saint-Etienne. Elle évolue avec son crew Melting Force, tout en ayant un accompagnement fédéral chapeauté par un coordinateur, Abdel Mustapha. "Avant on n’avait pas de kinés quand on voulait. Quand on se blessait, il fallait attendre longtemps avant de faire une IRM, détaille-t-elle. Là il y a beaucoup plus de suivi. J’ai des entraineurs qui viennent régulièrement. Ça change beaucoup. On gardera toujours l’âme et la culture du break. C’est le partage la transmission… Même si ça devient un sport plus professionnel, à côté, il y aura toujours l’ambiance : l’âme break, partage, culture." La discipline s’est modernisée, mais s’était déjà professionnalisée ces dernières années, grâce aux sponsors ou au statut d’intermittent du spectacle. Les JO ont fait rentrer le breakdance dans le giron fédéral. Et les Bleus se présentent aux Mondiaux avec ambition. "On veut des médailles, annonce Yann-Salim Abidi. Chez les filles, aller chercher une place de qualification directe avec l’or, ou le Top 6 pour aller au Tournoi de qualification olympique." Chez les garçons, il faudra de toute façon passer par ce TQO pour voir Paris 2024. Car la place directe pour la qualification aux Jeux, en cas de victoire en Belgique, n’est plus possible puisqu’un tricolore l’a déjà prise : bboy Dany Dann, après avoir gagné les Jeux européens, a validé son ticket. Il a fait l’impasse sur les Mondiaux, mais visera l’or à Paris 2024.