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Jeux paralympiques 2022: Marie Bochet "pleine de gratitude" après sa dernière course aux Jeux

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L’octuple championne paralympique française Marie Bochet a annoncé que les Jeux de Pékin étaient ses derniers. Elle en ramène une médaille d’argent, des souvenirs et un peu de frustration.

Marie Bochet aura donc terminé ce qu’elle a annoncé comme ses derniers Jeux paralympiques par une chute. Déçue, elle rentre en France avec une seule médaille, en argent sur le Super-G. Mais la tricolore de 28 ans retiendra surtout l’ensemble de ses breloques, les émotions vécues et sa résilience, elle qui avait songé à s’arrêter après Pyeongchang 2018. Avec neuf médailles paralympiques dont huit titres, vingt-deux sacres mondiaux et neuf gros globes du classement général de la Coupe du monde, la para-skieuse est l’une des plus grandes figures du handisport, mais aussi du sport français en général. Et sa carrière n’est pas (encore) terminée…

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Marie Bochet, comment expliquez-vous cette chute sur votre dernière course ?

J’y suis allé avec tout mon cœur et mes tripes sur cette manche, j’avais envie que ça passe, comme à l’entraînement, juste pour me dire que le ski était là et que j’étais capable de le faire. Le slalom est ingrat comme discipline. C’est juste un enchaînement un peu violent à vivre.

Vous aviez abandonné sur la descente, puis terminé 2e du Super-G, 5e du Super combiné, 4e du Géant… Ces Jeux furent des montagnes russes ?

Oui c’est le looping… Je suis un peu soulagée que ce soit terminé, parce que c’était tellement dense ces Jeux. Encore une fois, je suis vraiment pleine de gratitude d’avoir vécu tout ça. Là, c’est un peu compliqué dans ma tête mais tout à l’heure je me disais que peu importe ce qu’il s’est passé sur ces Jeux, ça n’enlève rien à cette saison qui a été incroyable. J’ai tellement donné pour retrouver les victoires cette année… Je crois que j’ai tout donné, peut-être que ça devait lâcher. C’est peut-être aussi le moment où je passe le flambeau, il y a de belles skieuses qui ont fait de très belles choses ici. [...] Les Jeux sont ces moments forts qui nous permettent de vivre des émotions puissance 1000, mais ça ne résume pas la carrière d’un athlète et il faut aussi que je m’accroche à ça. J’ai pris des petits coups sur la tête et y être retournée, je me dis qu’il y a une question de caractère et je vais bâtir là-dessus.

Visiez-vous une dixième médaille paralympique ?

A partir du moment où j’ai perdu la médaille en descente, il n’y avait plus d’objectif. C’était course après course, essayer de construire. La vitesse il y avait encore ce potentiel mais quand j’ai débarqué en technique j’ai vu que j’étais à des années lumières de ce que je savais faire. Je me suis dit ‘tu ne peux pas baisser les bras là’, il faut se battre, c’est un peu la leçon de ces Jeux. C’est frustrant, je sais que j’en était capable il n’y en a pas si longtemps.

Votre dernière course paralympique, était-ce dans votre tête ?

Je n’y ai pas trop pensé aujourd’hui, car je n’ai pas pris de décision sur la suite non plus, je savais que les Jeux c’était terminé mais au final, je crois que ces Jeux m’ont aussi montré que c’était vraiment fini, que j’étais allée au bout des choses. Et de vivre tout ça, c’est en train de me montrer que je suis vraiment allée au bout de ce que je pouvais faire, et il y a de la relève derrière donc je ne m’inquiète pas. Je ne dis pas que je ne serai pas là l’année prochaine sur le circuit de Coupe du Monde, parce que je ne sais pas si j’ai déjà fait mon deuil de la compétition. Je crois que j’ai besoin de me poser, réfléchir à ça calmement. A chaud, je vous dirais que je ne suis plus faite pour ça et que ces sensations sont un peu trop violentes pour moi, donc je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Mais en tout cas, les Jeux c’est fini je pense.

Vous ne reviendrez pas sur votre décision ?

C’était déjà quasi-sûr avant que j’arrive ici, et là j’ai déjà eu cette sensation de me dire ‘je crois que je suis allée au bout de mon aventure paralympique’. Quand je me remémore Sotchi (2014), la Corée (2018), c’était incroyable et je pense que même ici, c’est incroyable. Bon, j’ai l’impression d’avoir pleuré sur toutes les interviews. Je suis allée au bout des choses, de cette vie. En fait, j’ai envie de vivre les Jeux, je me projette à Milan-Cortina (Jeux d’Hiver 2026), Paris (Jeux d’été 2024), même plus loin mais je crois que je ne serai plus dans les portillons. On ne se rend pas compte de ce que les athlètes mettent en place, je me suis battue pour retrouver les sommets de ma catégorie, j’ai l’impression que ça fait deux mois qu’on est là avec le Covid… C’est très dense.

Comment voulez-vous "vivre" ces futurs Jeux ?

Ma famille m’a dit ‘c’est terrible car tu ne partages jamais ces moments-là avec nous’ et ils m’ont dit qu’on irait à Milan et on vivra ça ensemble, donc c’est une piste. Je suis une amoureuse du sport, de ces émotions. J’ai vibré pendant les JO, pendant les courses de mes collègues. Donc être spectatrice sera déjà une bonne chose et après, j’espère avoir des choses à transmettre. Je vais prendre des vacances, me poser, mais j’ai appris pas mal de choses cette année dans les fonctionnements, l’approche du haut niveau et de la performance. Et que j’aimerais peut-être présenter aussi et accompagner des personnes dans cette quête là.

Quand vous vous retournez sur votre carrière, que retenez-vous ?

Je me revois à Vancouver (2010, ses premiers Jeux), comme une petite enfant qui découvrait tout ça et déjà ces frustrations des 4è places. Sotchi (2014), chaque jour, c’était la surprise de la médaille, je ne me sentais pas capable de faire ça. En Corée (2018), il y a eu cette force de caractère de répondre présente, d’être là. Sotchi était incroyable mais il y avait peut-être un peu plus d’insouciance. Et ici je crois que j’avais juste envie de prendre une énorme vague de tout ce que le sport fait vivre. J’avais vraiment envie de vibrer. C’est toujours plus agréable de vibrer sur des podiums mais en même temps c’est une sorte de check-up d’émotions que je ne regrette pas. Et je crois que c’est dans les défaites qu’on partage le plus de choses avec son équipe. J’ai ressenti des choses chez mes coachs que je ne pensais pas possibles. Je ne pensais pas pouvoir faire pleurer mes entraîneurs. On a pleuré ensemble. Les gars qui sont là dans les aires d’arrivée, pour qui je suis un peu une grande sœur aussi. J’ai reçu beaucoup de témoignages d’amour et de respect. C’est incroyable de ne pas être juste une skieuse et une championne qui gagne des médailles.

Propos recueillis par Valentin Jamin