
JO 2021 (natation): l'or de Londres, l'argent de Rio, Manaudou raconte ses souvenirs olympiques
Londres 2012: "Putain, ils ont gagné les Jeux…"
"Londres, c’est d’abord le 4x100, un moment incroyable. C’était le début de la compétition. Et on a tellement galéré pour gagner… On était tout le temps les meilleurs mais pendant des années, ça ne passait pas. Enfin, l’année des Jeux, on gagne. On a senti d’entrée qu’il y avait quelque chose de différent. Le même jour, Camille (Muffat, sur 400 mètres nage libre, ndlr) et le relais sont champions olympiques. Dans cette équipe, on sentait qu’il y avait une dynamique incroyable… Ça débloque des choses mentalement. Je me rappelle très bien de mon 50 mètres nage libre, bien sûr, mais l’événement marquant, c’est le 4x100 avec mes potes dans le relais. Je me disais: 'Putain, ils ont gagné les Jeux… C’est possible!'"
Londres 2012: "Un moment qui est juste pour toi"
"Pendant la course, je n’ai pas des souvenirs précis. J’en ai un peu de la chambre d’appel. Je me souviens beaucoup d’après la course. Le premier qui m’a félicité, c’est Yoris Granjean. Il avait réussi à passer où c’était interdit. Romain et James (Barnier et Gibson, ses coaches, ndlr) m’avaient fait quelque chose de très bien après la course. Ils m’avaient dit: 'Tu vas récupérer, même si c’est fini. Entre la victoire et le bordel qu’il va y avoir maintenant dans ta vie, c’est un moment qui est juste pour toi.' J’avais nagé cinq-dix minutes tout seul et c’est un des meilleurs moments de ma carrière, c’était hyper personnel, hyper authentique. Vivre ça avant le podium, avant le rush, avant de lire mes messages, c’était génial. Ça, je m’en souviens très bien."
Londres 2012: "Maintenant, tu te fais plaisir"
"Quand je me qualifie à Dunkerque (aux championnats de France, ndlr), c’était compliqué, j’avais vraiment l’impression d’avoir volé la place de Fred (Bousquet, ndlr). En plus, à l’époque, c’était mon beau-frère. Je ne me sentais pas légitime. Je fais les séries un peu crispé, la demi-finale encore un peu crispé mais je nage mon meilleur temps. A partir du moment où j’étais en finale, je me suis dit que je n’avais volé la place de personne. Je suis capable de faire une finale olympique. J’avais envie de gagner, comme à chaque fois que je monte sur un plot. Romain m’avait dit : ‘Maintenant, tu te fais plaisir, la seule chose à faire c’est sourire quand tu entres, profite du moment’. Il me l’a vraiment dit, ça. On imagine plein de choses quand on est nageur ou coach ou public de ce qu’il se passe avant, mais il y a des choses hyper simples, hyper authentiques. Je voulais juste toucher premier, allumer la lumière. J’ai regardé un peu les gradins et ça s’est fait assez naturellement."
Londres 2012: "Avec Laure, un passage de témoin"
"Ma sœur, je ne l’ai pas vu tout de suite arriver. Elle m’attrape un peu par derrière. C’était intense parce que c’était un peu un passage de témoin. Elle n’avait pas trop réussi ses Jeux, c’était compliqué pour elle. On avait toujours voulu faire les Jeux ensemble. Quand je suis allé la voir en 2004, année de sn titre sur le 400 mètres nage libre, j’avais treize ans et je voulais faire les Jeux avec elle. Ça se réalise et elle me voit gagner. Elle m’a aidé pendant les Jeux, peut être inconsciemment. Elle ne m’a pas donné des conseils techniques, ce n’était pas le but. Et cette petite accolade, c’est un autre moment assez pur, sans vraiment réfléchir. C’était vraiment bien."

Rio 2016: "Il y a des problèmes toute la semaine"
"Ce relais 4x100 mètres nage libre, on avait vraiment envie de le gagner. Des occasions comme ça, il n’y en a pas beaucoup. Je ne sais pas si j’en aurai d’autres. Cette année, on aurait signé tout de suite pour faire une médaille d’argent aux Jeux avec le 4x100 mais à ce moment-là, on pouvait gagner. C’était une déception et c’est vraiment la différence avec Londres : ça ne part pas bien. Il y a ça, Camille Lacourt qui ne nage pas forcément bien, Yannick Agnel avec le 4x200… Il y a des problèmes toute la semaine, en fait. Moi, sur le 50, je suis toujours à la fin et quand ça se passe bien avant, tu te nourris de choses positives. Mais quand ça se passe mal, tu prends plutôt le négatif."
Rio 2016: "Toute cette pression, c’était compliqué"
"Sur ce 50, j’ai nagé plus vite en demi-finales donc c’est un peu de ma faute. Je n’avais peut-être pas la même envie, la même fougue qu’en 2012. En chambre d’appel, je me rappelle m’être dit que j’étais en vacances après, pas vraiment les pensées qu’il faut avoir avant une finale olympique. Mais il s’était passé tellement de chose pendant la semaine, il y a eu tellement de désillusions, de problèmes de DTN, de machins, de choses… C’était vraiment compliqué et il y avait un peu ce truc de dire : ‘Flo, ça va, s’il gagne, ce sera un peu l’arbre qui cachera la forêt’. Et toute cette pression, même si j’avais déjà beaucoup d’expérience, c’est compliqué. Ce n’est pas forcément quelque chose d’agréable. On peut gérer ce qu’il se passe pour nous, mais pas ce qu’il se passe autour. Personne ne pensait qu’Anthony (Ervin, l’Américain qui avait déjà remporté l’épreuve lors des Jeux de… Sydney en 2000, ndlr) allait être dangereux pour une finale, on pensait à plein de monde mais pas forcément à Ervin. Alors je suis content qu’il ait gagné parce que l’histoire est incroyable. Mais c’était moins bien dans l’énergie générale de l’équipe de France."
Rio 2016: "Je pensais déjà aux vacances"
"J’étais moins bien aussi, je pensais déjà aux vacances. Ce n’était pas dingue. Moi, je suis une éponge, je me nourris de ce qu’il se passe autour. Et les Jeux, on est six par chambre, j’étais le dernier à nager… C’était à moi d’être plus fort mentalement et de mettre les choses en place pour gagner. J’étais favori, j’aurais pu gagner, je perds pour un centième c’est le sport. Mais il n’y en a pas beaucoup qui ont fait deux médailles sur la même course sur deux éditions des Jeux. Je voulais gagner et c’est une petite désillusion. Mais c’est bien quand même."

Rio 2016: "Je n’ai pas relu mon journal de bord"
"Tenir un journal de bord à Rio, c’est une idée de Jacques Favre (alors DTN, ndlr). J’avais trouvé ça cool. J’écrivais tout ce que je voulais, tout ce qui me passait par la tête. C’était bien, ça me permettait un peu d’exorciser tout ça. Je me souviens que j’ai écrit deux heures après la finale du 50. C’était du factuel, pour me rappeler de ce qui s’était passé, des petites choses qu’on peut oublier mais qui sont importantes. Je ne l’ai pas ressorti, je ne l’ai pas relu et je ne sais pas où il est mais il ne doit pas très loin."