JO 2024: Estanguet, Gargaud Chanut, Gestin… Pourquoi les Français cartonnent autant en canoë monoplace slalom?

Plus de cinq secondes d’avance sur son dauphin. Nicolas Gestin a pulvérisé la concurrence pour s’offrir une superbe médaille d’or en canoë monoplace slalom, ce lundi, aux Jeux olympiques 2024. Encouragé par près de 12.000 supporters survoltés, le céiste du Finistère a plané sur la finale, comme il l’avait déjà fait en demie et en qualifications. De quoi s’offrir un sacre incontesté pour sa première participation aux Jeux.
"On a trouvé les éléments afin qu’il puisse exceller dans ce qu’il sait faire, en partageant ce moment avec le public et ses proches pour trouver ce petit supplément d’âme", confie son entraîneur Arnaud Brogniart. "Nico, c’est une machine de guerre. Si c’est trop plan plan, il est endormi au bout de vingt secondes. Il fallait trouver les ressorts pour qu’il y ait du défi, du risque et de l’engagement, pour qu’il se surpasse et tienne jusqu’en bas."
Tony Estanguet a ouvert la voie
Après les trois titres de Tony Estanguet (Sydney 2000, Athènes 2004 et Londres 2012) et celui de Denis Gargaud (Rio 2016), Nicolas Gestin embellit le bilan français dans la discipline. En faisant oublier l’échec de Tokyo il y a trois ans. Le surdoué du Finistère est né quelques mois avant le premier sacre d’Estanguet, qui l’a chaudement félicité après son triomphe. Il était au collège lorsque le patron de Paris 2024 a décroché sa dernière médaille d’or. Autant dire qu’il a grandi avec l’envie de lui ressembler, comme beaucoup de jeunes de son âge.
"L’excellence amène l’excellence", résume Ludovic Royé, le DTN de la Fédération française de canoë-kayak (FFCK). "Nico l’a dit, Tony a obligé un certain nombre de générations à élever leur niveau pour espérer un jour pouvoir le dépasser. Ça crée toute une dynamique. On en récolte les fruits aujourd’hui. (…) L’effet Tony, on l’a vu après chaque JO, avec des jeunes qui sont venus s’inscrire pour pratiquer le canoë. Et quinze ans plus tard, après des heures de travail, ça donne des Nico Gestin. L’enjeu pour nous, à la fédération, c’est de créer cette pépinière de champions et les faire éclore au plus haut niveau."
"En France, on ne délaisse pas le C1"
Et pour l’instant, la recette fonctionne à merveille. "C’est tout simplement incroyable d’être capable de performer d’aussi belle manière dans cette catégorie", savoure Jean Zoungrana, le président de la FFCK. "On a une tradition de pratique sur tous les supports. On ne délaisse pas le C1 comme dans certains pays, où ils pratiquent davantage le kayak. Dans nos écoles de pagaie, on pratique les deux supports et ensuite les jeunes se spécialisent. On transmet une culture de cette discipline et c’est un élément important de nos résultats."
Au sein des 755 clubs qui existent en France, les enfants peuvent débuter le canoë dès l’âge de 7 ans, avec une approche ludique et des spécificités différentes en fonction des régions. La pratique est possible en toute saison dans l’Hexagone grâce aux nombreux spots accessibles, en eau vive, en eau calme ou en mer. À l’image de Nico Gestin, la Bretagne est une grande pourvoyeuse de talent.
Les clubs de canoë se préparent à une vague d’inscriptions
La FFCK recense aujourd’hui près de 300.000 licenciés en canoë-kayak, dont 40.000 pratiquants réguliers. Mais les effectifs devraient gonfler après les JO 2024. "On l’espère. Nos clubs se préparent à avoir quelques licenciés en plus à la rentrée", glisse Jean Zoungrana, en précisant qu’un plan de com' est prévu pour essayer de surfer sur les exploits des Bleus en Seine-et-Marne. Un grand événement sera d’ailleurs organisé à Vaires fin octobre, avec plus de 1.000 personnes qui vont naviguer, dont les médaillés olympiques.
En attendant, la France dispose d’un vivier de talent monumental. Mais elle ne peut inscrire qu’un seul céiste pour l’épreuve de slalom C1 aux JO (contre trois aux Mondiaux). Décrocher sa place pour participer est parfois plus dur que de gagner en compétition. "Mon job est difficile, parce que j’ai le choix pour sélectionner les athlètes", illustre le DTN. "Prendre un bateau, c’est en laisser d’autres à la maison, même s’ils sont très forts. On a aujourd’hui plusieurs céistes qui pourraient disputer une finale olympique."
"On pourrait avoir un podium 100% français"
Emmanuel Brugvin, champion du monde en 1999, confirme. "On a tellement de talents qu’on pourrait faire un podium 100% français. Il y a d’autres nations qui pourraient sûrement le faire aussi, comme la Slovénie, l’Allemagne, la Slovaquie ou la République tchèque. Mais en canoë monoplace, les Français sont décomplexés, voire même galvanisés, en se disant que si leurs modèles ont réussi, pourquoi pas eux?"
Une émulation qui fonctionne aussi dans les catégories de jeunes, où la France est la première nation mondiale. "Là, on a une génération de U23 exceptionnelle, avec une densité impressionnante. On en a au moins quatre ou cinq très prometteurs", annonce Emmanuel Burgvin, qui a été le premier Français à battre les Américains, longtemps dominateurs dans les années 1980.
Gestin peut encore disputer deux ou trois JO
Tout ça alors que Nicolas Gestin a seulement 24 ans et un avenir encore radieux devant lui. "Il a au moins deux autres olympiades à faire, peut-être même trois, avant de songer à raccrocher", estime le président de la fédération. Même impression chez son DTN: "Ce qui le marque, c’est la passion et l’envie de naviguer. Je pense que c’est le début d’une très longue carrière." Et le coach du nouveau champion olympique de conclure: "J’ai l’impression que le canoë français a encore de belles heures devant lui."