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Élections à la Fédération de judo: le match entre Stéphane Nomis, président sortant, et Frank Opitz

Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo, à Perpignan le 14 novembre 2021

Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo, à Perpignan le 14 novembre 2021 - Icon Sport

Les élections pour devenir président de la Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées (FFJDA) ont débuté ce jeudi, et durent trois jours. Stéphane Nomis, président sortant, veut repartir pour un nouveau mandat. Il a face à lui l’Occitan Frank Optiz, qui a sollicité un débat via les réseaux sociaux. Il n’a pas eu lieu. Tour d’horizon avec les deux candidats, joints par RMC Sport, sur ce scrutin d’un nouveau type où chaque club aura une voix.
  • Bilan du premier mandat de Stéphane Nomis

Stéphane Nomis: "Quand j’ai pris la Fédé (en novembre 2020), on était à 350.000 licenciés: on devrait passer les 600.000 cette année. Ça faisait 12 ans que ce domaine était en perte. On a dépassé les chiffres d’avant. On a essayé de redorer l’image du judo via la communication, et ça a marché aussi. On a pris la Fédé avec -10 millions d'euros, et un rapport de la Cour des comptes déplorable. On a redressé la barre. On a comblé les déficits, on est passé de 25 millions à 40 millions de budget.  On ne voulait pas être que dépendant des licences et de l’Etat. On a diversifié nos revenus pour être une fédé autonome, ou le plus autonome possible. On redistribue tout cet argent. Ça nous a permis de donner des montants incroyables aux clubs et aux comités, on a redistribué plus de 21 millions d'euros aux clubs et aux comités. C’est énorme."

Frank Opitz: "La Fédération française de judo se dirige vers un modèle mercantile où la rentabilité prime sur les projets, notamment éducatifs. C’est plutôt un modèle entrepreneurial. Je défends un modèle associatif, je défends une fédération tournée vers les clubs, qui sert les clubs et pas qui se sert des clubs. Dans la politique actuelle, tout est fait pour faire de l’argent. Cet argent est pris sur les clubs et les territoires, c’est un modèle dans lequel je ne me reconnais pas. Par exemple, des comités sont en déficit car ils ont accueilli l’Itinéraire des champions (animation où se déplacent des membres anciens et actuels de l’équipe de France, ndlr), où la marge bénéficiaire de la fédération est de 40%. On se demande si les ligues sont là pour alimenter le siège de la fédération."

  • Les formations, la Dojo Academy et la rémunération des professeurs

FO: "Les formations sont essentielles, mais il faut les considérer comme un investissement pour le futur. Il faut qu’on forme nos acteurs. Ils ont une mission de transmission de notre discipline. La Dojo Academy a mis en place un système où les marges bénéficiaires sont importantes. Beaucoup de gens ne font pas, car ils doivent financer de manière trop importantes. Là où le point est critique, c’est la formation sur les violences. Je suis pour qu’on éradique les prédateurs de nos dojos. On ne peut pas faire de l’argent sur cette formation violence. Je pense qu’elle doit être dispensée à un max de personne pour qu’il y ait un maximum de vigilance, et qu’elle soit mise en ligne gratuitement. C’est la recommandation du comité d’éthique. On est la seule fédé à faire payer. Faire payer cette formation, ce n’est pas éthique. Je veux aussi essayer d’apporter une retraite complémentaire pour les professeurs. C’est lié au sujet de la vente du complexe de Villebon-sur-Yvette. Si on le vend, une partie viendra dans un fonds adossé à une banque et chaque professeur viendra provisionner un fonds où il y aura les intérêts de la banque. Ça lui donnera une retraite complémentaire: c’est le système du fonds de pension."

SN: "On a bien traité les violences. On a moins de cas. On a mis en place des formations obligatoires, même pour les présidents de club. Tout un système pour avoir un sport le plus propre possible. On veut appuyer sur la formation. On forme entre 800 et 1.000 personnes par an. On veut aussi aider à ce que les clubs trouvent les moyens de payer leurs professeurs. Les clubs ne trouvent pas de professeurs parfois parce qu’ils ne leur proposent que 300 ou 400 euros par mois, pour trois ou quatre cours… On est en train de trouver des solutions avec des entreprises, pour avoir des profs mieux payés. On est en train d’aider les clubs. On l’a fait à hauteur de 400.000 euros, mais on doit aller plus loin. C’est l’une de nos priorités: si on a un deuxième mandat, je pourrai finaliser. Ce qui nous intéresserait, c’est de développer le judo santé. D’avoir des cours de judo avec le monde associatif. Et le matin, être dans un EHPAD, une entreprise. On a fait plusieurs essais, ça marche bien et on va essayer de le développer."

  • La Judo Pro League

FO: "Je me demande à quoi elle sert. C’est le jouet du président. Elle avait vocation à ce que les judokas aient une rémunération. Soit ils ne sont pas rémunérés, soient ils touchent 600 euros par an, je ne sais pas qui peut vivre avec ça. C’est une animation, il y a très peu de judokas de l’équipe de France qui participent, peu de public ou de médias. Et ça coute 625.000 euros. Je préfère qu’on mette en place un championnat de France par équipe mixtes de clubs, comme aux JO. Cela sera un championnat ouvert et gratuit. Plutôt que de m’occuper des treize franchises de la Pro League je préfère m’occuper des 5.000 autres clubs de notre fédé."

SN: "On ne s’est pas trompé de produit sur la Pro League, il avance. Il n’y a jamais eu un championnat de France diffusé en gratuit. Il y a eu autant de téléspectateurs qu’au tournoi de Paris. A nous de continuer à le développer, les gens aiment ce format. Les équipes mixtes ont le vent en poupe, mais on n’a pas encore trouvé le modèle exact pour les clubs. On essaye de faire progresser. Je reviens d’Abu Dhabi, on a parlé de la Judo Pro League avec la Fédération internationale (IJF). L’IJF voit qu’on est précurseur, qu’on essaye de faire de choses, ils voient l’importance de la France. On est la plus grosse fédération du monde, on est la plus influente, on a des résultats partout. On est la suite de Jigoro Kano (fondateur du judo), je suis le "petit-fils" de Jigoro Kano. Quand on développe des dojos et des enfants, on change des vies."

  • Les mesures qu’ils veulent prendre

FO: "Nous voulons rendre plus transparent le fonctionnement de la fédération avec une plus grande place pour l’opposition. C’est un rendez-vous manqué alors que ça a été demandé au conseil d’administration, alors qu’il n’y a pas la proportionnalité au conseil d’administration fédérale. Avec nous, ce sera mis. On s’engage à ce que de grandes commissions comme la commission financière revivent. Nous voulons une fédération au service des clubs. Il y a la volonté de créer notamment la hotline, un dispositif parmi tant d’autres. Comment accompagner des dirigeants qui n’ont pas toujours le temps et pas forcément les compétences? Etre bénévole, ce n’est pas une exemption de responsabilité. Dans les ligues à la fédé, il y a des professionnels qui peuvent aider pour des dossiers de subvention, des aides juridiques... Mettre en place une astreinte téléphonique pour répondre aux éléments simples, techniques ou juridiques simples, et si la question est un peu fine, on s’engage à ce qu’il y ait une réponse apportée le plus vite possible."

SN: "On a créé plus de 400 dojos dans le cadre de l’opération "1.000 dojos". Même l’IJF nous en a parlé: ils ne comprennent pas, aucun pays ne peut faire ça. On a mis des compétences. Il y a 5.000 clubs. Les quatre prochaines années, on aura fait 1.000 dojos et on aura changé les dojos de 25% des clubs, ce sera énormissime. Je veux aussi changer le logiciel des clubs. On n’a pas un logiciel assez fort, assez présent qui permettrait aux clubs et aux bénévoles d’être plus autonomes et meilleurs. On s’est amélioré, mais ça, ça nous permettrait de franchir un cran aussi."

Morgan Maury