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"Ça va me permettre de faire table rase", Agbégnénou déterminée pour 2024 après son échec aux championnats d'Europe

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Si elle a hâte de montrer ce qu'elle est encore capable de faire, la championne du monde des -63 kg Clarisse Agbégnénou prévient aussi dans Bartoli Time, sur RMC, que les Jeux olympiques de Paris pourraient être sa dernière compétition.

Clarisse Agbégnénou, vous terminez 7e hier en moins de 63 kilos de cet Euro. C’est la première fois depuis 2017 que vous n’accrochez pas de médaille sur un grand championnat. Quelle analyse faites-vous ?

C’est un bilan à chaud, car je n’ai pas encore eu le temps de me poser avec mes entraîneurs. Je me dis que ce quart de finale contre la Kosovarde Fazliu, j’aurais dû le passer. Je suis énervée contre moi-même. C’était à moi de continuer le travail entamé depuis le début du match. Je sais au fond de moi qu’en passant ce tour, ça n’aurait pas été la même chose. Ce n’est pas ce qui s’est passé. J’ai des axes de travail. Cette année a été chargée. Je suis fatiguée, il faut que cette année se termine. Je n’ai participé qu’à des grandes compétitions, le grand Chelem de Tel-Aviv (7e), les Mondiaux (1ere), le Masters et ce championnat d’Europe (7e). Il y a eu de bonnes choses malgré la fatigue, d’autres moins. A la fin, j’en ai eu marre, j’avais envie que ça s’arrête. Je voulais voir ma fille. La journée commençait à être très longue. Parfois je me disais 'tu ne peux pas perdre comme ça, va chercher ce regain d’énergie'. Les règles d’arbitrage étaient compliquées. Je trouve que les filles essayent de me bloquer (ce qui peut être pénalisé ndlr). Peut-être que ça m’arrivera aux JO. A moi de trouver des solutions et surtout de la fraîcheur.

Avant cet Euro, vous disiez vouloir commencer vos combats plus forts pour éviter des matches à rallonge. C’est l’inverse qui s’est produit. Votre huitième de finale a duré 8 minutes. Comment l’expliquez-vous ?

Le tapis était très glissant. Je n’avais pas d’adhérence. J’avais peur de glisser. J’ai préféré attendre que de tomber sur ma propre attaque. En face de moi, il y a eu des profils de filles qui attendent de contrer, qui attaquent peu. Je me suis dit que si j’avais la condition physique, autant continuer dans ce chemin. Je me suis trouvé beaucoup mieux sur la Kosovarde, beaucoup mieux sur les mains. Elle a attaqué mais je me suis sentie beaucoup plus physique, j’ai tenté des choses. Je vais continuer d’aller chercher l’attaque. Je sais aussi que j’ai la capacité d’aller en prolongation et de durer.

Vous avez déclaré en sortant du tatami ‘je ne suis pas un robot’. Etes-vous lassée après tant d’années au haut-niveau ?

Chaque compétition me demande un effort. Le public attend toujours que je gagne, les journalistes aussi. C’est l’engrenage. A force de gagner on ne s’attend pas à la défaite. Parfois, perdre remet aussi les pieds sur terre. Je pensais perdre bien avant, aux mondiaux 2023 par exemple. Je pense que c’est le contrecoup de ma reprise après la grossesse. Ça fait mal. C’est un coup dur. Je me dis qu’il n’y a rien sans rien. Ça va me permettre de faire table rase. Je vais repartir en 2024 avec une autre mentalité, une autre perspective. Je ne ferai pas encore 5 ans de haut-niveau, il n’y aura pas d’autre olympiade. Je ne sais pas si les JO seront ma dernière compétition. J’ai donné, j’ai fait, j’ai refait. Je pousse mes dernières années. Après tout ça je pourrais réaliser et me refaire des combats quand je suis arrivée en 2008-2009. Ca date ! Je prends encore du plaisir. J’étais très content de venir sur cet Euro. C’est bien que ça tape dans mon orgueil. J’espère que mes adversaires sont prêtes à voir la foudre revenir.

Vous êtes maman, célèbre, très occupée. Est-ce qu’il ne faut pas faire des choix hors judo en vue des Jeux Olympiques ?

Quand on est maman c’est compliqué de plus choisir. Il y a des choses qu’on ne peut pas déléguer, qu’on n’a pas envie de déléguer. J’ai envie d’avoir ce rôle là à fond. Il faut trouver des solutions pour être un peu plus présente niveau judo, un peu moins fatiguée, un peu plus tranchante. Je vais peut-être devoir un peu déléguer à mon conjoint, à ma famille. Athéna (sa fille) commence à grandir, à comprendre, elle est intelligente. Je l’emmène beaucoup moins aux entraînements voire pas du tout. Elle n’est venue qu’une fois à la salle d’échauffement. Il faut aussi que je me sente bien mentalement. Si je délaisse ce côté et que ça me ronge il y aura l’effet inverse. Il faut trouver un juste milieu pour être en pleine forme, focus, et ce côté énergie avec ma fille.

Est-ce que votre victoire aux Mondiaux en mai, 11 mois après avoir accouché, a masqué la difficulté de votre challenge ?

Bien sûr, le problème est plus compliqué. Je l’ai dit lors du titre mondial ce printemps. C’était bien de gagne mais en rien une finalité. Je sais que le chemin va être très long, très dur. Je me sens de mieux en mieux niveau judo, même si les résultats ne le reflètent pas, ça commence à revenir. Il y a des choses à changer. Je suis aussi sur un travail de fond avec de la fatigue accumulée. Je le sens bien aussi. Le mental est là.

On entend souvent qu’il ne faut pas sous-estimer le cœur d’une championne. Hier vous avez dit "la lionne n’est pas prête d’aller se coucher".

La lionne se couchera mais en temps voulu. Pour l’instant, elle est en cage. Hier, elle est un peu sortie. Elle a la rage qui va monter, la faire bouillonner. Je vais revenir plus forte. Je sais que mes adversaires le savent. J’ai hâte de montrer ce que la lionne peut encore faire.

Morgan Maury, pour Bartoli Time