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Championnats d'Europe de judo: Agbenenou, les dessous d'une médaille d'argent au goût amer

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Proche d’un sixième titre européen qui aurait été un record pour une Française, la judoka de Champigny-sur-Marne a été disqualifiée pour un geste dangereux sur la Tchèque Renata Zachova. Le rêve a basculé en cauchemar pour Clarisse Agbegnenou.

"Quand on est dans une forme comme ça, ne pas gagner ça fait chier." Clarisse Agbegnenou n’est jamais tendre avec elle lors de ses défaites. Ce jeudi à Podgorica, elle laisse parler sa colère, même davantage qu’après sa troisième place aux Jeux Olympiques l’été dernier.

Sa fougue semblait tout emporter sur son passage, de brise elle est devenue tempête. Son engagement à chercher la chute lui a coûté la défaite et elle n’y peut pas grand-chose. Comment pouvait-elle avoir le réflexe de lâcher un contrôle aussi fort lorsqu’elle s’est relevée et a poussé la Tchèque Renata Zachova sur le ventre ? Quasiment impossible d’avoir cette présence d’esprit. De ce fait, elle est passée sous les fourches caudines de l’arbitrage actuel, pas forcément lisible.

Le président de la FFJ est allé demander des comptes au responsable de l’arbitrage

"Je n’accepte pas". Elle répètera cette phrase plusieurs fois. Aussitôt la Française sortie du tatami, Stéphane Nomis le président de la Fédération française de judo est allé demander des comptes au responsable de l’arbitrage, Daniel Lascau. Dans les couloirs, Nomis prend son athlète dans les bras : "C’était une très belle compétition. Cette défaite n’est pas méritée, par contre la règle est claire. Tu es une grande championne", lui glisse-t-il à l’oreille.

Agbegnenou était montée en puissance tout au long de cette journée. L’impact un peu lointain des premiers tours s’est transformé à mesure que la route s’est élevée. En demi-finale, sa compatriote Manon Deketer a été embarquée sur un koshi-guruma à déraciner un arbre (waza-ari). En finale, le film semblait écrit après une minute de combat. Clarisse Agbegnenou jouait avec la Tchèque Renata Zachova. "Vu comment elle avait démarré le combat j’avais zéro doute", dira sa coach Lucie Décosse. La Française sentait que son adversaire était sans solution avant cette action litigieuse.

Et maintenant, une pause

Agbegnenou engage un "bras-tête" au sol, un bras sous l’aisselle et le deuxième vient le rejoindre en passant près de la tête. Zachova réussit la performance de se relever. Les nouvelles règles permettent de laisser le combat se poursuivre debout alors que l’an passé, l’arbitre aurait donné le matte. La Tricolore garde ce contrôle puissant et pousse Zachova qui tombe à plat ventre. La table entame un contrôle vidéo et finit par estimer qu’il y a action dangereuse pour le cou de la Tchèque, maintenant double championne d’Europe. La disqualification est directe, "Agbé" foudroyée. Elle se met à quatre pattes, tête sur le tatami et pleure à gros bouillons.

"Je n'accepte pas. Voilà, c'est comme ça, c'est du judo. Les règles sont les règles, mais je n'accepte pas. J'aurais préféré qu'elle soit meilleure ou qu'elle me fasse tomber. Je n'ai même pas les mots", articule-t-elle en descendant du podium. Devant les micros, son passage rappelle celui de Teddy Riner après sa défaite aux Mondiaux toutes catégories en 2010 à Tokyo. Lui était plein de fureur contre l’arbitrage. Elle se contient. Ces deux champions bloqués au dernier péage de leur rêve. Des renversements imprévisibles qui sont peut-être encore plus dur à digérer.

Mardi, la Rennaise entamera sa parenthèse américaine. Elle donnera des conférences dans des universités. Puis elle espère tomber enceinte d’ici la fin de l’année. Une coupure qui lui fera du bien pour digérer ce coup de poignard de Podgorica. Tant pis pour les Mondiaux mi-juin à Budapest. Sa courbe de progression depuis son retour à Tbilissi (3e) laissait entrevoir une septième couronne mondiale. La Française a de la mémoire. Ce sacre européen, elle promet qu’il n’est que repoussé : "Je n’ai pas encore rangé le kim’. Je vais repartir au charbon. Je ne suis que vice-championne d'Europe. Je suis que cinq fois championne d'Europe et voilà, ce sera à moi de retravailler derrière. Je reviendrai pour avoir ces six titres." Agbegnenou n’oublie jamais ses blessures.

Morgan Maury