Mondiaux de judo: Pinot grand cru, Gahié prête pour les JO 2024

Ce mercredi, la France a réalisé une chose assez commune pour le Japon et ce que des pays comme le Kazakhstan, la Croatie ou encore la Georgie n'ont fait qu'une seule fois: avoir une finale mondiale avec deux de ses représentants comme le règlement le permet depuis 2010. Pour ce moment unique dans l’histoire du judo, il fallait un drôle de cas de figure.
Une non-sélectionnée olympique qui vient claquer la porte de l’or à la jeune femme choisie pour Paris 2024. Margaux Pinot, une vie de judo, d’équipe de France, des médailles à peu près partout. Pas un second rôle loin de là. Une femme présente dans l’aventure de l’or olympique par équipe à Tokyo. Contre Marie-Eve Gahié, trois ans plus jeune, venue mettre un coup sur la tête à la planète judo pour s’avancer à Paname le 31 juillet le judogi gonflé d’une confiance de reine.
La plus jeune a failli réaliser son plan, mais c’est Pinot qui a obtenu le grand jour de sa vie de sueur. Le vrai. Il y a deux ans, le nom de Margaux Pinot a déboulé dans l’actualité pour une affaire de violence conjugales avec son conjoint de l’époque. Après les deux relaxes, elle avait gagné le tournoi de Paris montrant un mental unique. Elle aurait pu disputer ses deuxièmes JO consécutifs sans une exceptionnelle Marie-Eve Gahié en 2023-2024.
Après Orléans, Pinot a signé à Montreuil puis au PSG Judo. Une reconstruction comme on passe des grades de judo. Jusqu’à son chef d’œuvre du jour. Oui, tenir six combats dont deux de sept minutes et une finale terminée sur une inspiration géniale à peine travaillée à l’entraînement. Un contre de o soto-gari, o soto-gaeshi: "Je l’avais un peu travaillé avec mes coéquipiers. C’est ce qui fait la beauté du judo aussi, ce sont des choses que l’on n’a pas forcément ultra travaillé. On l’a bossé 5 minutes et je l’ai enregistré."Marie-Eve Gahié a été saisie comme le public.
"Tant pis pour les JO, ce résultat comble cette déception"
Pinot aussi, incrédule. Elle est devenue à 30 ans et 137 jours la deuxième plus veille française primo-championne du monde derrière Christine Cicot et ses 33 ans. Cela dit tout de la ténacité de la judoka originaire de Franche-Comté: "On peut voir que j’ai eu des épisodes difficiles, j’ai rebondi. C’est mon mental, je ne le dois qu’à moi. On peut se remettre de tout. J’ai su me remettre dans le chemin de l’entrainement, j’ai changé de club, j’ai pu faire un travail carré et cadré. C’est la plus belles des médailles pour moi."
En sortant du tatami, Pinot est allée enlacer Alpha Oumar Djalo, son compagnon, sélectionné olympique en moins de 81 kilos, et supporter le plus bruyant de la Mubadala Arena. Plusieurs fois, les larmes n’étaient pas loin de rouler des yeux de la nouvelle championne du monde. "J’ai toujours su qu’elle était capable, avance Madeleine Malonga, médaillée en moins de 78 kilos. Comme toute athlète il y a la déception de ne pas faire les JO. Etre ici et aller au bout ça montre sa force de caractère."
A côté d’elle, dans les coulisses, Marie-Eve Gahié souriait. Consciente peut-être que l’histoire était aussi belle ainsi. Coéquipière de club, elle était favorite face à sa coéquipière (elle menait 4-1 dans leurs confrontations). Cela n’a jamais été le grand amour entre les deux, cela a parfois même été tendu, mais leurs matches ont toujours été francs. Gahié a félicité son aînée avant le podium. Elle n’aura pas ce dossard rouge qu’elle rêvait de porter chez elle à Paris au mois de juin.
"C’était un gros challenge d’aller chercher un deuxième titre. On est à deux mois des JO, je prends tout. J’aurais voulu l’or, je prends l’argent, il n’y a pas de souci. J’avais besoin de cette répétition. Si c’est l’argent qui va m’emmener à l’or olympique…" Elle s’évite peut-être un peu de pression. Sa prestation aura été remarquable. Intimidante, frappant comme un sabre lorsqu’une jambe traîne ou malicieuse pour passer sous un centre de gravité. La sélection olympique ne bougera pas.
En novembre dernier, lorsque le comité de la fédération française a privilégié Gahié, il y avait peu de doutes. Ce Mondial ne change rien à l’affaire. Pinot l’accepte avec le sourire: "Aujourd’hui, ce résultat comble énormément cette déception de la non- qualification. Tant pis pour les JO, je suis très contente de cette médaille." Cet été, elle sera devant sa TV pour les JO le jour des moins de 70 kilos. Ou plus loin, dans les montagnes qu’elle adore pour respirer le grand air. Mission accomplie.