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Mondiaux de natation (petit bassin): à Budapest, le retour remarqué des nageurs russes

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De nouveau autorisé dans les compétitions internationales en début d'année 2024, aucun nageur russe n'avait participé aux mondiaux de Doha au mois de février et un seul avait pris part aux Jeux olympiques 2024 de Paris. À Budapest, 28 nageurs avec un passeport russe sont sur les plots de départ des championnats du monde en petit bassin. Un retour, en nombre, observé avec curiosité au bord du bassin.

L'hymne de World Aquatics, la fédération internationale de natation, a résonné deux fois mercredi soir dans la Duna Arena de Budapest. Sur la plus haute marche du podium un jeune Russe de 18 ans, Miron Lifintsev vient de remporter le 100m dos en battant le record du monde junior. C'était la première fois que le monde de la natation découvrait, en vrai, ce nouveau phénomène de la natation mondiale. Jamais il n'avait nagé en dehors des frontières de la Russie. En fin de soirée, c'est accompagné de ses camarades du relais 4x100m 4n mixte qu'il est à nouveau venu récupérer une médaille d'or. Sans hymne russe, sans drapeau, vêtu d'un survêtement neutre... Comme son statut. Les nageurs russes n'avaient plus participé à une compétition hors de leur pays depuis les Mondiaux en petit bassin de décembre 2021 à Abu Dhabi.

Ré-autorisés à nager pour la première fois lors des Mondiaux de Doha en février 2024, aucun nageur Russe n'était au final engagé (quatre Biélorusses ont disputé ces Mondiaux). À Paris cet été, seul un nageur russe (et trois Biélorusses) était sur les plots de départ de la Paris La Défense Arena, sous bannière neutre. Ils sont 28 à Budapest pour ces Mondiaux en petit bassin. C'est la première fois depuis leur exclusion en février 2022 suite à l'invasion russe en Ukraine que des nageurs Russes participent aussi nombreux à une compétition internationale. "Le but de la fédération internationale est de débuter le processus de réintégration", explique Brent Nowicki, le directeur exécutif de World Aquatics. "Il doit y avoir un point de départ, donc je pense que la participation des Russes et des Biélorusses ici est un bon premier pas dans le process de réintégration."

Une réintégration guidée par un document de huit pages intitulé "directives pour la participation des athlètes dans les évènements aquatiques mondiaux pendant les périodes de conflit". Les 28 nageurs présents à Budapest ont obtenu leur statut neutre après un passage de leur dossier devant l'agence indépendante Aquatics Integrity Unit (AQIU) en charge de s'assurer que les athlètes et les membres du staff respectent ces règles d'obtention d'un statut neutre.

Sur les écrans géants de la Duna Arena de Budapest, le nom des nageurs russes est accompagné d'un logo de World Aquatics et l'acronyme "NAB" pour athlètes neutre B. Les Biélorusses sont désignés par "NAA". Un changement qui fait suite à l'assouplissement des règles de participation par World Aquatics qui permet désormais aux athlètes neutres ayant un passeport d'un même pays de concourir par équipe (à l'exception du water-polo). Ce qui n'était pas possible aux JO cet été.

"Pour arriver à une réintégration, il faut commencer à faire des modifications des restrictions", continue Brent Nowicki. "Progressivement, les contraintes doivent être levées pour permettre aux athlètes de participer aux compétitions. Et donc permettre une participation à des relais fait partie des mesures que l'on peut progressivement inclure au fur et à mesure que le processus de réintégration avance."

World Aquatics assure que cette ouverture n'a pas de lien avec la tenue de ces Mondiaux dans la Hongrie de Viktor Orban, ami de Vladimir Poutine. "Non", coupe Brent Nowicki, surpris que l'on puisse faire un lien. Difficile de connaître directement la motivation des principaux concernés. La charte interdit aux nageurs et encadrants avec un statut neutre de s'exprimer dans les médias.

La question du suivi antidopage

Un retour observé avec curiosité mais qui ne semble pas faire de vagues au bord du bassin. "Ce seront des concurrents en plus c'est tout", coupe net Maxime Grousset. "C'est cool d'avoir des nouveaux adversaires", lance Yohann Ndoye-Brouard, éliminé en demi-finales du 100m dos et qui depuis deux ans observait déjà l'éclosion de la pépite Miron Lefintsev. Mais de loin, uniquement avec des vidéos de ses courses qu'il va chercher sur les sites spécialisés. "On va apprendre des choses sur eux", expliquait-il avant le début de la compétition. "Je suis quelqu'un qui analyse beaucoup donc j'ai envie de voir comment ils nagent, à quelle vitesse, s'ils sont bons en coulées ou dans la nage. Je suis assez intrigué de le voir". Et Mewen Tomac de résumer: "Il fallait bien qu'ils reviennent à un moment donné. Tant qu'ils sont sains, ça ne me dérange pas."

Un retour qui pose aussi la question du suivi antidopage de ces athlètes qui n'ont plus été vus en compétitions internationales depuis trois ans. "J'espère qu'ils respectent toute la surveillance médicale et tous les contrôles", souligne Julien Issoulié, le directeur technique national de la Fédération française de natation. "Que le lien avec leur agence nationale de lutte contre le dopage est sérieux et sera sécurisant pour tout le monde car il en va de la crédibilité de notre sport et du sport en général. Mais si tout est clair et transparent pour moi il n'y a pas de problème à ce qu'ils soient là."

Aquatics Integrity Unit a publié sur son site internet les statistiques des contrôles des nageurs présents à Budapest. Les nageurs neutres avec un passeport sont les plus contrôlés avec en moyenne 7,5 contrôles par athlète selon les chiffres présentés depuis le 1er janvier 2024 derrière la Chine (9,4) et les États Unis (8,2). "Ils doivent répondre à un protocole antidopage rigoureux pour s'assurer qu'ils ont été testés par les agences antidopage au moins quatre fois avant la compétition, tient à souligner Brent Nowicki. Ils ont été rigoureusement testés, et pas seulement en prévision de cette compétition. Ils ont été régulièrement testés pendant leur période d'absence des compétitions. Le protocole de tests a été mis en place avec l'ITA (International Testing Agency) et les mesures de tests ont été pleinement respectées."

Julien Richard, à Budapest (Hongrie)