Natation (championnat de France): "Je me dis que cette année olympique, c'est la mienne", se projette Beryl Gastaldello

Elle n'avait plus disputé de 100m dos "depuis au moins trois ans" et elle est venue créer la surprise et bousculer la hiérarchier du dos féminin français déjà riche en densité. En 56s18, Beryl Gastaldello a amélioré de 22 centièmes le record de France détenu par Analia Pigrée, qui a terminé troisième de la finale.
Un chrono qui aurait valu à la nageuse d'Etoile 92 une sixième place aux derniers mondiaux en petit bassin. Les quatre premières de ce 100m dos ont réussi les minimas pour les championnats d'Europe du 5 au 10 décembre prochain en Roumanie. Gastaldello s'impose devant Pauline Mahieu (57s35c) la détentrice du record de France en grand bassin qui a terminé 6ème des derniers championnats du monde de Fukuoka. Analia Pigrée (57s55c ) prend la troisième place et Mary-Ambre Moluh (57s62c) termine quatrième.
Beryl Gastaldello a décroché également ce samedi soir l'or sur le 50m nl, son quatrième titre à Angers. Avant peut être un cinquième ce dimanche sur le 100m 4n, distance sur laquelle elle est double vice-championne du monde. Marquée par le décès de sa maman quelques jours avant les championnats de France en juin dernier, elle se tourne maintenant vers l'objectif des Jeux de Paris. Et le chemin vers les JO démarre bien pour la nageuse de 28 ans.
Vous avez semblé surprise par votre chrono du 100m dos?
C'était cool, ça faisait au moins trois ans que je n'en avais pas fait donc je voulais me faire plaisir, je n'avais pas d'objectif précis. Maintenant quand je vois le chrono je me dis, dommage j'aurais pu faire 55s... Mais ça fait toujours un record de France, un record personnel ce n'est pas tous les jours avec 22 ans de carrière. Donc je suis vraiment contente. Et puis enchainer avec le 50m nl où je fais 2 centièmes seulement de plus que mon meilleur temps c'est vraiment pas mal. Ça permet de travailler l'enchainement de courses et surtout voir que ce que l'on travaille avec mon entraîneur, c'est en train de se mettre en place. Plus de puissance pour transférer ensuite en grand bassin. Je vais vite sous l'eau mais aussi dans la nage je prends plus d'eau, je me propulse plus et si tout se passe bien ça se traduira avec de meilleures performances.
Vu le peu de préparation on se dit aussi qu'il y a de la marge de progression encore?
C'est vrai qu'on est arrivé ici plutôt dans une phase de travail. Et puis on s'est pas entraîné depuis très longtemps, ça fait à peine 8 semaines. On fait un gros programme de musculation donc j'ai pris pas mal de force, mais ce n'est pas facile de transférer tout de suite dans l'eau. Et pour la récupération, j'ai eu beaucoup de mal. Parce que je prends des muscles et je perds du gras, donc à un moment donné il n'y a plus trop de gras! Et pour récupérer c'est un peu compliqué donc je vais commencer un travail sur la nutrition, etc..."
C'est l'année olympique qui débute, est ce que ça a une saveur particulière? Vous avez pu visiter l'Arena et le village olympique lors du rassemblement de début de saison avec l'équipe de France ...
Mon travail, c'est vraiment de faire au jour le jour. Je traverse une période qui n'est pas facile donc je me focalise aussi sur le personnel. Être bien dans ma peau, faire mon deuil ce qui est important. Je n'ai pas eu des années olympiques faciles du tout à chaque fois donc je me dis dans un coin de la tête que celle-là c'est la mienne. Je vais tout faire pour en tout cas. Je suis plus sur la fin que sur le début de ma carrière, même si je n'ai pas fini encore. Évidemment, c'est dans un coin de la tête, mais là je suis sur la période petit bassin. Et j'ai vraiment envie de me prouver à moi-même que je sais qu'il est temps de transférer ce que je suis capable de faire un petit bassin en grand bassin. Ça fait depuis 2015 que je fais par exemple 53s au 100m nl et je m'attends vraiment à faire de grandes choses et me surprendre moi-même. Je mets tout en place pour, et le top ce serait que ça arrive aux Jeux olympiques. C'est là qu'on veut être la meilleure possible, c'est vraiment à ce moment-là. Et je me sens vraiment dans les bonnes conditions, dans le bon club avec le bon coach, le bon staff pour faire ça."
Vous avez nagé à Rennes en juin dernier lors des championnats de France qualificatifs pour les mondiaux dans un contexte très compliqué. Vous aviez perdu votre maman quelques jours avant. Est-ce que quand même vous avez pu vous poser pendant les vacances après les mondiaux, penser à vous?
Oui, alors c'est vrai que j'ai une tendance à toujours un peu être dans le mouvement et j'ai quand même enchaîné toutes les vacances. Je suis restée au Japon (après les mondiaux à Fukuoka), après je suis allée au Luxembourg. C'est un petit peu comme ça que je fonctionne. Je me suis un petit peu posée quand même. J'ai pris le temps d'être avec mes proches, mes amis que je ne vois pas beaucoup. Mais bon c'est vrai qu'on ne nous apprend pas à gérer les choses comme ça. Moi j'ai vraiment été aux championnats de France par la volonté de ma maman. Elle voulait vraiment que j'y aille. Elle m'a fait un petit coup quand même, parce qu'elle voulait décéder plus rapidement pour que j'aille aux championnats de France... Et c'est vrai que j'ai été un petit peu déçue, par certains comportements des filles en équipe de France (aux mondiaux de Fukuoka). Parce qu'on n'a pas pris en considération ce qui se passait. Pour moi c'était vraiment difficile déjà de tenir. Et à la fin en fait, le dernier jour, je ne pouvais plus (NDLR : elle a refusé de participer à la finale du relais 4x100m 4n). Je ne pouvais plus respirer et à un moment donné il faut penser à soi et à sa santé. J'ai été déçue que ça n'ait pas été compris. Après ça se passe bien, je pardonne. Mais ça n'a pas été facile pour moi d'être incomprise. Je voulais être là pour l'équipe, pour qualifier les relais aux Jeux et j'ai fait le job. Donc je suis fière de moi. Je les pardonne, mais je le dis quand même là parce que c'est important. Ça a été un travail que j'ai du faire aussi cet été. J'ai beaucoup de mal avec l'injustice. Et j'ai vraiment envie qu'on soit toutes et tous dans une bonne atmosphère, saine pour performer. Je souhaite vraiment profondément que tout le monde performe. J'ai entendu beaucoup de choses donc je voulais mettre ça aussi au clair, c'est important. Il y a quelque chose chez les Français où on est capables de se mettre dessus entre guillemets, mais ce n'est pas du tout mon objectif et je n'aime pas ça. Mais on est aussi capables de s'approcher, de créer cette force. Il n'y a pas beaucoup de nations qui peuvent créer ça, on est plus dans l'émotion. Et donc je pense qu'on va créer quelque chose de très fort. Donc je voulais mettre le point sur ça.
Et vous avez pu vous expliquer depuis les mondiaux entre vous?
Oui on a mis ça à plat (ndlr: lors du stage de reprise en septembre à Canet en Roussillon). C'est vrai que si on se met à la place de l'autre, qu'on communique, on comprend les actions et les points de vue. Je suis vraiment contente qu'on ait posé les cartes sur table. C'est un gros travail aussi pour moi parce que je suis hypersensible et je prends beaucoup les choses à cœur. Il faut prendre de la distance avec tout ça, laisser couler. Mais c'est aussi comme ça que je fonctionne, à l'émotion. Je n'ai pas un un schéma très simple. Pas du tout même. Mais il faut apprendre aussi à s'accepter et s'aimer comme on est. Je suis vraiment contente d'être qui je suis, je suis bien dans mes pompes malgré tout ce qui m'arrive. Je suis vraiment heureuse et j'ai beaucoup de gens qui me supportent et qui me donnent de l'affection et je suis vraiment reconnaissante.
Tout ce qui vous est arrivé ces derniers mois vous a fait prendre un peu de recul?
Il ne faut pas oublier que ce n'est que du sport. Même si c'est aussi toute notre vie. Ce n'est que du sport et j'ai envie de m'éclater. J'ai envie de sortir de là et de me dire 'wouah, j'ai vécu un truc de fou'. Je me dis mais 'attends, je fais ça pour kiffer quoi!' C'est le but et j'ai l'impression qu'on l'oublie assez rapidement. Pourquoi on est là? Parce qu'on est le petit gamin qui adore jouer dans l'eau. J'adore faire des bulles dans l'eau et je me rappelle de ça. Les Australiens, les Américains ont beaucoup plus cette culture. Je veux m'en inspirer de plus en plus et le mettre en œuvre. C'est le plaisir en fait, prendre du plaisir et s'amuser. On est quand même dans la souffrance tout le temps puisqu'on s'entraîne, on pousse et là c'est des moments où justement on prend du plaisir. C'est la cerise sur le gâteau. Il faut aussi se rendre compte de ce qu'on a. Je suis en bonne santé et ça, c'est le plus important.