"Rêve de gosse", "scénario de film": les championnats de France de natation se sont emballés à Montpellier

100m nl femmes: Beryl Gastaldello au rendez-vous de l'été
"Ma vie c'est un film..." Beryl Gastaldello a le sens de la formule. La triple médaillée aux derniers Mondiaux en petit bassin est à l'affiche en ce moment du film "Le rendez-vous de l'été" au cinéma, une comédie autour des JO de Paris où elle joue son propre rôle. Et le scénario de sa vie, en vrai, a tout effectivement d'un film à rebondissement. Avec un nouvel épisode ce mardi quand elle touche le mur en première position du 100m nl en 53s60c, soit un centième plus vite que le chrono exigé pour la qualification aux championnats du monde de Singapour. Alors que quelques heures plus tôt tout semblait indiquer que Gastaldello allait manquer justement son rendez-vous de l'été.
"Franchement, je reviens de loin", lâchait la nageuse après sa finale. "Je me suis bloqué le cou avant les championnats. Je me suis levée un matin, ça ne bougeait plus du tout. J'ai voulu forcer et ça a empiré les choses. Je n'ai pas pu nager pendant cinq jours. Je ne pouvais même pas promener mes chiens, je ne pouvais pas être debout, je ne pouvais pas tourner la tête, la pencher. C'était une torture ! Je me sentais comme un bloc de béton dans l'eau."
La nageuse qui s'entraîne désormais à l'INSEP savourait "une belle victoire. J'ai fait preuve de résilience encore une fois." Alors quand elle a levé les yeux vers le tableau d'affichage pour regarder son chrono, elle a "cru que c'était un film. Depuis que je suis toute petite je dis toujours 'Mais la vie, ce n'est pas un film, quand tu meurs, c'est fini !' Donc c'est assez marrant que je me retrouve dans un vrai film, et que j'ai toujours l'impression d'être dans un film. Il faudrait que j'écrive un livre un jour ou que je fasse un film".
La capitaine de l'équipe de France se dit "fière et soulagée de rejoindre l'équipe. Je me suis dit que ce serait con qu'ils partent sans moi car j'ai ce rôle maintenant. C'est important pour moi d'être là et d'assumer ce rôle." Une capitaine qui saluait également la qualification du relais 4x100m pour les Mondiaux avec Marina Jehl deuxième en 54s24c, Marie Wattel qui revient d'une opération d'un ligament croisé troisième en 54s51c et Albane Cachot quatrième en 54s61c. "C'est vraiment top", jugeait Gastaldello. "Les filles ont bombardé !"
200m dos hommes: Ndoye-Brouard passe l'examen, Herlem prend sa revanche
Dans les tribunes, son clan agite les bras, le stress monte. Dans l'eau Yohan Ndoye-Brouard en retrait à la mi-course reste calme et offre à la piscine de Montpellier une folle remontée (et enfin les premiers frissons de la semaine) pour toucher en première position avec la qualification pour les championnats du monde à la clef. Le coup était préparé à l'avance: partir prudemment pour terminer fort. "Quand je passe à 100m je sais que je ne suis même pas à 50%", détaille le champion d'Europe de la distance. "Je fais la dernière longueur en accélérant, je sens que je suis en train de le passer et dans ces moments-là, il y a une espèce d'excès d'énergie qui arrive et il ne peut rien nous arriver."
Et de lancer ses grands bras pour toucher 14c devant le Toulousain Antoine Herlem (1mn56s52) également qualifié (voir ci-dessous). Yohann Ndoye-Brouard médaillé de bronze aux JO de Paris avec le relais 4x100m 4n réalise le doublé après sa victoire et qualification sur le 100m dos, au terme d'une journée bien remplie. "J'avais beaucoup de choses en tête parce que j'avais un examen à 13h30 de kiné", explique le nageur de l'INSEP. "Donc déjà à 5h du matin je n'avais que ça en tête. J'étais un peu stressé, je me suis dit qu'il fallait que ma journée soit millimétrée !"
Séries du matin, récupération, massage, puis Yohann Ndoye Brouard s'est installé après le déjeuner dans une salle devant son ordinateur pour passer son examen de rattrapage. "Dans mon école de kiné je suis obligé d'être affilié à une fac de médecine. Et ces examens de médecine étaient à 13h30 au Kremlin-Bicêtre à Paris. Donc j'étais obligé de les faire en même temps qu'eux mais en distanciel sur mon ordi, en visio avec mon prof qui nous surveillait. Donc c'est un peu stressant. J'étais avec Maxime (Grousset son coéquipier à l'INSEP également en études de kiné) aussi, on l'a fait tous les deux dans une salle séparée. C'est toujours un peu stressant et c'est beaucoup d'émotions toute la journée, ce n'était pas facile à gérer. Mais c'est ce genre d'épreuve qui nous fortifie. Donc c'est bien pour la suite." Et à l'heure du bilan de la journée, le nageur d'Annecy avouait avoir certainement "plus réussi son 200m dos que son examen de kiné."
Lui a touché en deuxième position mais a explosé de joie. Antoine Herlem s'est qualifié pour les championnats du monde en devançant notamment Mewen Tomac (3e en 1mn56s83c), quatrième des JO sur ce 200m dos. La roue qui tourne enfin pour le Toulousain de 26 ans qui l'an dernier était en larmes sur la troisième marche du podium de ce 200m dos avec le rêve des Jeux de Paris qui venait de s'envoler. Et depuis le retour à la réalité d'un élève ingénieur à l'INSA obligé de concilier son travail en alternance, les études et la natation. "J'avais mon stage de quatrième année à faire que j'avais repoussé l'an dernier pour essayer de me qualifier aux Jeux olympiques", détaille Antoine Herlem. "Depuis février je suis en entreprise de 9h30 à 16h30 en tant qu'assistant chargé d'étude à la SADE, une entreprise qui fait du réseau humide : eaux pluviales, eaux usées et eaux potables. Je m'entraîne deux fois par jour sauf les mardis, jeudis et samedis. J'ai la chance de pouvoir être en alternance avec une entreprise qui me soutient et qui comprend mes horaires pour pouvoir m'entraîner. Et je suis très fier de pouvoir prouver que l'on peut travailler et faire de la natation de haut niveau."
50m brasse hommes: le "rêve de gosse" de Pierre Goudenèche
Ce n'était assurément pas l'épreuve la plus attendue de ces championnats de France mais le 50m brasse a offert une finale à spectacle. Alors que le matin en séries, Jérémie Delbois avait fait tomber le vieux record de France de Giacomo Perez Dortona nagé en 2009 dans cette même piscine d'Antigone (27s34c contre 27s36c), le Niçois a terminé troisième de la finale (27s16c) et a déjà perdu son record de France alors qu'il a nagé plus rapidement et qu'il avait réussi les minimas pour les Mondiaux. Mais devant, Antoine Viquerat a pulvérisé la toute fraiche meilleure marque en 27s02c devant Pierre Goudenèche en 27s10c. Les deux nageurs se qualifient pour les championnats du monde de Singapour sur une distance désormais olympique.
"Je viens de sortir le meilleur chrono de ma life au moment où il fallait le sortir", hallucinait presque Pierre Goudenèche qui se qualifie pour la première fois en équipe de France. "Franchement merci à tout mon club, ma famille qui me soutiennent tous les jours parce que je suis insupportable (rire). C'est juste incroyable je n'y crois pas. C'est la plus grande joie de ma vie !" Le Bordelais au parcours atypique qui a débuté la natation tardivement à douze ans était sur un nuage. "J'ai commencé à nager dans des compétitions estivales en Charente dans un petit bled avec mes grands-parents, et de me dire que je suis arrivé là, que je vais aux championnats du monde c'est juste incroyable, il faut croire en ses rêves !" À 27 ans, Pierre Goudenèche qui est également doctorant en nutrition et neuroscience avouait vivre "un rêve de gosse de représenter son pays à l'international. Quand je voyais les bonnets de l'équipe de France c'était mon rêve d'en avoir un, un jour et je vais l'avoir. Je suis trop content".
800m nl: Kirpichnikova voulait plus, mais ne pouvait plus
"Aujourd'hui il n'y a pas de sourire". Anastasiia Kirpichnikova a décroché un troisième titre de championne de France après le 400m et le 1500m en s'imposant sur le 800m en 8mn26s73c. Mais elle a manqué le temps de qualification sur la distance pour les championnats du monde pour deux centièmes de seconde. "Je suis vraiment très fatiguée, c'est vraiment dur", soufflait l'élève de Philippe Lucas à Martigues. "Je voulais nager beaucoup plus vite sur ce 800m car j'ai toujours beaucoup de problèmes avec cette course. Mais je la nagerai aux Mondiaux quand même et on verra." La médaillée d'argent du 1500m aux JO de Paris à bout de forces après quatre (longues) courses en quatre jours. "C'est tout dans la tête et j'ai tout donné sur le 400m pour me qualifier le premier jour. J'ai donné toutes mes émotions avec le 1500m et j'étais morte après le 200m hier. J'étais sûre que je n'allais pas faire le temps de qualification, je le disais à tout le monde. J'ai dit à ma mère c'est sûr que je ne vais pas me qualifier."
Kirpichnikova pourra tout de même rajouter ce 800m au programme des Mondiaux car aucune autre Française ne s'est qualifiée sur la distance. Une dernière course qui à chaud noircissait un tableau pourtant réjouissant pour la vice-championne olympique qui ne pensait même pas pouvoir se qualifier il y a un mois et demi après une année post-olympique marquée par une longue pause.
200m 4n hommes: Marchand officiellement qualifié pour les Mondiaux
Il n'y avait pas vraiment de suspense, mais Léon Marchand est depuis ce mardi soir officiellement qualifié pour ses troisièmes championnats du monde. Le Toulousain exempté de disputer ces championnats de France qualificatifs pour les Mondiaux avait réalisé aux États-Unis les minimas exigés sur le 200m 4n. Mais il devait attendre de voir si deux Français allaient réussir les minimas ou pas à Montpellier sur cette distance pour valider son ticket.
C'est donc chose faite après la victoire d'Emilien Mattenet en 2mn00s55c, assez loin des minima demandés (1mn57s94c). Le quadruple champion olympique qui poursuit sa préparation à Austin au Texas aura encore un œil mercredi et jeudi sur les résultats du 400m 4n et du 200m brasse, les deux autres distances où il a réalisé les minima pour Singapour. Sans vraiment de suspense.