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EXCLU RMC SPORT

Jonathan Danty: "Je suis venu à La Rochelle pour gagner"

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Il soulèverait volontiers une Champions Cup après le Grand Chelem en Bleu. Jonathan Danty sera l’un des atouts XXL de La Rochelle face à l’ogre nommé Leinster, samedi 28 mai, en finale de la Coupe d’Europe. En attendant, le titi parisien attend aussi de pied ferme son ancien club, le Stade Français, dès ce samedi (17h15) à Deflandre, pour la 25e journée de Top 14. Match capital dans la course à la qualification en phases finales. Le centre international se confie à RMC Sport.

Une semaine après la qualification en finale de Champions Cup, vous allez recroiser votre ancien club, ce samedi. Que d’émotions, on l’imagine, en si peu de temps…

Ça fait beaucoup d’informations d’un seul coup! Je vais potentiellement disputer ma première finale de Champions Cup, c’est assez particulier pour moi. L’arrivée de Paris à Deflandre, aussi. Qui plus est contre un Stade Français qui ne joue plus rien. Je la connais par cœur cette équipe. Quand elle est décomplexée, elle est capable de tout. Il faut se préparer à ce match avant de penser à la finale.

Vous êtes bien placé pour le savoir, le Stade Français donne souvent du fil à retordre à La Rochelle, à Deflandre…

A chaque fois que j’ai joué ici avec Paris, on n’est pas passé loin. Il me semble qu’on a gagné une fois (14-27 en 2018-2019). C’est toujours des matchs assez particuliers. En plus, là, ils ont des joueurs super importants de l’effectif qui vont les quitter. Ils vont avoir à cœur de bien finir la saison pour les remercier et vivre une fin de saison sympa.

L’euphorie liée à la finale de Champions ferait presque oublier que La Rochelle n’a quasiment pas le droit à l’erreur face à Paris puis Lyon pour que la saison se poursuive en juin…

Avoir cette finale de Champions Cup entre nos deux matchs les plus importants de la saison en Top 14, c’est toujours délicat. Mais ça veut dire qu’on est dans une situation assez favorable. C’est excitant. La saison peut potentiellement se finir dans trois semaines, on n’espère pas. On va travailler pour que ce soit plus long que ça.

Avez-vous échangé, ces derniers joueurs, avec vos anciens coéquipiers parisiens?

Je leur ai demandé quand ils arrivaient! Peut-être que je passerai leur faire un petit coucou à l’hôtel, vendredi. Mais pas plus. Car on a un match super important le lendemain. En tout cas, ça va me faire plaisir de voir les copains. J’ai reçu beaucoup, beaucoup de message des copains et des coachs de Paris. Mais pas de Gonzalo (Quesada, le manager, ndlr). Il doit m’en vouloir, je ne sais pas pourquoi (sourire).

Que de chemin parcouru, pour vous, depuis votre départ de Paris, à l’été 2021, non?

J’ai stagné quand même pendant un petit moment dans ma carrière. Je me sens très bien, j’ai bientôt 30 ans, je me rends compte que ça va très vite. Je profite de chaque instant, à 200%, parce que je pense que je vis les meilleures saisons de ma carrière.

"Je ne suis pas rassasié. J’ai pris tellement de retard durant pas mal de saisons, sans rien gagner, sans jouer de phases finales, que je veux en profiter à 100%. Reprendre au mois de juillet, sans avoir vécu ça, c’est délicat"

Peut-on qualifier votre changement de statut, en Bleu comme à La Rochelle, comme "fulgurant"?

C’est allé très vite! La raison de ma venue ici était de franchir un cap. C’était quitte ou double. Qui plus est pour moi qui n’avait jamais changé de club ni connu d’autres effectifs. C’était délicat mais j’avais besoin de voir ce qui se faisait ailleurs pour me challenger et essayer de tirer le meilleur de moi-même.

Sortir de votre zone de confort, en quelque sorte…

J’ai eu une prise de conscience en signant ici. Je me voyais mal changer de club et arriver en n’étant pas au niveau. En l’occurrence, avec la concurrence qu’il y a, de toute façon, si je n’étais pas au niveau, je ne serai pas sur le terrain. Mon but premier était de me donner les moyens de jouer, de performer. L’Equipe de France est arrivée à ce moment-là, ça m’a permis de continuer à progresser, jouer des gros matches. Aujourd’hui, je dirai que je suis content mais pas encore assez. J’ai encore pas mal de progrès à faire pour vraiment arriver à la limite de ce que je peux amener sur le terrain.

Vous auriez quand même signé de suite, pour une telle saison, au moment de parapher votre contrat?

Oui, de suite (rires) ! Mais c’est encore mieux de le vivre sans le savoir avant. Il reste trois semaines super importantes. Je ne suis pas rassasié. J’ai pris tellement de retard durant pas mal de saisons, sans rien gagner, sans jouer de phases finales, que je veux en profiter à 100%. Reprendre au mois de juillet, sans avoir vécu ça, c’est délicat.

Le Leinster se dégage comme le favori naturel de la finale européenne. Qu’en dites-vous?

Si on regarde les demi-finales, je comprends qu’on les mette favoris. Mais une finale, tant qu’elle n’est pas jouée, il n’y a pas de vainqueur. Pour avoir joué deux finales, il y a toujours un favori mais ce n’est pas toujours le favori qui gagne ! Si jamais on avait peur de jouer une finale contre le Leinster ou Toulouse, on n’aurait pas fait tout ça. Maintenant qu’on y est, on va la jouer à fond. Si on est meilleurs, on gagnera.

Quel regard portez-vous sur cette province irlandaise?

Pour les avoir vu jouer contre Toulouse, c’est une équipe qui te tabasse pendant 40, 50, 60 minutes. Ils ne vont pas faire beaucoup de différence à ces moments-là, par contre, dans les vingt dernières minutes, t’as pris tellement d’impacts que tu baisses ta garde et les mecs en profitent. Tu subis tellement que tu ne peux pas tenir le rythme infernal. C’est leur système de jeu.

Vous vous attendez à un match de boxe en fait…

C’est exactement ça. C’est typique irlandais. Il n’y a pas beaucoup de jeu après contact, mais beaucoup de jeux au pied et de phases de jeu fermées. Ça fait leur force. Les trois quarts de l’équipe d’Irlande évoluent là-bas, ils jouent toute l’année ensemble. Pour eux, la coupe d’Europe, c’est le Graal. Je me suis rendu compte face à Toulouse qu’iIs ne perdent jamais leurs structures, il n’y a pas un mec qui se trompe. C’est du tableau noir. Les mecs connaissent leur rôle à 100%. Il n’y a pas de french flair, mais ça marche aussi.

"Une chose est sûre, si c’est Ihaia West qui joue à l’ouverture en finale, j’ai totalement confiance en lui pour les tirs au but. Il passe très vite à autre chose"

Comment les battre, dès lors?

Contre eux, le plus important, c’est les zones de collision. Sur les quatre premiers temps de jeu, c’est très structuré. Au-delà, quand tu ne gagnes pas la ligne d’avantage, peu importe l’équipe que tu es, ça devient plus difficile. Il va falloir réussir à les contenir et être discipliné. On va avoir aussi du boulot sur les jeux au pied de pression. Même si c’est sûrement l’équipe qui a roulé sur tout le monde durant la campagne européenne, on a les armes nécessaires face au Leinster. Et un staff de qualité qui nous permet de bien préparer ce match-là. Dès le coup de sifflet, le combat de boxe va commencer.

L’an passé, La Rochelle avait réalisé le plus grand exploit de son histoire en sortant Le Leinster avec autorité (32-23), en demie…

J’en entends reparler, en ce moment, bien sûr. Mais je n’ai pas encore vu le match. A cette époque-là, je ne suivais pas trop la coupe d’Europe, je restais concerné avec Paris, je regardais justes les résultats. J’avais été surpris. Les Rochelais les avaient fait craquer en fin de match, exactement ce que le Leinster essaye de faire. Ça avait marché. Est-ce que c’est ce qui marchera cette année ? Je ne sais pas. En tout cas, il faut trouver la bonne stratégie.

Là, des points laissés en route face aux perches pourraient être rédhibitoires…

C’est un paramètre important, c’est sûr. Oui, Ihaia (West) a eu un peu déchet sur ses tirs au but contre le Racing en demie (25% de réussite) mais, sur les derniers mois, il a été plus que performant. Ça arrive à tout le monde d’être moins performant. Une chose est sûre, si c’est lui qui joue à l’ouverture en finale, j’ai totalement confiance en lui pour les tirs au but. Ihaia passe très vite à autre chose.

Mesurez-vous l’effet du retour des chelemards – vous, Atonio et Alldritt – sur le reste du groupe rochelais, toujours en quête d’un premier titre majeur?

C’est vrai que personne n’a rien gagné au Stade Rochelais mis à part les internationaux et qu’une culture de la gagne se dégage depuis le retour des 6 Nations. L’effectif sait qu’on a les moyens de gagner sur les deux tableaux. Il y a une prise de conscience collective. Et individuelle. Pour ma part, je me dis que je suis encore capable de gagner malgré le fait que je n’ai rien gagné pendant pas mal d’années.

Vous voilà à une marche de faire coup double…

Je n’ai pas tendance à me contenter de ce que j’ai, j’ai envie d’aller voir plus loin. Je suis venu ici pour gagner. Pour l’instant, j’ai gagné un Grand Chelem avec l’Equipe de France mais le Graal, ça reste la coupe du Monde. En club, pour l’instant, on est en finale de Champions Cup mais le plus important est de la gagner. En Top 14, on est en posture de se qualifier. Mais pareil, il faut aller au bout. Donc il y a encore du boulot. Ce qui est fait restera mais je pense qu’il y a encore de belles choses à écrire.

Romain Asselin