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Dopage, un ancien pro brise l’omerta : "Tout le monde est complice dans ce système"

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Dopage - AFP

Stade 2 a consacré une enquête à un sujet tabou : le dopage dans le monde du rugby, en amateur comme au niveau professionnel. Anthony Martrette s'est livré à des confessions édifiantes sur certaines pratiques controversées, et parfois même dangereuses.

« L’enfer du décor ». C’est le titre de l’enquête menée par l’émission Stade 2. Le sujet, diffusé ce dimanche, est consacré au dopage dans le rugby. Plusieurs mois ont été nécessaires pour glaner de rares témoignages et ainsi briser l’omerta. Le résultat fait froid dans le dos.

« J’ai pris 10-15 kilos. On se sent plus fort à tous les niveaux »

En 15 ans de carrière – dont la moitié « chargé » –, Anthony Martrette a joué à tous les niveaux du rugby en France, jusqu’au Top 16 (devenu Top 14 en 2005). Avec l’ex-international Laurent Bénézech, il est l’un des premiers à parler ouvertement du dopage de son sport. Lui est tombé dedans « après une première grosse blessure ». « Il fallait que je reprenne la compétition le plus rapidement possible », explique-t-il. A l’époque, ce sont « des joueurs de l’équipe et des préparateurs physiques » qui lui ont proposé des produits « à base de testostérone ».

Les résultats se sont vite fait sentir. Blessé, Anthony Martrette s’est épaissi rapidement. « On peut s’alourdir parce qu’on n’a pas de compétition. On peut prendre du poids, de la puissance musculaire. J’ai pris 10-15 kilos », confesse-t-il. Il ajoute : « Ces produits ont une influence sur l’humeur et l’agressivité. On se sent plus fort à tous les niveaux ». Et il l’assure : il a vu ces pratiques « dans tous les clubs ».

« Une fois qu’on sait où chercher et ce qui fonctionne… »

« On voit l’évolution des joueurs en dix ans. Les joueurs ne s’entraînent pas plus, ce n’est pas vrai. Ils ont un autre carburant », poursuit Anthony Martrette, pour qui « tout le monde est complice dans ce système » car « tout le monde sait, c’est sûr ». Quand il a dû mettre un terme à sa carrière, le 3e ligne a ressenti le manque d’adrénaline et d’euphorie. Et alors, la tentation de recourir à des produits stupéfiants rôde.

Les plus jeunes ne sont pas épargnés. Rémi Jolivet peut en témoigner. A 22 ans, il reprend doucement le rugby. Il y a cinq ans, l’adolescent était un grand espoir. Et comme d’autres, il a touché au dopage. « « A 16 ans, on a des moyens. C’est de l’argent de poche mais il y a des choses qu’on trouve pour pas chères. Une fois qu’on sait où chercher et ce qui fonctionne… ». En quelques mois, il a pris 20 kilos de muscles. Et malgré un poids de 120 kilos, il parvenait à faire moins de 12 secondes sur 100 mètres.

Quand médecins et pharmaciens basculent dans l’escroquerie

Son corps n’a pas supporté ce traitement. Victime d’une double hernie discale, Rémi Jolivet a vu ses rêves de Top 14 s’envoler alors qu’il subissait une lourde opération du dos. Ces 18 mois de dopage lui ont coûté sa carrière et l’ont obligé à subir un traitement long et douloureux. Aujourd'hui, la reprise du sport est délicate.

Le monde médical tient aussi un rôle dans ce circuit opaque qui a permis à Anthony Martrette et à d’autres de passer à travers les contrôles. Stade 2 dévoile une arnaque à l’assurance maladie. Un joueur se fait prescrire des médicaments chers et remboursés pour une maladie qu’il n’a pas. Un pharmacien complaisant se fait rembourser mais ne commande pas les médicaments, en échange de quoi il fournit au joueur des produits dopants déstockés ou qu’il se procure, le tout aux frais de la Sécurité sociale. Anonymement, un pharmacien confie que cette escroquerie peut rapporter « entre 8 000 et 10 000 euros » par an.

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Nicolas Bamba