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"Le plus dur, c’est d’accepter que c’est terminé": les confidences de Paul Willemse, obligé d'arrêter sa carrière à 32 ans après de multiples commotions

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Le deuxième ligne international français Paul Willemse a annoncé ce lundi prendre sa retraite à 32 ans, après de multiples commotions, dont la dernière contre le Stade Français en octobre 2024. Il explique à RMC Sport les raisons derrière cette décision.

Paul, vous venez d’annoncer votre retraite ce lundi matin à 32 ans après de nombreuses commotions. Est-ce que cette décision a été difficile à prendre ?

Oui, ça a pris un peu de temps parce que c'était dur de l'accepter. J'ai essayé quand même de regarder toutes les possibilités et de voir s’il n’y avait pas une petite possibilité de revenir sur le terrain. Ce n'était pas possible. Je l’accepte maintenant. 

Pourquoi c’est si difficile à accepter ?

Parce que ce n’est pas comme les autres blessures. Tu ne sens rien dans ton corps donc tu as toujours l'envie de jouer. Tu sens que ton corps va bien, mais le médecin te dit "non". Même les symptômes qui me restent, tu te dis que ça va passer. Le guerrier qui est dedans, il te dit "Non, mais ça va… On prend un peu de temps, on va voir après trois mois". Et après trois mois, tu te dis "Non, on va voir après trois nouveaux mois." Mais en fait avec le temps, certains symptômes sont toujours là. Donc il faut prendre du recul et voir le risque qu’il y a par rapport à ce qu’il y a à gagner. Ce n'est pas très intelligent de prendre un risque après 12 ans de carrière pour ajouter encore une autre commotion avec un risque très élevé. Enlever un peu le stress à ma famille et mes proches, c'est le meilleur choix.

Cette carrière vient après une série de six commotions en une seule année, dont la dernière contre le Stade Français en octobre 2024. La commotion de trop donc…

Oui, c'est exactement ça. Après le dernier gros choc que j'avais pris, je m'étais mis en repos pendant quatre mois. Les spécialistes m'avaient expliqué à ce moment-là que j’étais un cas orange, qu’il fallait attendre de voir comment ça allait se passer dans le futur, mais que si je prenais un autre choc il y avait un grand risque et qu’il faudrait arrêter. Après quatre mois, premier match contre le Stade Français. Sur la première action, je porte le ballon, je prends un petit choc à la mâchoire, un truc normal que j'ai déjà pris mille fois. Sauf que celui-là m'a fait dormir deux ou trois secondes. Je suis sorti du terrain et je n'étais pas capable de passer le protocole. Et bien sûr, quand j'ai vu le spécialiste, il m'a dit que j’avais une fragilité qui n'était pas normale et que je ne pouvais plus être capable de faire ce que je faisais sur le terrain. Donc ça, c'était un peu dur.

Est-ce que vous avez encore des symptômes quasiment un an après la dernière commotion ?

Directement après, les sept premiers jours, tu as tous les symptômes: la sensibilité à la lumière, au bruit, tu vas avoir mal à la tête... Aujourd'hui tout ça a disparu. Mais le problème c’est que tu commences à avoir beaucoup d'autres sources de stress qui s'ajoutent aux symptômes. Tu rentres au lit le soir et tu es super stressé, tu commences à poser des questions: "Est-ce que c'est la fin?", "Qu'est-ce que je fais maintenant ?" Et là tout ça, ça commence à tourner la nuit donc tu ne dors pas et tu vois le soleil qui est en train de monter. Et quand tu n'as pas dormi, la tête tourne encore plus et donc tous les symptômes s'aggravent un peu.

Aujourd’hui, il me reste encore deux symptômes. J'ai encore un problème avec mes yeux: si je fais tourner très rapidement ma tête, ça me fait des nausées parce qu'il y a un œil qui est un peu en retard donc ça crée un déséquilibre mais ça s'est bien réglé avec une kiné vestibulaire. Et après si je joue avec les enfants à la lutte, j'ai quand même la tête qui augmente en pression et en douleur.

"Je me suis senti inutile. Pour la première fois je n’étais pas fatigué, je n'avais pas mal, mon corps allait super bien et j'avais beaucoup plus d'énergie. Je sentais que je devais faire quelque chose mais je ne savais pas quoi faire. "

On imagine que votre femme a poussé pour que vous preniez cette décision car elle était très inquiète ?

Oui, je crois que par rapport au rugby elle est contente mais maintenant elle a un autre enfant à la maison (rires). On doit trouver un nouveau rythme dans la maison parce que maintenant il n'y a plus un match à l'extérieur, il n'y a plus un tournoi à préparer. D’habitude je n’étais pas à la maison pendant cinq mois et maintenant je suis là tout le temps. Donc c'est un peu une adaptation pour moi qui n'ai pas l'habitude, et même pour elle. C'est mieux pour elle je crois, mais ça crée quand même beaucoup plus d'énergie dans la maison.

Vous êtes passé d’une vie très planifiée et très remplie à plus rien. Comment vous avez vécu cette dernière année ?

Je me suis senti inutile. Pour la première fois je n’étais pas fatigué, je n'avais pas mal, mon corps allait super bien et j'avais beaucoup plus d'énergie. Je sentais que je devais faire quelque chose mais je ne savais pas quoi faire. Et c'est là, quand tu as beaucoup de temps libre, que ton cerveau tourne à 1000km/h, donc ce n'était pas bien du tout pour moi. J"ai vécu un moment vraiment compliqué, mentalement j'étais un peu sombre. On te dit: "Tu es libre maintenant, tu peux ne pas mettre un réveil." Tu crois que c'est une bonne chose. Tout le monde rêve de ne pas mettre un réveil. Mais oui c'est bien pour deux, trois, quatre semaines mais après je me suis dit "Pourquoi je me lève?" Je voulais faire un peu de muscu, un peu d’entraînement mais pourquoi? Je n’avais pas besoin d’augmenter ma performance. Profiter des amis? J’ai 32 ans, il n’y a personne qui est à la retraite à mon âge, tout le monde bosse. Donc tu es seul, tout seul et il n’y avait rien qui se passait dans ma vie. J’ai reçu un conseil à ce moment-là: il faut être tranquille dans le calme. Donc j’ai décidé de me mettre confortable, de rester un peu tranquille et juste profiter du moment, profiter du temps que j’ai, de la liberté avec les enfants et avec la famille. Aujourd'hui je suis beaucoup mieux.

Le débat sur les commotions est revenu sur la place publique après la sortie de Sébastien Chabal. Est-ce que vous avez peur pour l’avenir ?

La commotion, c'est une blessure qui n'est pas comme les autres. Il y a beaucoup de joueurs qui le gèrent différemment, avec des symptômes différents. Aujourd'hui, on n'est pas encore là avec les technologies, avec les connaissances médicales pour dire exactement "Ah oui toi tu as une commotion grave ou toi tu n'as pas une commotion grave". Si j'ai oublié les choses, je ne peux pas te dire parce que je l'ai oublié (rires). C'est plutôt ma femme dont je prends le retour de temps en temps pour savoir s'il y a des différences. Mais tant qu'elle est contente qu’elle est tranquille, je sais que ça va. Je n’ai pas vraiment peur pour le futur. Les spécialistes sont confiants, ils pensent que les symptômes vont disparaitre car j’ai arrêté le rugby. Je pense que oui, j'ai arrêté au bon moment. Je suis content, je suis fier et je n'ai pas de regrets.

"Chanter la Marseillaise, c'était un des moments les plus touchants dans ma carrière. À ce moment-là, j'ai fermé le livre de l’Afrique du Sud et je me suis dit: 'Je suis vraiment là où je dois être'."

Difficile de sortir un moment de votre carrière longue de près de dix ans à Montpellier. Mais on imagine que la première Marseillaise avec le maillot bleu restera un moment spécial ?

Je choisis de ne me souvenir que du positif. Les mauvais souvenirs ce sont plutôt les souvenirs qui m'ont donné les challenges dans la vie et m'ont permis de m'adapter et de progresser. Chanter la Marseillaise, c'était un des moments les plus touchants dans ma carrière. À ce moment-là, j'ai fermé le livre de l’Afrique du Sud et je me suis dit: "Je suis vraiment là où je dois être". C'est un moment assez spécial pour moi. Il y a aussi mon premier essai pour le XV de France. Quand je revois la vidéo c’est émouvant. C'était un moment très impactant dans ma vie. Quand j'ai marqué cet essai-là, j'ai crié. C'était plutôt pour moi, pour me dire que j’avais fait les bons choix. C'était un moment franchement parfait.

Et maintenant, c’est quoi la suite pour Paul Willemse ? On a appris que vous entrainiez à Nîmes ?

Je ne voulais pas du tout revenir dans le rugby parce que les deux dernières années de ma carrière, ce n’était pas ça... Donc j'en avais marre un peu, je voulais couper. Mais retrouver le rugby ça m'a beaucoup aidé mentalement dans une période où c'était vraiment compliqué. Retrouver un peu le terrain, ça m'a aidé pour retrouver la confiance, trouver un peu qui je suis. Je suis consultant à Nîmes une fois par semaine. Ça me plaît beaucoup et puis je suis aussi capable de faire une ou deux mêlées (rires). Le matin après j’ai un peu mal aux épaules, ce sont des bonnes douleurs parce que ça fait un moment que je n'ai pas eu de douleurs au corps. On va voir comment ça avance. Il faut démarrer en bas et voir si c'est quelque chose où je suis bien parce que je ne sais même pas si je suis un bon coach. Et après je développe ma marque de complément alimentaire, une marque française

L’avantage de la retraite Paul, c’est que vous n’avez plus besoin de faire attention à votre alimentation…

J’ai bien pris du poids cet été, c’est vrai, j’ai fait beaucoup de barbecues sans penser à la préparation après. J'ai bien profité. Là je suis en train de rebaisser avec un régime un plus strict. Et en décembre, je vais rentrer en Namibie pour passer Noël avec ma famille et profiter d’un deuxième été, ça va être bien. Et il faudra faire un autre régime en janvier...

Propos recueillis par Julien Landry