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Réseaux sociaux, vidéos inside, joueuses impliquées: le défi de la communication autour de la Coupe du monde féminine de rugby

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Audiences record, engouement dans les stades anglais...depuis le début de la Coupe du monde en Angleterre, le rugby féminin bénéficie d’une mise en lumière jamais vue. Joueuses, fédérations et instances du rugby mondial cherchent à surfer sur cette vague, pour s’inscrire durablement dans le paysage sportif mondial.

"Vous avez pris des trentenaires, pour parler de Tiktok, c’est compliqué ! Il y a conflit de génération". Avant le match face à l’Irlande, Agathe Gérin et Séraphine Okemba s’amusent d’une question sur les nombreuses chorégraphies postées sur les réseaux sociaux par leurs coéquipières.

Et notamment par la très active centre Nassira Kondé. Danses, trends, moments de vestiaire, depuis l’arrivée des Bleues en Angleterre, la Bordelaise a posté une trentaine de vidéos à sa centaine de milliers de followers. Et reçoit des commentaires pour la plupart encourageants, contrairement à ses débuts sur la plateforme il y a quatre ans : "les gens s'y intéressent vachement plus, ils nous soutiennent vraiment, et c’est vraiment agréable de le faire, parce que le retour est positif".

Utiliser son image pour développer le sport

Ancienne internationale et consultante RMC pour la Coupe du Monde, Lénaïg Corson reconnaît l’intérêt de ces vidéos : "C’est hyper positif de parler de son sport et de casser les préjugés, c’est beaucoup pour ça qu’elle le fait. On sent qu’il y a aussi un enjeu autour de l'égalité, de l'éducation, de la culture du rugby féminin".

Aujourd’hui, les joueuses sont les meilleurs porte-voix de leur sport, les mieux placées pour le mettre en avant et balayer les clichés. Nassira Kondé en est bien consciente : "on est quand même vachement moins médiatisées que les garçons. Donc ça doit venir de nous aussi pour se faire connaître. C'est ce que j'essaye de faire et je vois que ça marche, donc tant mieux".

Ilona Maher, star internationale

Et la Française n’est pas la seule. De nombreuses joueuses sur le circuit mondial prennent leur image en main, et produisent du contenu autour du rugby. A commencer par la star américaine Ilona Maher, 5,2 millions d’abonnés sur Instagram (5x plus qu’Antoine Dupont) qui a su créer une économie autour de sa vie de joueuse. Victoires ou défaites, la médaillée de bronze en rugby à 7 aux Jeux de Paris 2024 poste sans relâche sur le terrain, dans les tribunes, presque toujours avec son rouge à lèvres fétiche. Lors du match d’ouverture, la vidéo la montrant haranguer la foule pendant l’échauffement avait fait le tour du monde.

“Des personnalités charismatiques comme Ilona Maher sont inestimables” confirme Sarah Massey, directrice Générale de la Coupe du Monde. “Son humour, sa confiance montrent aux jeunes femmes que le rugby est un endroit ouvert à tous. Le principe de “si vous le voyez vous pouvez le devenir” est puissant.

Le savoir-faire anglais

Les Anglaises, elles, ne sont pas en reste. Bien en avance sur la France dans le développement et la médiatisation de leur sport, les Red Roses ont bien compris l’importance de la communication. Ellie Kildunne, l’arrière anglaise, meilleure joueuse du monde en 2024 a ainsi lancé son propre podcast hebdomadaire "Rugby Rodeo", avec sa coéquipière Jess Breach, imitant Emily Scaratt et son "The Good, The Scaz and the rugby", lancé il y a quelques années.

Et pendant cette Coupe du monde, elles redoublent d’effort. L’ailière Abby Dow, fan de crochet, a offert des sifflets en maille aux arbitres et une rose à Kate Middleton, se mettant en scène sur les réseaux sociaux pour créer des séquences virales. D’autres se chargent d’animer les tribunes avec les tambours ou montrent leurs tatouages réalisés à chaque ville traversée. "Les Anglais savent qu’une joueuse qui fait parler d’elle va générer de l’économie", explique Lénaïg Corson, qui a terminé sa carrière outre-Manche. "Elle va faire parler de son club, de la Premiership, des Red Roses donc tout de tout un écosystème. Au départ, on préfère aimer quelqu’un qu’une équipe ou une fédération".

Clubs, ligues et fédérations sur le pont

Les clubs, le championnat, l’équipe nationale se dotent tous d’outils de communication pour développer leur sport. Le compte officiel de la Premiership, championnat anglais, est suivi par 48.000 personnes, cinq fois plus que celui du championnat français d’Elite 1.

Le compte Instagram de la sélection anglaise, quant à lui, a dépassé la semaine dernière les 102.000 abonnés, devenant la plus grande communauté de rugby féminin dans le monde. Sur ce compte, images de match, infos officielles, moments de vie, comme on retrouve chez les autres nations. Mais également de nombreux contenus auxiliaires, produits pour les réseaux sociaux. Les fans anglais, hommes et femmes, jeunes et vieux s’attachent aux joueuses, à ces Red Roses qui remplissent les stades depuis plusieurs années.

World Rugby au soutien des initiatives

Globalement, toutes les initiatives des joueuses sont largement soutenues par World Rugby, comme en témoigne Sarah Massey : "Dès le début, on avait la volonté de mettre en avant la personnalité des joueuses, et elles jouent le jeu à fond. Elles acceptent leur positions de modèles, et veulent s’engager auprès des fans, nous aidant à atteindre un nouveau public. On donne une caisse de résonnace à leurs efforts à travers nos canaux de communication, et en emttant à disposition des photos et des videos libres de droit.”

Tous les postes susceptibles de plaire et d’être partagés sont ainsi publiés sur les comptes des joueuses, des fédérations, de certains médias, pour toucher le plus grand nombre de spectateurs possible. Pour cette Coupe du Monde, chaque équipe disposait d’une accréditation supplémentaire destinée à la création de contenu en "inside".

Et les chiffres sont bons : plus de 420 000 billets vendus ; un pic à 4,6 millions de téléspectateurs sur TF1 pour le match entre la France et l’Irlande et 433 millions de vues sur les contenus vidéos mis en avant par World Rugby : "C’est une hausse de 160% par rapport à 2021", s’enthousiasme Sarah Massey. "Le plus excitant, c’est la nouvelle énergie qui arrive, plus de jeunes, plus de familles. 50% de nos spectateurs dans les stades n’avaient jamais assisté à un match de rugby, on se concentre sur l’idée de leur offrir la meilleure expérience possible".

Quelle résonnance en France

En France, l’engouement et l’attachement à une équipe se fait surtout via les résultats. Le président de la FFR Florian Grill salue tout de même déjà le parcours et le travail des joueuses : "J’avais dit qu’il y aurait un avant et un après Coupe du Monde, c’est au-delà de mes espérances. Avec ces filles on a des personnalités qui sont inspirantes et attachantes. Elles sont à la fois des sportives de haut niveau exceptionnelles mais aussi des femmes accomplies qui ont des vrais parcours de vie et la France se projette. La France a envie de se retrouver dans ces personnalités qui tracent la voie et font preuve de résilience".

Les Bleues, déjà adoptées par une grande partie du public pourrait faire un immense bond en avant dans le cœur des Français samedi, si elles viennent à bout de la meilleure équipe du monde et se qualifient en finale de la Coupe du Monde.

Pierre Thévenet