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Rugby: "Le XV de France est la meilleure équipe du monde", clame le Japonais Michael Leitch

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Le charismatique troisième-ligne du Japon Michael Leitch a répondu aux questions de RMC Sport avant la tournée d’été où son pays affrontera deux fois l’Uruguay les 18 et 25 juin puis le XV de France deux fois les 2 et 9 juillet. Si Leitch, 33 ans, n’est plus le capitaine des Brave Blossoms il reste un personnage central du quart de finaliste de la dernière Coupe du monde. Le Néo-Zélandais d’origine est enthousiaste lorsqu’il regarde les performances des Tricolores. Ce fan de Thierry Dusautoir place la barre très haut pour son équipe au Mondial 2023 et se confie sur l’originale reconversion dont il rêve.

Michael Leitch, quels souvenirs gardez-vous du match nul 23-23 face à la France lors de la tournée d’automne en 2017. C’a été un choc pour les Français de faire nul contre le Japon...

Des souvenirs très sympas de cette rencontre dans le nouveau stade du Racing, c’était plein, l’atmosphère était géniale, la France était sur une longue série de défaites (5), ils avaient perdu beaucoup de matchs et je me souviens que les fans huaient l’équipe de France. Je m’en rappelle parfaitement.

A cause du Japon, la France a totalement changé. Il y a eu un nouveau sélectionneur Jacques Brunel puis rapidement Fabien Galthié. La bonne passe française actuelle c’est un peu la faute du Japon...

(rires). Je m’en souviens. On avait là une grande chance de battre la France, ils étaient dans une période difficile avec 2 ou 3 ans où les tournois des VI Nations étaient difficiles, beaucoup de défaites, mais maintenant si tu regardes l’équipe de France c’est la meilleure équipe au monde, elle est très bonne. Elle est très excitante à voir jouer en vue du Mondial.

Sérieusement, si vous deviez faire un classement des équipes, vous mettriez la France en 1 ?

Je mettrais l’équipe de France en numéro 1. Ils sont très forts. Arrive la Coupe du monde, ils auront l’avantage d’être à domicile. Je sais ce que ça fait. C’est une équipe passionnante et avec les victoires les gens sont passionnés par ces joueurs, et quand les Français ont cette passion ils sont inarrêtables. On l’a vu dans le passé, en 2011, en poule ils avaient fait des matchs pas très bons et en finale ils avaient presque failli battre les All Blacks d’un ou deux points (défaite 7-8). Ce jour-là j’ai vu Thierry Dusautoir faire quelque chose comme 30 placages. Il était magnifique, depuis ce jour il est mon plus grand joueur. Si tu regardes l’équipe de France tu as de super joueurs Makalou, NTamack, Dupont, c’est vraiment une grande équipe

Quelle sont les grandes forces de l’équipe de France ? Vous avez cité Romain Ntamack et Antoine Dupont...

Je ne suis pas très sûr de moi sur les noms des joueurs mais quand ils jouent tu sens ce french flair, ils sont dominants aussi devant avec une bonne mêlée, bon dans les touches. Ce sera un bon test pour nous lors de ces tests d’été. Je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas vu beaucoup de rencontres récentes mais, dès qu’on aura fini les deux matchs face à l’Uruguay les 18 et 25 juin, on va sérieusement regarder comment joue la France, comment on peut contrarier leur attaque.

Est-ce que vous regardez le Top 14 ?

Je connais certaines équipes, j’en parle avec Kotaro Matsushima, l’arrière de Clermont. Il me dit que c’est un championnat très compétitif, avec plein de bons joueurs et où l’équipe de France est prioritaire.

L’équipe de France sera probablement amputée de ses meilleurs éléments retenus par la finale du championnat de France. Qu’est ce que cela change ?

Ca sera probablement plus dur encore parce que beaucoup de joueurs vont avoir cette chance de joueur pour le maillot bleu et là c’est leur opportunité pour faire partie de l’équipe qui sera à la coupe du monde. Il y aura beaucoup de joueurs qui auront très faim. Ceux qui viendront au Japon ne voudront pas laisser passer leur chance. La France reste l’une des meilleures équipes au monde et sera très compétitive, elle a une grande profondeur d’effectif, et on aura cette chance de les avoir en face de nous.

Vous avez prononcé le mot magique tout à l’heure, french flair...

C’est ce que je vois dans le jeu français. Je reviens à Dusautoir. Parfois, le XV de France peut être terrible, mauvais. Mais d’autres jours, il est fabuleux. Selon moi, c’est un déclic qui se fait dans la tête. S’ils le trouvent, ils sont inarrêtables. Ca se sent aussi quand tu les regardes, comment chaque joueur défend, pousse en mêlée ou attaque, c’est super à regarder. C’est une équipe passionnée pendant 80 minutes.

Durant cette tournée le Japon affronte deux fois l’Uruguay puis deux fois la France. Quels sont les objectifs en termes de jeu et de résultats ?

On a d’abord l’Uruguay puis la France. Nous n’avons pas gagné de test-match depuis novembre face à Portugal (60 à 5). Nous avons commencé à intégrer de nouveaux joueurs et il y a de l’expérience à prendre contre les équipes Tier-1 (les équipes du top niveau mondial, ndlr) comme la France. En ce qui me concerne je veux la victoire. Ca fait longtemps que nous n’avons pas battu une grosse équipe. Pour nous gagner ces deux tests serait super pour notre préparation et notre confiance en vue de la Coupe du monde.

Diriez-vous que ces rencontres face à la France sont un test de personnalité en vue de la construction du groupe japonais à la Coupe du monde ?

Pour l’instant nous avons pas mal de joueurs blessées. Pour aller à la Coupe du monde, pour se qualifier en quart de finale, tu as besoin d’une grande profondeur d’effectif. Ce mois de tournée va nous permettre de voir cette profondeur et ça va donner l’opportunité à plein de gars de jouer contre la France.

Dans une interview récente, vous avez dit que le Japon devait faire mieux en 2023 qu’à la Coupe du monde 2019, où vous aviez atteint les quarts de finale pour la première fois de l’histoire du pays (défaite 26-3 contre l’Afrique du Sud). Vous n’avez pas changé d’avis ?

Cela n’a pas changé. Nous devons continuer de progresser. Pour y arriver nous devons travailler sur notre profondeur de banc. Nous avons d’excellents entraîneurs dans chaque domaine, de très bons joueurs qui étaient déjà là en 2019, c’est important pour nous de continuer à progresser.

Vous avez un peu plus d’un an pour hausser votre niveau. Dans votre poule à la Coupe du monde vous serez avec l’Angleterre et l’Argentine...

Chaque poule est très difficile. On devra prendre chaque match très sérieusement. Ce sera important de garder le momentum que l’on construit cet été avec l’Uruguay, France puis à l’automne avec l’Angleterre et la France. C’est une belle opportunité pour se construire ça.

Trois ans après le parcours réussi lors de votre mondial à domicile sentez-vous que l’attente du public japonais est plus grande ? S’attend-il maintenant à ce que les Brave Blossoms se qualifient à chaque fois en quart de finale ?

Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question. Nous sommes toujours des outsiders lorsque nous arrivons dans une Coupe du monde. Je ne crois pas que le public a une telle attente sur nos performances. Pour eux, c’est davantage la façon dont on joue qui est importante. En interne, un bon match ne nous suffit pas, nous voulons la victoire. Nous n’allons pas à la Coupe du monde pour participer mais pour gagner. On veut à la fois gagner et rendre nos fans heureux.

En 2019, vous étiez capitaine. Il y avait beaucoup de pression sur vos épaules. Après cette épopée, la retombée a été plus dure pour vous ?

C’était une expérience super. J’étais très fier des joueurs et de comment l’équipe a inspiré le pays tout entier. Beaucoup d’équipes ont regardé le Japon. Nous n’étions plus une équipe qui souffre dans une Coupe du monde. Progresser et être favori sur des matchs, c’est une grande fierté. Avoir été le capitaine de cette équipe sera probablement le moment fort de ma carrière.

Vous n’êtes plus le capitaine du Japon. Pourquoi ? Vous aviez dit 'un capitaine doit être un leader et être à 100% si ce n’est pas le cas, il ne peut pas l’être". C’est ça ?

Oui. Vous savez l’entraînement avec l’équipe nationale est extrêmement dur. Il faut être leader dès l’entraînement puis en match. Je ne pouvais plus le faire. Après la Coupe du monde j’ai subi six opérations chirurgicales. Mon corps était cassé. Je ne pouvais plus tenir les mêmes standards. J’ai eu une conversation avec Jamie Joseph (le sélectionneur, ndrl) qui m’a relevé de cette fonction.

J’ai lu que vous aviez l’ambition de devenir en quelque sorte manager de la sélection de Mongolie. C’est vrai ?

Mon grand objectif est de faire grandir le rugby en Asie. Le Japon est depuis longtemps la meilleure équipe mais nous ne sommes plus impliqués avec les cinq meilleures nations asiatiques. Mon idée est d’aller en Mongolie, de trouver de bons joueurs là-bas, de les faire venir au Japon. Il y a déjà un joueur dans ce cas, il est au lycée et en chemin pour représenter le Japon. Un jour j’aimerais aller en Mongolie et être le sélectionneur national pour les aider dans la campagne asiatique de qualification.

La Mongolie où il y a d’excellents judokas et les meilleurs sumos de la planète, c’est malin...

Oui. C’est ce que je pensais. Tous les meilleurs sumos sont Mongols. Je pourrais trouver un gamin prometteur et en faire un bon pilier, costaud, et l’envoyer en France dans la Top 14 (rires).  

Morgan Maury