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Marconnet: "Le Stade Français, c’est du lourd"

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L’ancien pilier international aux 84 sélections, Sylvain Marconnet, a passé douze saisons sous le maillot du Stade Français, y gagnant cinq Boucliers de Brennus. Avant le derby face au Racing 92 dimanche (16h50), il livre son sentiment sur le renouveau de son club de cœur, sa relation très forte avec l’actuel entraîneur des avants et ancien coéquipier Pieter De Villiers mais également sur la rivalité entre les deux clubs et un match qu’il annonce "magnifique".

On ne peut pas évoquer le Stade Français sans vous parler en premier de Pieter De Villiers, votre ancien coéquipier durant de longue années sous le maillot parisien ou celui du XV de France. Quel regard portez-vous sur son parcours d’entraîneur et le fait qu’il soit revenu au Stade Français?

Pieter avait fait un choix assez surprenant lorsqu’il a arrêté le rugby, celui de rentrer en Afrique du Sud pour mener à bien un projet familial. J’étais surpris de le voir partir parce que je pensais qu’après tant d’années en France, il était plus Français que Sud-Africain. Mais il avait ressenti ce besoin. Puis rapidement, il a bifurqué sur le rugby et ça n’a surpris personne. Car quand il était joueur, Pieter était déjà très rigoureux, très méthodique dans son approche des matchs. C’est ce qui nous a fait penser qu’il allait rapidement entraîner. Alors quand il est rentré dans le staff des Springboks, tout le monde a vu que c’était un garçon de qualité. Il a fait son bonhomme de chemin. J’espérais le voir rentrer plus tôt en France, il s’est fait attendre (sourire)!

En tous cas, nous les anciens, on est tous ravis qu’il intègre le staff du Stade Français parce que je crois que c’est un pilier du projet de Heyneke Meyer, lequel n’a pas la culture latine et je sais qu’il se repose sur cette "double casquette" de Pieter. Pour le voir régulièrement, je sais qu’il prend beaucoup de plaisir, il mesure la chance qu’il a avec ce groupe de qualité et il a des gens qui le soutiennent autour de lui. En tous cas je le sens vraiment épanoui, tout comme ses enfants qui avaient le souhait de revenir en France. Tout ça, ça fait vraiment plaisir.

Est-ce important d’avoir une personne comme lui au sein du Stade Français, comme une caution des grandes années du club?

Je ne sais pas s’il faut faire un lien avec l’histoire. Aujourd’hui, le rugby a changé, le Stade Français a changé. A son arrivée, l’ancien président Thomas Savare a fait appel à des anciens, avec des résultats mitigés. Derrière, il a pris une option différente. Je crois que là, on est encore dans une autre approche, avec un entraîneur de calibre international, avec une grosse expérience. Et cette personne a pris un historique du club. Je ne sais pas si c’est un plus. Nous, en tant qu’anciens, on le pense. Un "ami" à l’intérieur. Mais ce sont ses compétences, ce qu’il a développé en Afrique du Sud, qui font qu’on l’a pris. Pas en tant qu’ancien, juste en tant que référent dans son travail. Polyglotte aussi. Après, il connaît l’environnement parisien. On peut vite s’y perdre quand on arrive de province. Et je sais que Pieter est très proche des joueurs en terme de management. Ça compte.

L’image de cet ancien joueur appartenant à une période dorée, au sein d’un nouveau staff international, est quand même appréciable?

Très clairement. Et puis ça permet à l’environnement du club de revoir des anciens. Ce n’est pas que nous étions partis. Nous avons toujours été bien accueillis sous l’ère Thomas Savare, mais nous n’avons pas plus fréquenté que ça le Stade Français. Aujourd’hui, des anciens reviennent et je pense que Pieter y est pour beaucoup. Bien évidemment, ça fait un lien avec l’histoire. Bien évidemment, c’est important médiatiquement. Car je vois peu de déclarations de Heyneke Meyer. Je vois surtout Pieter De Villiers. Et ça, c’est bien, qu’il soit quelque part le porte-parole de ce projet. Parce que je sais qu’il est ravi de travailler avec Heyneke, ça se passe vraiment très bien. Et tant mieux pour le club.

"Pieter De Villiers, un frère"

Et sentimentalement, que représente Pieter De Villiers pour vous?

C’est un frère. On a passé plus de dix ans ensemble, que ce soit en équipe de France ou au Stade Français. Ce sont des souvenirs indélébiles. Chaque fois qu’on se retrouve, on a toujours le même plaisir. C’est vrai que je suis ravi qu’il soit revenu parce que je lui avais promis d’aller le voir en Afrique du Sud et puis les années passent trop vite. Là, on a déjà dîné trois fois ensemble et je pense que ça lui fait du bien parce que je ne suis plus dans le sportif à proprement dit.

Ça lui permet de couper un peu avec ce monde pressurisé et des objectifs qu’il a au quotidien. Et malgré le fait que l’on ait vieilli, à chaque fois on finit tard et le lendemain, c’est compliqué (sourire). Mais toujours avec la banane, parce qu’on est vraiment deux amis. Avec ce qu’on a vécu, sportivement et en dehors du terrain, ça va bien au-delà. Je suis allé dans sa famille, il est venu dans la mienne, c’était mon témoin de mariage… c’est vraiment quelqu’un de très important dans ma vie et c’est réciproque. Et de le revoir à Paris, ça me remplit de joie.

Venons-en au Stade Français, son projet, ses débuts convaincants. Quelque chose en lequel vous croyez?

Oui. C’est du lourd. Je crois qu’avec Thomas Savare, c’était aussi du lourd, mais peut-être un petit peu moins ambitieux. Thomas est arrivé dans une situation de crise, il s’est senti investi d’une mission et a fait ce qu’il pouvait, en laissant beaucoup d’argent. Hans-Peter Wild vient avec des moyens supplémentaires, une vraie dynamique pour remettre son équipe en haut du panier. Aujourd’hui, c’est clair que c’est l’équipe un peu surprise. Je me doutais que ce serait une grosse cote de cette saison. Maintenant, leur démarrage nous bluffe pour l’instant.

Le Stade Français ne retrouve-t-il pas sa place, tout simplement?

Bien évidemment. C’est vrai que le Stade Français, depuis une dizaine d’années, n’a pas une trajectoire linéaire. Ils ont enchaîné un titre de champion de France, puis des soubresauts qui les ont placé dans le ventre mou du championnat. Je pense que pour l’intérêt du rugby, et l’intérêt du rugby à Paris, on a besoin d’une équipe compétitive. Si on prend le voisin du Stade Français, le Paris Saint Germain, ils sont redevenus compétitifs à partir du moment où ils ont gagné, à partir du moment où ils ont su se replacer sur l’échiquier international.

Aujourd’hui, on parle du championnat domestique, mais à Paris, il y a tout pour avoir un très grand club. Après quelques balbutiements, Hans-Pieter Wild donne les moyens d’exister et on espère que ce sera durablement. Et en plus, ce qui me plaît dans ce projet, c’est que même si on a un staff international, on a su conserver les jeunes qui ont été formés au club et on a su être attractif pour d’autres internationaux qui n’étaient pas Parisiens. Et pour en avoir discuté avec Pieter (De Villiers), ils veulent vraiment devenir l’usine à champion du XV de France à l’avenir. Il me dit 'quand on regarde le recrutement pour la saison prochaine, on se dit: qui va-ton pouvoir amener en équipe de France?'. Parce qu’ils ont conscience que le Stade Français, dans ses plus belles années, avait un rôle de fournisseur d’internationaux.

Et ils veulent retrouver cet ADN. Et ça me plaît parce que, quelque part, les gens vont se retrouver dans ces internationaux français. Ils iront chercher quelques stars, car il en faut pour remplir le stade, mais cette philosophie, de se dire qu’on a aussi une mission de fournir le XV de France, qui avait été un peu occultée pour parer au plus pressé, est une vraie stratégie.

"Le Racing est un club de province"

Ça donne du piment au derby qui arrive face au Racing 92?

D’autant plus. Aujourd’hui il y a deux équipes extrêmement performantes. Deux présidents qui ont mis beaucoup de moyens: Jacky Lorenzetti, son stade, son effectif pléthorique et un collectif qui marche bien depuis quelques années. Et le Stade Français qui revient dans la course après quelques années à se chercher. Paris a aussi besoin d’un derby pour faire parler du rugby dans la capitale.

Pour amener du monde dans les stades et pour générer une forme de ferveur qui n’a jamais vraiment existé parce qu’il y avait toujours un des deux clubs qui paraissait supérieur et finalement le derby semblait "pipé", au moins dans la finalité du championnat. Tandis que cette année, on a deux équipes qui peuvent prétendre être aux avant-postes, à être championnes. Ça va amener beaucoup de piment. Les grandes équipes se construisent aussi sur ce genre d’événement. Pour avoir fini à Biarritz, je connais les derbies. Ça va être magnifique.

Y a-t-il une vraie rivalité entre les deux clubs aujourd’hui? Un antagonisme?

Non, pas d’antagonisme. Il y a le club de la capitale, le Stade Français s’appelle Paris. Comme disait Max Guazzini (l’ancien président du Stade Français, NDLR), le Racing est un club de province. De province bourgeois. Mais quelque part, c’est plus anciennement un derby de présidents, qui n’avaient pas du tout la même philosophie, qui se battaient par médias interposés.

Moi pour mon époque, le derby était plus avec le Stade Toulousain, qui était l’équipe à battre. Aujourd’hui, ça a changé, parce qu’il y a deux équipes compétitives. Je crois qu’il y a une histoire à écrire. Je le répète, Paris a besoin d’événement comme ça. Et effectivement, ce sont deux clubs avec deux philosophies. Un club de la capitale extrêmement fun, un peu strass, paillettes. Et un club un peu plus froid, du 92, mais qui a des arguments à faire valoir et qui a su se construire un palmarès. Donc ça va être un match magnifique.

Propos recueillis par Wilfried Templier