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Pourquoi les demi-finales du Top 14 sont devenues la grande fête du rugby français

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Depuis 2011, les demi-finales du Top 14 se déroulent dans une seule et même ville. De Marseille à l’époque, jusqu’à Lyon cette année, l’espace d’un week-end, c’est devenu le point de rendez-vous de des amateurs de rugby. Et un succès à la fois populaire et économique.

Jean-Pierre, Gilbert et leurs amis n’en ont jamais loupé un. Depuis 2011, de Marseille à Lyon, en passant par Lille, Nantes ou Rennes, sans oublier Saint-Sébastien, pour ces supporters du Stade Toulousain, la routine sur ce rendez-vous est immuable: une fois les précieux billets des demi-finales récoltés, fruit d’une organisation sans faille à plusieurs devant les ordinateurs, le planning du week-end est souvent le même. A Lyon, Jean-Pierre, responsable de la logistique, nous dévoile le programme: "On arrive jeudi soir, on a réservé un dîner dans un bouchon réputé. Le vendredi, on va visiter. On ne sait pas encore ce que nous ont réservé nos épouses, car ce sont elles qui s’occupent de ça. Mais on n'est pas inquiets. Le samedi, on va faire une croisière sur le Rhône et la Saône. Et donc on va déjeuner aussi sur le bateau et ça nous laissera le temps d'aller vers le stade pour voir la deuxième demi-finale".

Toulouse ou pas (le Stade Toulousain a joué neuf des quatorze demi-finales dans cette configuration), ces mordus, entre huit et dix chaque année à se déplacer, ne louperaient pour rien au monde le déplacement. Avec Marseille comme meilleur souvenir, "et un logement avec le Vieux Port face à nous et la Bonne Mère derrière, c’était magnifique", dit Gilbert. Mais surtout, l’atmosphère que dégage ces séjours. "Il y a une bonne ambiance entre tous les supporters", reprend Jean-Pierre. "Il n'y a jamais d'accrochage, ça se passe bien. Le partage qu'on peut avoir avec les autres, parce qu'il n'y a pas que des supporters des équipes qui sont qualifiées. Ces gens se retrouvent à ne pas avoir leur équipe sur le terrain, mais ce n’est pas grave. C'est vraiment un moment de partage et de convivialité. Il arrive même qu'avant le match, on fasse des pique-niques et que l’on partage spontanément ce que tout le monde a amené. Et c'est vraiment sympa".

Entre 20 et 25 millions d’euros de retombées pour la ville, 8 millions pour le rugby français

A Lyon, le Top 14 va une nouvelle fois surfer sur son engouement populaire. Alors que le championnat vient de battre son record d’affluence (2,9 millions de spectateurs sur la phase régulière, plus de 16.000 personnes par match et huit clubs sur quatorze qui ont battu leur record de spectateurs cette saison), ce sont quasiment 120.000 personnes qui vont se croiser le temps d’un week-end autour du Groupama Stadium, mais aussi dans la ville. Village de la Ligue Nationale de Rugby place Bellecour, animations sur le parvis du stade avec Fan Zone et accès à la LDLC Arena avec "DJ Set", il y en aura pour tout le monde. Au point de quasiment supplanter la finale du Stade de France. "On préfère toujours aller aux demi-finales", explique Gilbert. "Déjà on y passe quatre jours et on a toujours fait comme ça. Et puis les finales sont tellement chargées d'émotion, de pression, qu'on n'a pas forcément de supers matchs. Il faut aller à Paris, le Stade de France, ce n'est pas quand même un stade qui est très convivial. Donc c'est un petit peu aussi pour ça qu'on ne va pas aux finales".

Retour sur les demies. Les dirigeants du rugby français peuvent savourer au moment de dresser le bilan. "Je crois que c'est une réussite et que ces demi-finales sont un peu à l'image du Top 14 qui ne cesse de prendre chaque année encore plus d'importance, avec un engouement populaire et médiatique croissant. C'est un des plus grands événements de rugby de club sur la scène internationale", constate Emmanuel Eschalier, le directeur général de la LNR. Et qui dit succès populaire, dit aussi économie qui va avec. "Les retombées économiques s’établissent entre 20 et 25 millions d’euros par édition pour la ville hôte. Et pour le rugby français, l'impact direct, ce sont des revenus liés à la billetterie, aux hospitalités, à tous les revenus complémentaires les jours de match qui sont très significatifs, qui varient selon les villes et selon les stades, évidemment, à leur capacité d'accueil. Mais qui comptent de façon significative dans le budget de la Ligue. Je pense qu'on est sur un niveau de revenus direct, hors droit TV et hors sponsoring, qui eux sont commercialisés dans l'année, qui dépassera les 8 millions d'euros pour cette édition lyonnaise".

"On ne s'interdit pas d'aller une nouvelle fois à l’étranger"

L’an prochain, les demi-finales reprendront la direction de Marseille, pour la troisième fois en quinze ans, puis de Bordeaux l’année suivante. Avant d’autres destinations, plus inédites, comme le fut Saint-Sébastien en 2023? "On ne s'interdit pas d'aller une nouvelle fois à l’étranger", avoue Eschalier. "Il y a aussi une volonté de notre part d'aller dans des régions qui ne sont pas des régions de rugby professionnel et forcément implantées. On est allé à Nantes, on est allé à Rennes, on est allé à Lille également". La capacité et même la qualité du stade est incontournable. A l’exemple de Bilbao, qui accueillera finales européennes l’an prochain. Pour la finale, les dirigeants regarderaient du côté de Barcelone, après la finale de 2016 (record d’affluence pour une finale avec plus de 99.000 spectateurs) avec un nouveau Camp Nou, récemment rénové. "C’était à l’époque une gigantesque réussite. Je le répète, on ne s’interdit rien", avance Eschalier.

Wilfried Templier