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Top 14 : pourquoi le Stade Toulousain est dans le rouge

Top 14 : pourquoi le Stade Toulousain est dans le rouge

Top 14 : pourquoi le Stade Toulousain est dans le rouge - AFP

ENQUETE RMC SPORT. Des difficultés financières, des résultats sportifs décevants par rapport au passé et une bataille interne pour mener les destinées du club. Au Stade Toulousain, la situation entre le terrain et les coulisses semble suivre une même courbe. Mais après des années de succès, les voyants sont au rouge.

1,2 millions d’euros. Voici le montant que pourrait atteindre le déficit des comptes du Stade Toulousain. « Et encore, on peut pousser à 1,5 millions » lâche un proche du club. Déjà constaté la saison passée – de 600 000 euros, il avait été réduit à 250 000 grâce aux revenus issus du match de barrage perdu face au Racing à domicile – le trou s’est creusé. Difficile de savoir à combien il s’élève précisément. Le club peut toujours compter sur ses fonds propres (on parle de 5 millions d’euros) détenus par les Amis du Stade, l’association qui possède le complexe Ernest-Wallon et 25% du capital du Stade Toulousain. Mais les avis des habitués d’Ernest-Wallon sur la conjoncture actuelle n’incitent pas à l’optimisme.

D’ailleurs, pour la première fois depuis très longtemps, le volume et la valeur des partenariats a diminué au Stade Toulousain. D’ordinaire, il montait chaque année, dans une fourchette de l’ordre de 5 à 15%. Pas cette saison, bien au contraire. Et le tremblement de terre occasionné par la réflexion d’Airbus de se retirer du maillot de l’équipe première au mois de septembre dernier illustre bien les embûches que connaît le club depuis des mois. Car tout cela arrive dans un contexte plutôt morose. Depuis presque deux saisons, le Stade Toulousain ne dispose plus du Stadium de Toulouse pour délocaliser ses matchs. En travaux en vue de l’Euro 2016 (travaux qui devaient s’achever en octobre 2015 mais qui ont pris du retard), l’enceinte permettait jusque-là de dégager un bénéfice de 400 000 euros par match joué des « rouge et noir ». Avec deux ou trois délocalisations par saison, le calcul est vite fait…

Aucun match à guichets fermés

Sauf qu’actuellement, il est difficile d’imaginer le club remplir ce Stadium… puisqu’il peine déjà à le faire avec son stade fétiche d’Ernest-Wallon. Le constat est implacable : aucun match ne s’est joué à guichets fermés cette saison. En Top 14, par rapport à la saison dernière, la chute est en moyenne de 400 spectateurs par match (15 955 contre 16 355). En Coupe d’Europe, si la baisse est moindre, elle est réelle (15 734 contre 15 862). Comme un symbole, on garde en mémoire le match décisif de Champions Cup perdu face à Bath un dimanche après-midi de janvier, disputé devant « seulement » 16 061 spectateurs.

Pour mémoire, lors de la saison 2011-2012, la dernière où le Stade Toulousain a décroché un titre (Bouclier de Brennus), l’affluence moyenne en championnat était de presque 21 000 supporters (20 948). Et peu de temps avant, des rencontres de poule de H Cup pouvaient se jouer à guichets fermés au Stadium, contre Leicester, les Harlequins ou encore… Bath. Autant dire que dans ces conditions, une non-qualification pour la prochaine Champions Cup et la manne qui va avec serait très difficile à assumer. Impossible de subir une nouvelle baisse de billetterie. Et pourtant… Sportivement, le Stade Toulousain est sur un fil. Actuel 6e du Top 14, il n’est pas encore sûr de voir les phases finales au printemps et donc la prochaine grande Coupe d’Europe… Pire, selon un membre du Conseil de Surveillance, « le budget de l’actuelle saison est tablé sur une qualification en quart de finale de Coupe d’Europe et au minimum sur un barrage à domicile en Top 14. Si l’objectif n’est pas atteint, le déficit pourrait monter à 1,6 voire 1,7 millions d’euros ».

« Ils sont hyper en retard sur le recrutement »

Un autre facteur – certainement lié – inquiète les observateurs : à mi-mars, le club n’a toujours pas recruté de joueurs pour la saison prochaine. Du jamais-vu selon un agent bien implanté en France, qui a préféré garder l’anonymat : « A une période où les cadors ont bouclé leur recrutement, le Stade Toulousain n’a pas commencé le sien ! C’est très rare. Je n’ai pas souvenir d’un Toulouse aussi peu actif. Même si ils n’ont jamais eu de grands besoins en matière de recrutement, qu’ils se contentaient de trois, quatre arrivées, ils étaient souvent les premiers à réagir. Là, ils sont hyper en retard ».

Le phénomène avait commencé la saison passée. Si l’Anglais Toby Flood avait donné son accord en décembre puis signé en mars, les Flynn, Tialata, Palisson ou encore Harinordoquy avaient été recrutés au printemps (en juin pour Harinordoquy !). Et force est de constater que, contrairement aux Toulon, Racing ou Clermont, le club n’attire plus de cadors du rugby mondial. Le dernier étant McAlister en… 2011. « Je serais moins sévère sur ce plan-là, ajoute l’agent. Toulouse reste une place forte du rugby. Le club a toujours la capacité à attirer de grands joueurs ou des jeunes prometteurs. Le seul problème aujourd’hui, c’est que quand vous parlez avec des acteurs du rugby, qu’ils soient présidents, managers ou joueurs, la phrase qui revient est la même : il y a quand même un souci à Toulouse. »

Novès à l’assaut de la présidence ?

Les nuages qui se sont amoncelés au-dessus d’Ernest-Wallon en décembre au moment du renouvellement du Conseil de Surveillance ne se sont pas dissipés. Malgré la bonne entente de façade, les tensions entre le président René Bouscatel et son manager Guy Novès n’ont pas disparu. Selon certaines sources proches du club, ce dernier, qui avait allumé la mèche dans les médias, serait même prêt à aller à l’assaut de la présidence (le renouvellement du mandat est pour 2017) avec le soutien d’un sponsor de poids (on parle de Fiducial, récemment entré dans le capital du club, voire d’Airbus). Et à en prendre le contrôle.

Il y a toujours aussi cette enquête en cours concernant les comptes du club à la suite de la plainte déposée par l’ancien président du Conseil de Surveillance, Eugène Passerat. Elle s’occupe de faire la lumière sur les relations entre le Stade Toulousain et sa régie publicitaire « A la Une », dirigée par l’ancien 3e ligne Didier Lacroix. Bref, les couteaux sont de sortie. « Les problèmes de pouvoir, de personnes, ont toujours existé dans beaucoup de clubs, poursuit notre interlocuteur. Mais là, c’est différent. Un, c’est le Stade Toulousain. Et deux, ses résultats ne sont pas à la hauteur du passé du club. Au lieu de jouer le titre, ils jouent maintenant la qualif’. Si Toulouse était deuxième du Top 14 on n’en parlerait pas. »

D’autant que dans ces luttes de pouvoir, certains ont tout intérêt à laisser fuiter ces chiffres témoins de la difficulté actuelle du club. « Ce type d’info ne serait jamais sorti il y a dix ans, estime cet agent. Jamais une telle affaire juridico-administrative aurait été mise sur la place publique. Tout ça alimente la rumeur d’un problème en interne au Stade Toulousain. » L’incertitude va même jusqu’au staff. Comme un symbole, la phrase cette semaine de l’entraîneur des avants William Servat, en fin de contrat en juin et interrogé sur son avenir : « Je n'ai pas d'information de la part du Stade Toulousain. Guy Novés m'a dit qu'il devait en discuter avec le président Bouscatel. Mais c'est vrai qu'à trois mois de la fin de mon contrat, je regarde à droite et à gauche ce qui se fait. C'est un peu particulier. Ça fait 23 ans que je suis là, donc j'espère que quelqu'un me dira quelque chose avant la fin de la saison. Mais bon, c'est arrivé à d'autres de ne pas savoir. On verra, on va attendre ». Au Stade Toulousain actuellement, pas grand monde n’a de certitudes… 

Wilfried Templier avec Maxime Raulin