"Urgence", recrutement, avenir: Pelous analyse la situation de Toulouse

Fabien Pelous, le directeur du rugby du Stade Toulousain - AFP
Fabien Pelous, à huit journées de la fin de la phase régulière du Top 14, le Stade Toulousain est 8e, à quatre points de la 6e place. Est-ce que la venue de La Rochelle revêt un caractère d’urgence ?
Oui, bien évidemment. Il y a urgence à gagner des points à la fois sur le terrain et au classement. Il ne faut pas louper le wagon parce que le train n’attend pas en Top 14. On a grillé tous nos jokers, le dernier contre Pau à la maison et un autre à Montpellier, où on revient sans rien alors qu’on fait un bon match. Donc évidemment, il y a un caractère d’urgence.
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Comment relancer le Stade Toulousain, qui dominait le rugby à une époque ? Y a-t-il un plan ?
La philosophie, elle est très claire et je pense qu’elle se traduit à travers ce qui se passe sur le terrain : on possède le centre de formation qui a le plus de résultats en terme de formation de joueurs. 80% de nos éléments deviennent professionnels, pas forcément au Stade Toulousain d’ailleurs, alors que les autres sont entre 40 et 50%. Donc on est très efficace et on va s’appuyer sur cette formation pour reconstruire notre équipe et garder une performance sur le terrain. Les vingt dernières années du Stade Toulousain sont exceptionnelles. Avec le leadership sur le rugby français, et un peu européen, durant vingt ans. Je pense qu’il faut sortir de l’idée que ça allait durer éternellement. On est dans cette phase de reconstruction et on est dans une concurrence beaucoup plus exacerbée qu’avant. Et donc les choses fluctueront beaucoup plus vite que par le passé, où on a eu des cycles avec Lourdes, Béziers et Toulouse. Ces cycles-là seront beaucoup plus courts parce que le modèle du rugby professionnel n’est pas fait pour qu’un club ait le leadership pendant des années et des années.
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Aurait-on tort de croire à une dégringolade des résultats du club ?
Mais par rapport aux résultats des années précédentes, évidemment qu’il n’y a plus de titres ou le leadership qu’il y avait avant. Mais en terme de performances, on voit le Stade Français il y a deux ans ou le Racing l’an dernier, qui lui a mis beaucoup de moyens, mais qui a eu sur les phases finales, des coups de chance, des coups du sort, qui lui permettent d’être champion de France. Et je pense qu’on vivra plus ce genre de choses dans l’avenir, plutôt qu’une équipe qui domine le championnat de la tête et des épaules sur toute la longueur et qui est championne à la fin. Alors, il faut se donner les moyens d’être concurrentiels et performants. Mais du leadership comme on l’avait, je pense qu’il faut en terminer avec cette idée.
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Qu’est-ce qui coince actuellement dans le jeu du Stade Toulousain ?
Il me semble que ce que nous proposons sur le terrain est assez cohérent. On a ce problème de finition qui ne nous permet pas de concrétiser les bonnes situations que l’on se crée. Que ce soit dans le jeu à la main ou dans le jeu au pied, on a ce manque de performance sur la finition, qui pour l’instant est rédhibitoire. Je crois quand même qu’on est une équipe solide sur notre conquête, sur le fait qu’on puisse se créer des occasions et bien défendre, et malgré tout on n’arrive pas à concrétiser. On est la deuxième défense du championnat et en attaque, on est assez pauvre alors qu’on fait partie des trois équipes qui franchissent le plus les défenses adverses. C’est assez paradoxal : on défend très bien, on franchit beaucoup et on est 8e du championnat. C’est donc le problème de finition qui fait qu’on ne concrétise pas les occasions que l’on a.
Après le match à Montpellier, Maxime Médard disait : "Je n’ai pas envie de faire partie de l’histoire". Le Stade Toulousain a vécu toutes les campagnes de Coupe d’Europe. Quelles seraient les conséquences d’une non-participation à la prochaine Champions Cup ?
On n’est pas encore dans les conséquences. Il nous reste huit matchs à jouer. En gros, un tiers du championnat. Alors, aux deux tiers du championnat, en étant à quatre points de la place qualificative, on va réfléchir aux conséquences ? Non, je crois qu’on n’est pas dans ce temps-là. On est dans le temps où il faut réfléchir aux solutions pour se sortir de ces huit matchs et se qualifier. On ne va pas penser aux conséquences maintenant.
N’est-ce pas se voiler la face ?
(surpris) Se voiler la face ? Non… Se voiler la face, ce serait justement se dire : c’est fini, on arrête car on n’a pas une équipe compétitive. On a une équipe compétitive ! Une équipe qui a des atouts, des armes et qui a aussi des faiblesses. Essayons de travailler sur ces faiblesses pour que sur ces huit matchs qui restent, on se donne les moyens d’aller chercher la qualification. A un moment, il faut arrêter de noircir le tableau.
On le noircit trop autour du Stade Toulousain ?
On est qualifié en quarts de finale de Coupe d’Europe et on a encore notre destin en main en championnat. Oui, peut-être qu’on a plus d’attentes par rapport au Stade Toulousain qu’on en a pour d’autres équipes. Il n’empêche qu’on a encore de belles journées à vivre jusqu’à la fin de la Coupe d’Europe et du championnat.
La Rochelle arrive dimanche avec l’habit de l’attraction du Top 14 cette saison. Quel regard portez-vous sur cette équipe ?
C’est une équipe qui joue beaucoup à une passe, qui a un profil de défi, notamment sur ses avants. Mais elle sait profiter des opportunités, du déséquilibre, que créent les avants. Et je crois que les Rochelais ont trouvé le bon compromis entre la puissance et l’envie de jouer quand ils sont dans les zones de marque. Ça leur permet d’être hyper efficaces. C’est une équipe difficile à jouer et l’arrivée de Brock James leur a donné une corde de plus à leur arc sur l’occupation. On sentait que La Rochelle n’était pas loin d’accrocher les places qualificatives et d’être un équipe performante ces deux dernières années. Chaque fois qu’ils perdaient, ce n’était pas de beaucoup. Et ils n’ont pas bénéficié de la chance sur quelques défaites. Là, par le recrutement, par l’expérience de leur équipe et de leur staff, ils ont passé un palier à ce niveau-là.
On a l’impression que La Rochelle est au début d’un cycle et le Stade Toulousain…
(il coupe) A la fin d’un cycle ? C’est exactement les a priori qu’on a par rapport au Stade Toulousain. C’est noircir le tableau d’un côté et l’enjoliver de l’autre. Et noircir le tableau et être défaitiste, ce n’est pas mon genre. Je suis persuadé que nous sommes dans la vérité concernant notre philosophie. Heureusement d’ailleurs, car si moi je n’en étais pas persuadé… (sourire)
Il est quand même plus facile de gagner avec des grands joueurs. Des Wilkinson, des Carter…
Oui, mais les grands joueurs, ils sont peut-être déjà sur le terrain du Stade Toulousain. Moi quand je vois des Cros, des Bonneval, des Bézy, qui a eu des moments difficiles mais qui retrouve de l’allant dans son jeu, peut-être que les stars, elles sont là. Que ce sont des stars naissantes.
Vous avez pratiquement bouclé votre recrutement. Vous manque-t-il un 3e ligne ?
Pas forcément. On a aussi des solutions internes. Donc on n’est pas forcément à la recherche d’un 3e ligne.
Etes-vous déçu du choix de l’Argentin Facundo Isa de rejoindre Toulon plutôt que vous ?
Oui, on est déçu. Parce que c’est un joueur qui aurait parfaitement collé à ce qu’on recherche en terme d’équilibre de notre 3e ligne. Un joueur puissant, plutôt bon perforateur. Ce n’était pas acté de manière définitive par la signature d’un contrat. Mais c’était acté sur la parole. Quand la parole est donnée, on a plutôt tendance à croire que les choses sont faites. Ce n’était pas le cas de son côté. Donc on n’a pas voulu rentrer dans ce jeu-là de surenchère. Je pense qu’il y a une chose qui est plus importante que le recrutement d’un joueur, c’est la parole donnée. A partir de là, quand il nous a dit qu’un club avait surenchéri, on a trouvé que si on rentrait dans ce jeu-là, c’était la porte ouverte à n’importe quoi. Peut-être que d’autres le font, qu’ils recrutent des joueurs comme ça. Nous, on garde cette droiture d’esprit pour ne pas rentrer dans ce jeu-là.
Quid de l’avenir de Thierry Dusautoir, qui est en fin de contrat ?
Thierry est un cas à part dans notre rugby. C’est lui qui choisit le moment de son arrêt de carrière. Personne ne peut faire les choses à sa place. On est dans l’attente de savoir ce qu’il veut faire et on avisera. Le premier auquel il faut poser la question, c’est peut-être à lui.
Question personnelle pour finir : vous êtes à ce poste de directeur du rugby au Stade Toulousain depuis un an et demi. Vous signez des contrats d’un an à chaque fois. Avez-vous envie de pérenniser votre fonction et de vous installer ?
C’est un travail qui est très anxiogène, très chronophage. Mais qui est extrêmement plaisant. J’ai l’impression de construire les choses, que ce soit avec les professionnels dans la structure ou le recrutement, mais aussi sur le reste du club. On est engagé dans cette filière de formation interne et c’est pour ça que ça a du sens d’avoir un poste comme le mien. Et moi, je me régale dans le fait de construire ça. Donc oui, peut être que je signerai de nouveau un an. Là aussi, on n’est pas encore dans ce temps-là. Mais en tous cas, je me régale de faire ça.
A une époque, votre nom a été avancé pour la présidence du club. Fabien Pelous, président du Stade Toulousain, est-ce possible ?
Je n’ai pas dit que je ne serai jamais président du Stade Toulousain. Mais il y a un temps pour tout. Là, ma mission est de construire, de pérenniser, de formaliser le schéma du Stade Toulousain. Et ma mission n’est pas finie car je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin dans ce que l’on fait. Donc tant que cette mission n’est pas finie, je ne me tournerai pas vers autre chose. J’ai toujours été clair par rapport à ça : à court terme, je ne postulerai pas.