RMC Sport
Exclusivité

"La tournée de novembre, c’est dans ma tête": après un parcours cabossé, veut s'installer chez les Bleus

placeholder video
Baptiste Erdocio, pilier gauche de Montpellier, a connu sa première sélection cet été contre la Nouvelle-Zélande. Tout sauf une formalité pour le natif de Bidart qui a failli ne jamais avoir sa chance en professionnel. Mais une avalanche de blessures a offert sa chance au jeune Basque. Il raconte ce parcours cabossé à RMC Sport. Devenu une référence à son poste, l'avant du MHR espère être appelé par Fabien Galthié pour la tournée de novembre.

Baptiste, avant de revenir sur votre parcours un peu atypique, on va en reparler, on va évoquer votre été et ce voyage avec l’équipe de France en Nouvelle-Zélande. Vous avez été obligé de décaler vos vacances?

Bon, je ne pars pas souvent en vacances, quand je vais en vacances, je rentre au pays Basque pour la famille. Donc c'est vrai que là, d'aller à l'autre bout du monde, c'était très plaisant, surtout avec l'équipe de France. Jamais je n'y aurais pensé quand j'ai commencé le rugby ou quand je suis arrivé à Montpellier. Mais on m’a donné la confiance ici à Montpellier et au vu des prestations qu'on faisait aussi, ça a pu m'ouvrir les portes de l'équipe de France.

Vous gardez quel souvenir de ce voyage?

C'était génial. Au pays du rugby, avec des bons mecs. Je ne connaissais que Baptiste Jauneau. On s’est retrouvé avec d’autres joueurs, c'était vraiment super. Je me suis même lié d'amitié avec pas mal de mecs dont Pierre Bourgarit, Antoine Hastoy ou Max Springs. On a déconné et puis on a pu participer aux matchs. Donc la fête était plus belle.

Vous avez connu votre première sélection lors du match contre la Nouvelle-Zélande le 12 juillet, cela représente quoi?

C'était énormément de fierté, j’étais super content de pouvoir enfin avoir la chance de chanter la Marseillaise. Après de voir le haka aussi … C'est vrai qu'une première sélection face aux Blacks, tout le monde en rêve. Quand j'étais sur le terrain, j'étais vraiment fier et honoré. J’avais envie de me jauger face aux meilleurs hommes du monde.

Vous gardez toujours avec vous votre premier maillot de Bidart, il est où le maillot de la première sélection?

Je l'ai donné à mes parents et mes beaux-parents parce que ce sont quand même des gens qui sont là au quotidien pour moi. Donc voilà, c'est leur rendre hommage. J'espère que j'en aurai d'autres et que je pourrai le donner à d'autres personnes aussi.

Vous êtes dans la tradition des piliers basques, vous avez eu des message suite à votre première sélection?

J'ai eu Pascal Ondarts au téléphone avant la tournée. Ça m'avait étonné et fait plaisir. C'est quand même un nom au pays Basque. Ça fait toujours plaisir de se sentir soutenu, d'être regardé par les anciens du pays Basque. J'ai aussi envie de leur prouver que les piliers basques sont toujours là.

On l’a rapidement évoqué, arriver en équipe de France ce n’était pas évident quand on repense à vos débuts Baptiste…

J'habitais à côté du stade de Bidart. Quand on était petits, mon frère qui a trois ans plus que moi, on faisait des trous dans le grillage pour aller passer les après-midis avec les copains, déconner sur le terrain. J’ai voulu faire comme mon frère qui a commencé au rugby à cinq ans et donc je commence le rugby et je m'éclate. Quand on est gosse, on pense à s’amuser et à manger le goûter. J'aimais bien jouer 10, toucher le ballon, faire des coups de pied. Mon père, qui m'a entraîné, m'a toujours appris à faire des passes, à ne pas jouer comme un bourrin. Quand j'étais petit j’étais plus boule, plus costaud, c'était plus facile. Il m'a inculqué ce jeu de jouer avec les copains, de faire briller les autres. J'ai fait toutes mes classes à l'école de rugby de Bidart avant de rejoindre le Biarritz Olympique. J’ai été surclassé en cadet avec toujours avec l'envie de progresser et de montrer que je peux jouer à tout niveau.

"Quand tu as 20 ans, ton coach ne doit pas dire ça"

Vous vous approchez du monde professionnel avec les Espoirs sans avoir votre chance et on envisage de vous prêter à Saint-Jean-de-Luz?

Serge Millas, à l'époque, il entraînait Saint-Jean. Il m'avait dit qu'il me prendrait sans problème. Il me disait que j'avais le niveau de jouer. Il m'avait quand même donné confiance. Je le remercie pour ça. Il a été hyper positif. Ça m'a redonné confiance. Je m’apprête à rejoindre ce club, mais là pénurie de pilier à Biarritz. Tout le monde se blesse. Il faut faire jouer le petit Ardocio. Il faut l'envoyer. Ça se passe comme ça mes premières minutes en pro. Je passe d'un week-end où tu n'as pas le niveau de jouer en Top 14 et tu vas jouer en National 2 à être remplaçant avec la première …

Avec cette phrase terrible de votre entraîneur des Espoirs (Nicolas Nadau): 'Baptiste tu n’es bon que pour chanter et mettre la musique'…

C'est une phrase qui m'avait touché ... Quand tu as 20 ans, ton coach ne doit pas dire ça. Il faut qu'il te donne confiance. Il m'avait cintré. Ça m'avait touché dans mon ego. Je n'avais rien dit. Je l'avais accepté. J'avais juste envie de lui montrer le contraire.

Et vous avez donc cette chance le 08 octobre 2021 contre Lyon…

C'était un match compliqué. On prend 40 points. Shaun Sowerby, coach du BO, ne me fait pas rentrer. Je vois l'horloge qui tourne. Je me dis que je vais encore passer à côté. Sauf que dans les tribunes, j'avais pas mal de copains. J'avais la famille. Le public basque me connaissait. Ils commençaient à chanter mon nom. Il s'est dit je ne vais pas avoir le choix. Il se tourne à la 72e et il me dit de rentrer. J'avais envie de montrer que je n'étais pas le mec qui foutait la musique et qui amusait la galerie. Je m’en souviens, c'était incroyable. On prend 40 points. Mais à la fin du match, j'étais là pour faire des câlins aux supporters comme si j'avais gagné alors qu'on avait pris 40 points.

Et vous n’avez plus quitté l’équipe première après ce match…

Ce jour-là, en huit minutes, j'essaye de montrer tout ce que je sais faire. J'attendais juste la première mêlée. Il y avait Xavier Chiocci en face à l'époque. Ils nous avaient rousté en mêlée. J'avais envie de montrer que j'avais le niveau. J'ai pu enchaîner la saison compète en Top 14. Et la saison d’après en Pro D2. Ça m'a beaucoup aidé. En Pro D2, ça tabasse. Tu joues contre des avants. Ils adorent la mêlée. Ils sont costauds. J'ai beaucoup appris en Pro D2.

Dans votre discours il y a toujours ce besoin de prouver que vous êtes légitime, c’est votre moteur? Avant le match de Toulouse vous disiez ne pas vouloir passer pour une truffe devant Baille par exemple…

Quand tu joues contre des mecs comme Cyril Baille, Wardy, JB Gros, c'est les meilleurs à ton poste. Tu as envie de te jauger. J'essaie de leur ressembler. Chaque week-end, vis-à-vis de mon concurrent, j'essaie d'être meilleur que lui. Je veux garder ça parce que je n'ai pas envie de me prendre pour un autre. Je veux garder ce côté rugby. C'est pour le plaisir. J'essaie d'être bon tous les week-ends.

Quand vous êtes arrivés à Montpellier, on vous avait dit que ça serait d’ailleurs pour être remplaçant…

Oui Joan Caudullo m'avait prévenu que je n'allais pas jouer tous les week-ends, que ça allait être compliqué. Comme mon tempérament y fait, je lui ai dit si tu veux, pas de problème. J'avais envie de lui prouver le contraire. Cette année-là, je fais 30 matchs. Je fais tous les matchs. Ça se passe super bien. J'arrive ici sur la pointe des pieds en voulant montrer que j'ai le niveau encore. Je suis content parce que le travail, la persévérance, ça gagne toujours.

Vous êtes aujourd’hui un des meilleurs à votre poste, avec une domination énorme contre Toulouse, on ressent quoi quand on est pilier et que l’on renverse la première ligne du XV de France?

Il y a quand même un petit coup de fierté. Mais, je vais te comparer avec un buteur, quand il met les points, il ne va pas sauter de joie. Nous, c'est vrai que quand il y a une mêlée, c'est notre job, il faut qu'on soit performant. On ne nous demande pas de faire des percées de 20 mètres, de faire des chisteras. On nous demande d'être bon en mêlée. Quand on réussit une mêlée, moi je n'ai pas envie de sauter de joie. Tu joues face à des mecs aussi. S'ils te tordent, tu n'as pas envie qu'ils te chambrent.

Dans dix jours, Fabien Galthié va annoncer sa liste pour la tournée de novembre, vous allez suivre avec attention?

Je ne savais même pas qu'elle sortait dans dix jours (rires). La tournée de novembre, c’est dans ma tête, mais ce n'est pas une obsession. Après la tournée cet été, je ne me suis pas dit qu'il y avait la tournée de novembre. Je me suis dit que je devais faire des bons matchs à Montpellier parce que je n'avais pas envie d'arriver à une tournée et me dire que c'est facile que j'ai ma place acquise. Je suis revenu un peu plus tôt de vacances pour montrer au staff que j'adhère au projet et que je veux montrer le meilleur de moi-même. Bien sûr, je vais regarder la liste. Si j'y suis, je serai content, très content. L’équipe de France c’est une fierté, un honneur. Si je ne suis pas, je continuerai à travailler et à essayer de faire des bonnes performances.

Propos recueillis par Julien Landry