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XV de France: "J'ai accepté que cette Coupe du monde dépasse le sport", pourquoi Benazzi a vite digéré son essai refusé face aux Boks en 1995

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Il y a 28 ans, le XV de France tombait en demi-finale de la Coupe du monde face à l’Afrique du Sud (19-15) après des décisions arbitrales très douteuses comme celle de refuser un essai à Abdelatif Benazzi, qui n’a jamais polémiqué sur le sujet dans un contexte politique lourd.

Abdelatif Benazzi (55 ans) restera comme le héros malheureux de la première confrontation en Coupe du monde entre la France et l’Afrique du sud. C’était en 1995 lors d’une demi-finale qualifiée par Pierre Berbizier, alors sélectionneur des Bleus, comme "l’une des plus grandes escroqueries sportives de l’histoire". Sur un terrain détrempé et certainement impraticable, les Français s’étaient inclinés (19-15), victime de décisions arbitrales très douteuses, comme celle de refuser un essai - qui semblait valable - à Benazzi à la 78e minute.

Pour lui, cette défaite a contribué a changé l’histoire de l’Afrique du Sud

A cinq jours des retrouvailles entre les Bleus et les Boks dans un Mondial, dimanche en quart de finale (21h), Benazzi revient sur ce premier choc entre les deux nations et sa dimension très politique vingt-huit ans plus tard. L’ancien deuxième-ligne, désormais vice-président de la FFR chargé des relations internationales, accepte les choix contraires de l’arbitre pour les Sud-africains, favorisés - selon certains – pour leur permettre de triompher dans un contexte post-apartheid très lourd.

"J'ai accepté que cette Coupe du monde dépasse le sport", confie Benazzi dans L’Equipe. "Deux ans auparavant, je faisais partie de l'équipe de France en tournée là-bas. Je n'avais pas pu jouer les deux tests à cause de blessures. Je passais beaucoup de temps loin du terrain et c'était choquant. Horrible même. À Pretoria, à Johannesburg, les gens étaient armés. Il y avait des endroits indiquant "Only White". Quand on est allés jouer à Bloemfontein, on entendait des discours suprémacistes. Je n'ai pas oublié la soumission de ces gens noirs, la tête baissée. Ceux qui travaillaient dans nos hôtels avaient été affublés par les Blancs de prénoms "blancs", pour renier leur identité. Ils étaient terrorisés, ne voulaient pas que ça se sache."

"En deux ans, cette Coupe du monde a réglé beaucoup de choses. Pas tout, bien sûr. Pas tout. Mais aujourd'hui, quand je regarde les Springboks, quand je vois leur capitaine noir (Siya Kolisi, NDLR) qui est si solaire, je me dis que 1995 y est pour quelque chose."

Aussitôt après le match, Benazzi n’avait d’ailleurs pas polémiqué sur son essai refusé à l’inverse de Berbizier, toujours remonté plusieurs années après au point de décliner l’avant-première du film Invictus, retraçant l’épopée sud-africaine tout en occultant les décisions sportives très litigieuses sur le terrain. "Il (Berbizier) avait raison de dire que la politique avait pris le pas sur le sport, comprend Benazzi. Mais c'était un autre temps.

"J'ai perdu sportivement mais j'ai gagné humainement"

S’il reconnaît qu’il parlera de cette action jusqu’à la fin de sa vie, l’ancien joueur d’Agen et des Saracens a vite tourné la page et s’est réconforté par la victoire face à l’Angleterre (19-9) dans le match pour la troisième place. Il avoue avoir aussi été gagné par l’émotion lors de la finale remportée par l’Afrique du Sud contre la Nouvelle-Zélande (15-12) avec la remise du trophée par Nelson Mandela au capitaine Francois Pienaar. Un geste passé à la postérité.

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"Pendant la finale, on était au stade", conclut-il. "J'ai versé des larmes. L'entrée de Nelson Mandela, Pienaar, qui est quand même très afrikaner et qui dit que c'est la victoire de 42 millions de Sud-Africains, des Blancs qui embrassent des Noirs devant moi en tribunes. En 1995, j'ai perdu sportivement mais j'ai gagné humainement. C'était un moment magique. Mais à quel prix..." Il fait ainsi référence aux nombreux joueurs sud-africains décédés quelques années plus tard de manière suspecte.

NC