XV de France: "Peut-être que j’ai des os de grizzli", Atonio se confie sur son physique hors norme

Si l’on vous dit que vous êtes une force la nature, Uini Atonio…
[Il souffle, en souriant] Je ne sais pas. Je ne pense pas, hein. Force de la nature, c’est trop…
Comment vous qualifieriez-vous?
Si vous parlez de force de la nature, il y a des Reda Wardi. Des "boules", des "tanks... Moi, je me vois plus comme… un rhino (rires)!
On vous demande cela car, à chaque fois que vous êtes blessé, vous revenez toujours plus tôt que prévu. Pas plus tard encore que juste avant le début du VI Nations, d’ailleurs…
Certains récupèrent plus vite que d’autres… Peut-être que j’ai une bonne hygiène de vie. Je ne sais pas, c’est comme ça…
On vous fait souvent la réflexion, non?
Des mecs me chambrent par rapport à cela et disent que je n’ai jamais de vraies blessures. Mais non, non (rires). Je ne fais pas exprès, hein. J’avais vraiment mal (après sa sortie sur blessure début janvier face à Toulouse, NDLR), je me suis fait infiltrer le genou.
Le process va tellement vite… On a avancé plus vite que prévu, tant mieux pour moi (Il était propulsé titulaire quatorze jours plus tard). C’est vrai qu’à chaque blessure, je touche du bois, je suis rarement resté éloigné plus de deux semaines d’un terrain.
"Un côté héréditaire? Mon père, ça fait 40 ans qu’il est soudeur, je ne l’ai jamais vu prendre des journées off. A part des journées forcées, quand la loi le lui oblige"
On en revient à votre faculté de récupération, régénération, cicatrisation qui peut paraître hors norme pour le commun des mortels…
Peut-être que j’ai des os de grizzli! [Il se marre] Peut-être parce que je prie tous les jours? Je suis content, tant mieux que ce soit comme ça. Pour certains, c’est plus long que prévu, c’est frustrant. Déjà, je n’aime pas ne pas jouer le week-end, j’ai l’impression de ne servir à rien. Du coup, il y a un côté mental. Mentalement, j’essaye toujours d’être apte à jouer.
Et un coté héréditaire?
Mon père, ça fait 40 ans qu’il est soudeur, je ne l’ai jamais vu prendre des journées "off". A part des journées forcées, quand la loi le lui oblige. C’est quelqu’un qui peut boire des coups jusqu’à 1h du matin et à 6h, il est debout en train de préparer son café pour partir au travail. Après, j’ai rarement été blessé.
Du coup, mon corps ne sait pas ce que c’est d’être blessé. Mais, un jour - j’espère que ce ne sera pas pendant ma carrière professionnelle -, cela va tomber, je vais passer par la "compta"… J’espère que ce ne sera pas trop grave.
On a recensé une blessure "majeure" dans votre carrière… [Surpris, il se demande laquelle] Cette blessure aux cervicales suivie d’une opération du rachis cervical…
Ah, oui!
Qui vous a privé, quelque part, de la coupe du monde 2019 au Japon avec le XV de France, après le forfait de Demba Bamba…
Pas vraiment… C’était prévu que je me fasse opérer après la liste des 37. Je n’y étais pas, j’ai été appelé plus tard. Mais c’était le moment de passer sur le billard. J’ai loupé deux mois de rugby et six, sept matchs, ce n’était pas la cata. On l’a fait au bon moment. Depuis, j’enchaîne!
A l’époque, le degré de gravité de la lésion semblait tel (une suspicion de classification G3 était évoquée, NDLR) qu’il était question d’une éventuelle contre-indication absolue de la pratique du rugby en France…
C’est ça. L’opération était une option. Je n’étais pas obligée de la prendre. Soit je ne me faisais pas opérer et je n’avais plus de licence, soit me faisais opérer et je pouvais continuer à jouer. Mais, à l’époque, je n’avais pas encore gagné un titre. Finir une carrière à La Rochelle sans rien, j’aurai été dégoûté.
Depuis cet épisode, vous semblez avoir pris une autre dimension…
Je fais plus attention à mes cervicales, je les renforce au moins deux, trois fois par semaine. Des joueurs sont obligés d’arrêter du jour au lendemain. Je pense à Kevin Gourdon et Virimi Vakatawa… Du coup, j’avais vraiment la chance d’avoir la solution avec cette opération. Est-ce que je suis plus fort depuis ? Je ne sais pas. En tout cas, je suis content d’avoir fait cette opération.
Quel rapport entretenez-vous avec votre corps?
Je ne suis pas celui qui va se priver de quelque chose. Pour jouer au haut-niveau, il faut une base, je le sais. Mais, aujourd’hui, si je fais le goûter avec mes enfants, je vais manger deux, trois chocolats, je ne vais pas me dire non.
Je ne me force pas à faire des régimes spéciaux pour avoir un corps dans lequel les gens pensent que je me sentirai mieux. Moi, aujourd’hui, je me sens bien. Mon corps est comme ça, il a toujours été comme ça. Cela fait 15 ans que je fais du rugby pro. Soit tu me prends comme ça, soit tu ne me prends pas, quoi. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais descendre à 95 kilos.
"Je crois que j’ai tout cassé (rires), au niveau des profils!"
Combien indique la balance, si ce n’est pas indiscret?
Entre 146 et 149 kilos
Votre poids de forme?
Je ne sais pas. Des fois, en dessous de 146, j’ai fait des matchs catastrophiques. Cela dépend la forme que tu cherches. Moi, je suis très bien où je suis. Sans me prendre la tête, sans être obligé de me priver de manger pendant 24h pour être au bon point le lendemain. Cela, ça me… J’ai toujours été habitué comme ça et cela marche bien. D’ailleurs, cela n’aurait-il pas un rapport dans le fait que je suis toujours apte à jouer? C’est peut-être parce que je ne suis pas de régime, que je ne prends pas des poudres de protéines artificielles… J’en mange assez, des protéines, je pense (sourire).
Vous avez prouvé, Uini Atonio, que votre profil n’est pas un frein au niveau international…
Je crois que j’ai tout cassé (rires), au niveau des profils! Certains disent qu’il faut être à 125 kilos, courir à 30 km/h… Oui, c’est toujours bien, ça marche. Mais est-ce que c’est pareil pour tout le monde? Je ne pense pas. Tout le monde est différent, on n’a pas tous le même corps. Aujourd’hui, si tu fais 110 kilos et que tu fracasses tout le monde en mêlée, je ne pense pas qu’on va te demander d’être à 120. Le rugby d’aujourd’hui est plus physique, plus frontal avec beaucoup de mêlées violentes. Il faut que ton corps suive. Est-ce que mon corps suivrait à 120 kilos? Je ne pense pas…
Votre poids vous a joué des tours, plus jeune, quand vous étiez encore en Nouvelle-Zélande…
A l’époque, les Baby Blacks ne m’ont pas pris. On me disait que j’étais un très bon joueur de rugby mais que j’étais trop lent et trop fainéant. Deux ans plus tard, ils prennent "Big Ben" Tameifuna! On est à peu près dans le même sac (le joueur de Bordeaux-Bègles, 148 kilos, est considéré comme le joueur le plus lourd du Top 14 depuis plusieurs saisons, NDLR). Aujourd’hui, peut-être qu’ils ont changé les standards. Moi, je suis encore là. Et j’espère encore l’être les années qui arrivent.
Une revanche sur le destin, quelque part, en imposant votre style, non?
Bon, si tu arrives à 250 kilos et que tu marches, je pense qu’on ne te prendra pas (rires). Mon cas est extraordinaire. C’est rare de voir des piliers qui font 1,97 m et 150 kilos. En Top 14, on doit être deux, trois au-dessus de 140 kilos. C’est un profil qu’on a quasiment créé. Je ne vais pas changer pour être tout maigre, quoi. Et je ne vais pas suivre le régime de Teddy Thomas pour faire les mêmes choses sur le terrain.
Vous pourriez inspirez certains jeunes joueurs…
J’espère (sourire). Même si je n’inspire qu’un seul "gros" en train d’essayer d’entrer dans le rugby, ce serait le plus grand des plaisirs. Je sais que c’est dur car il y a beaucoup de harcèlement quand tu es à l’école… Mais franchement, il faut juste dépasser ça et, normalement, tout va bien !
L’œil de Philippe Gardent: "C’est un extraterrestre"
Le responsable de la préparation physique du Stade Rochelais, Philippe Gardent, confirme les prédispositions naturelles de Uini Atonio dans le processus de retour au jeu, suite à une blessure: "Il y a des joueurs qui ont cette capacité à récupérer plus facilement que d’autres. Ce n’est pas qu’il a plus confiance, c’est juste que c’est un extraterrestre, c’est Uini Atonio! Si on ne parle que des délais de retour, c’est souvent comme ça. Quand le mec en prend pour cinq semaines, dès la deuxième semaine, tout le monde te dit: 'la semaine prochaine, il pourra jouer!' Aussi, Uini connaît très bien son corps. Il y a des choses qu’il accepte, d’autres qu’il n’accepte pas. L’acteur principal de sa vie, c’est lui. Il arrive à nous donner des clés qui nous aident à l’accompagner de la meilleure des façons."