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XV de France: "Rester calme et casser la bouche aux Anglais", lance Harinordoquy

Auteur de trois Grands Chelems avec le XV de France (2002, 2004 et 2010), l’ancien troisième ligne aux 82 sélections Imanol Harinordoquy porte un regard élogieux sur les Bleus de Fabien Galthié. Pour RMC Sport, le Basque, impressionné notamment par les performances de Julien Marchand et Cyril Baille, évoque le Crunch de samedi contre l'Angleterre. Il croit plus que jamais en la victoire des Bleus. 

Imanol Harinordoquy, comment le XV de France doit-il aborder un tel match avec cette pression du Grand Chelem?

Il n’y a pas de formule magique quand on joue une victoire dans le Tournoi et qui plus est un Grand Chelem. Le but c’est de s’approprier l’événement, de le voir très positivement et de rentrer sur le terrain avec beaucoup de plaisir. Je crois que ce groupe vit très bien sur et en dehors du terrain, notamment avec un état d’esprit remarquable. Il va falloir que les joueurs prennent samedi le match par le bon bout car lorsque l’on joue tout sur un match, il peut y avoir une certaine pression. A eux de rester calmes,de faire preuve de sang froid et de casser la bouche à ces Anglais.

Ce match est-il différent des autres?

Ce match est différent car c’est un peu l’inconnu pour ce groupe avec une pression qui peut t’écraser, t’inhiber. Si le match est serré, ils peuvent se dire et penser qu’ils vont perdre quelque chose. Mais ils vont en parler tout au long de la semaine pour désacraliser la chose.

Quatre victoires de suite dans ce Tournoi, est-ce le gage d’une confiance absolue pour ce XV de France?

Cette équipe fait preuve d’un calme olympien. Quand ils sont dans la difficulté (on l’a vu face aux Irlandais et face aux Gallois en deuxième période) ils ne paniquent pas, ne s’affolent pas. Ils évitent de faire des fautes en défendant dur donc c’est compliqué pour l’adversaire de les battre, de surcroît quand ils se mettent à jouer leur rugby. Un rugby redoutable. Il faudra cependant faire preuve d’une maîtrise parfaite.

Quelles sont les différences et similitudes avec l’équipe de votre époque?

Je n’aime pas comparer les époques parce qu’elles sont toutes différentes. 2002 et 2004 étaient un peu similaires, en 2010 c’était vraiment différent car on l’a gagné plus sur le vécu collectif et l’expérience que sur notre niveau. Un succès acquis petitement. Mais l’important reste de gagner les matchs, peu importe la manière. Aujourd’hui c’est leur histoire, leur vécu commun et ils ont besoin d’ancrer ça au plus profond d’eux-mèmes car ce genre de victoire unit un groupe à jamais et fera date, à un an de la Coupe du monde.

Selon vous, un joueur sort-il du lot dans ce groupe France?

Avant de parler de joueurs, il y a surtout un paquet d’avants qui fait un travail monstrueux. Dès qu’ils touchent le ballon, ils gagnent tous leurs duels et c’est assez impressionnant. D’un point de vue individuel, Cyril Baille et surtout Julien Marchand me semblent au dessus du lot avec des prestations XXL. Des joueurs très précieux dans les temps faibles avec un Marchand en fer de lance. Et au Panthéon des piliers, je pense que Christian Califano doit être assez fier de Cyril Baille.

On parle aujourd’hui de génération dorée. Un terme galvaudé?

Je n’utilise pas ce genre de termes. Depuis deux ans, les joueurs mouillent le maillot et ça, ça fait plaisir car on l’avait sacrément perdu depuis pas loin de dix ans. Aujourd’hui, il y a une équipe qui se bat même quand c’est dur. Cela prouve la force mentale de ce XV de France qui ne s’emballe pas et reste très humble malgré le niveau affiché.

Qu’est-ce qui vous marque dans cette équipe?

Ce qui me marque le plus, c’est l’état d’esprit et cette faculté à rester calme dans les matchs, malgré une moyenne d’âge très jeune. Ils font aussi preuve d’une maturité assez incroyable. Nous, à notre époque, il a fallu plusieurs années pour en arriver là.

Fabien Galthié a-t-il tout changé?

Je ne vais pas tout analyser mais ce qu’il a fait de très bien, c’est remettre l’équipe de France au centre des débats quand il l’a reprise en main. Il a défini un cadre pour tout le monde, a remis la méritocratie en place et il a donné la chance à de jeunes joueurs de pouvoir intégrer le groupe France.

Finir par l’Angleterre, notre meilleur ennemi, tout un symbole…

Nous, on l’a fait en 2010 et c’était un régal de jouer les Anglais. Et je pense que pour cette équipe de France, c’est la même chose. Les Bleus restant admiratifs du XV de la Rose. Ce match aura de la valeur quoi qu’il arrive.

Un Grand Chelem, ça changerait quoi pour le rugby français?

Cela leur montrerait qu’ils sont capables de gagner un titre ensemble et ça, c’est important psychologiquement. Ce serait aussi un signal fort envoyé aux futurs adversaires, comme quoi la France peut de nouveau gagner. Ils forceraient le respect général tout en changeant de statut.

Un tremplin assuré vers la Coupe du monde 2023?

Sans contestation, car ils amèneraient tout le monde derrière eux. On a déjà pu s’en rendre compte lors des déplacements en Ecosse ou au pays de Galles, où l’engouement était déjà très fort. Et je n’imagine même pas la ferveur populaire samedi soir au Stade de France.

Parlez nous de vos trois Grands Chelems…

En 2002, c’était mes débuts en équipe de France donc je ne réalisais pas trop. Je n’avais pas encore pris conscience de ce titre. J’étais sur un petit nuage entouré de véritables monstres et on a marché sur le Tournoi. En 2004, c’etait magnifique car c’était la revanche de la Coupe du monde 2003 où on avait perdu contre l’Angleterre en demi-finale. On avait validé une belle saison durant laquelle on jouait très bien au rugby. En 2010, c’était match après match avec un tournant après la victoire à Cardiff, où l’on a pris conscience que l’on pouvait faire quelque chose. En 2010, c’est aussi le Grand Chelem des soirées, on peut le dire aujourd’hui! C’est un double titre…

Une anecdote particulière?

Pas d’anecdote, ça reste entre nous.

P.Laffite