Guerre en Ukraine: l'héroïque mission-sauvetage d’un joueur brésilien... pour la belle-mère d’un influenceur

Lucas Rangel (27 ans) n’est pas le plus connu des nombreux joueurs brésiliens évoluant en Ukraine. Il évolue au Vorskla Poltava, à l’est du pays, dans l’ombre des géants du pays, le Dynamo Kiev, ou le Shakhtar Dontesk, où joue la majorité de ses compatriotes. L’attaquant, passé par des clubs en Albanie, Autriche, Finlande ou Turquie, s’est mué en sauveur après un appel lancé sur les réseaux sociaux par Anderson Dias, influenceur brésilien vivant aux Etats-Unis. L’homme - qui compte 1,4 million d’abonnés sur Instagram - a publié un message le 24 février pour faire évacuer sa belle-mère ukrainienne, Tetiana Sukhoparova.
"J'ai un avion privé prêt à sauver 14 personnes d'Ukraine, a écrit Dias. L'un de ces sièges est pour la mère de ma petite amie, il reste donc 13 autres places. Si quelqu'un connaît les footballeurs qui veulent partir de là, s'il vous plaît, faites-le moi savoir! J'ai juste besoin de quelqu'un pour la faire venir en voiture depuis sa ville."
Dias visait les joueurs brésiliens de Kiev et Donetsk après leur appel à l’aide en vidéo publié sur les réseaux sociaux quelques heures après le déclenchement de la guerre. Mais c’est finalement auprès de Rangel, alors en route avec deux prêtres pour fuir l’est du pays, que l'appel de Dias a fait écho.
"Dès que j'ai publié ce post, j'ai reçu beaucoup de messages, mais la plupart d'entre eux n'étaient pas très utiles car ils provenaient de personnes qui n'étaient nulle part près de Krementchouk, où vivait ma belle-mère, explique l’influenceur à la BBC. Mais quelqu'un m'a parlé de Lucas et m'a passé son numéro. Nous avons parlé brièvement et il a accepté de m'aider tout de suite. C'est le vrai héros de cette histoire."
Le joueur de Vorskla Poltava a donc opéré un détour de 20 minutes en voiture pour récupérer Tetiana Sukhoparova avant de prendre la route vers l’Ouest et la Pologne. "Nous avons créé un groupe WhatsApp et sommes restés en contact jusqu'à la fin, explique le joueur au média britannique. J'envoyais des photos et notre position tout le temps." Ils ont alors traversé le pays en 30 heures, avec la peur incessante de se retrouver parmi les victimes collatérales. Ils ont ainsi régulièrement croisé l'armée ukrainienne se diriger dans la direction opposée à Kiev.
Des tanks croisés, 5 heures de marche dans le froid...
"Comment pouvez-vous faire cela quand vous avez un tank dans votre rétroviseur?, interroge Rangel. C'est quelque chose que je n'aurais jamais pensé traverser. Nous regardons ces films de guerre et pleurons parfois devant, mais c'est très différent de se retrouver dans l'un d'eux. C'est si intense que vous ne pouvez même pas vous permettre de pleurer. On avait l'impression d'être dans un film d'horreur et, pour aggraver les choses, les yeux bandés parce qu'on ne sait jamais ce qui va se passer ensuite."
Le périple a pris une dimension plus dramatique encore quand ils ont dû parcourir à pied (et pendant 5 heures) les 25 derniers kilomètres les séparant de la frontière polonaise dans des températures polaires (-11 degrés), sans bois pour se réchauffer au milieu de la nuit. "Nous avions à peine de la nourriture aussi, poursuit Rangel. J'ai dû donner la mienne à Tetiana parce qu'elle en avait plus besoin que moi. Nous n'avions pas dormi depuis trois jours et nous nous sentions vraiment fatigués, alors à un moment donné, nous avons décidé de chercher un bus qui nous laisserait entrer." Le groupe en a trouvé un moyennant finance. Ils ont finalement atteint Cracovie le 28 février avant de rejoindre l’aéroport de Katowice pour embarquer à bord du jet privé promis. Celui-ci a atteint Porto où la belle-mère de l’influenceur attend désormais un visa pour rejoindre les Etats-Unis.
La mission sauvetage a coûté 25.000 euros et a été financée par Leonardo Freitas, homme d’affaire brésilien partenaire commercial de l’influenceur Anderson Dias. Rangel, lui, a rejoint le Brésilien et veut quitter le championnat ukrainien. "J'ai eu beaucoup d'intérêt de la Finlande, où j'ai joué pendant quelques années, mais l'offre la plus lucrative venait du Kazakhstan, a-t-il expliqué. Mais je leur ai dit non. La situation politique est très compliquée là-bas et je ne veux pas revivre une autre guerre. Pas dans cette vie du moins."